Intervention de Sergio Coronado

Séance en hémicycle du 29 novembre 2013 à 21h30
Renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel — Article 16

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSergio Coronado :

Le rapport et les propositions qu’il contient ont pour point de départ l’idée selon laquelle la prostitution est forcément liée à la traite des êtres humains. Or, historiquement, ce n’est pas vrai ; cela ne l’est pas non plus aujourd’hui pour la totalité des personnes prostituées. En réalité, la proposition consistant à pénaliser les clients peut s’entendre comme un constat d’échec de la lutte contre les réseaux, alors que la véritable réponse réside dans leur éradication. La violence dont ils se rendent coupables est insupportable.

Je me suis permis, à cet égard, de citer Alain Vidalies, qui a été rapporteur en 2001 de la mission d’information sur l’esclavage moderne. Or il n’a jamais accepté que l’on réduise la prostitution à la traite des êtres humains ou à l’esclavage. Il faisait une différence entre ces phénomènes, ce qui lui permettait d’être extrêmement réservé à l’égard de la pénalisation.

Ce qui fonde la proposition que nous examinons aujourd’hui, c’est l’objectif de tarir la demande et, ce faisant, de s’attaquer aux réseaux. Or il me semble que l’on fait fausse route.

Cette pénalisation n’est en rien une garantie pour les victimes de la traite et l’amalgame entre traite et prostitution risque de détourner les moyens mis en place pour lutter contre la traite.

Je rappelle qu’en Suède, alors que 450 hommes étaient condamnés à une amende pour achat de sexe en 2011, seules 2 personnes étaient condamnées pour traite à des fins sexuelles, et 11 pour proxénétisme lié à la traite.

Je voudrais mettre en relation ces chiffres avec les conclusions du rapport 2012 du groupe VIH-sida du PNUD, qui s’inquiétait de la situation en Suède : « Selon la police, le commerce sexuel dans la rue a diminué de moitié en Suède, mais globalement, il reste au niveau qu’il avait avant la promulgation de la loi, mais est devenu, en grande partie, clandestin. Il s’est déplacé dans les hôtels et les restaurants, ainsi que sur Internet et au Danemark. Selon les services suédois de police judiciaire, il est devenu plus violent. Ces services s’inquiètent particulièrement de l’arrivée dans la profession de femmes étrangères, souvent entièrement contrôlées par des proxénètes. »

Je crois sincèrement, chers collègues, que vous faites fausse route. Nous verrons dans quelques années les effets de la pénalisation sur la prostitution, sur les réseaux de proxénètes et sur la traite. Nous ferons le bilan, de manière très éclairée et apaisée.

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