Intervention de Gilles Savary

Séance en hémicycle du 2 décembre 2013 à 17h00
Débat sur le rapport d'information sur la proposition de directive relative au détachement des travailleurs

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Savary, rapporteur de la commission des affaires européennes :

Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, mesdames les présidentes des commissions des affaires européennes étrangères et sociales, madame et monsieur les rapporteurs, chers collègues, au nom de mes collègues Chantal Guittet et Michel Piron, co-auteurs de l’avis et du rapport d’information que nous avons publié en juin 2013, je me félicite de ce débat très important, qui en appelle probablement d’autres sur un thème qui va sans doute faire sortir de leur très longue hibernation certains politiques qui ne s’en étaient guère occupés jusqu’à présent.

Pour notre part, sur ce thème un peu compliqué du détachement des travailleurs, nous accompagnons les efforts du ministre afin d’obtenir un renforcement de la directive européenne. Rien ne serait pire que de laisser aux démagogues l’initiative baroque de dire qu’il ne faut pas de directive sur le détachement des travailleurs.

Le détachement a toujours accompagné l’économie et les échanges : ingénieurs, commerciaux et ouvriers sont envoyés à l’étranger sous ce statut pour vendre des Airbus ou du vin, réparer des machines exportées, etc. Le détachement est utile à l’économie réelle.

Mais au cours de notre minutieuse enquête, alimentée de nombreuses auditions, nous avons constaté que ce statut faisait l’objet de très nombreux détournements, abus et fraudes diverses très complexes dans la société européenne. Au sein de l’Union, se développent des stratégies d’optimisation sociale absolument délétères et dévastatrices de l’idée européenne elle-même.

Cet état de fait s’explique notamment par les difficultés de certains peuples européens : après l’élargissement, ceux de l’est viennent chercher des revenus à l’ouest ; après la crise de 2008, ceux du sud essaient de trouver de l’emploi dans nos pays. À cela s’ajoute le fait que chez nous, certains chefs d’entreprise peu scrupuleux ont décidé de se faire de la concurrence par le dumping social.

Il était donc très important d’engager une réflexion – et je suis heureux que l’on nous en ait donné l’occasion – sur les outils dont nous aurons besoin dans les années à venir, afin d’éviter que ne se développent de telles stratégies.

Celles-ci ont pour effet de fragiliser le financement de la sécurité sociale, de dresser les ouvriers les uns contre les autres et, surtout, de créer de la concurrence fondamentalement inégale – une concurrence libre et faussée, dirai-je, pour reprendre une expression qui a fait florès. Sur ce dernier registre en effet, il y a matière à interpeller l’Europe.

Monsieur le ministre, vous faites partie d’un gouvernement qui est le premier depuis dix ans à réagir à cette évolution qui est pourtant prévisible depuis le début des années 2000. Depuis cette époque, le nombre de détachés en France est passé d’environ 7000 à 170 000, sans compter la fraude. Il était temps qu’une initiative politique prenne la mesure du problème.

Pour conclure, je voudrais revenir à nos suggestions dans la perspective du conseil des ministres européens du travail et de l’emploi du 9 décembre prochain. Si possible, il faut prendre ce qui est à prendre dans le renforcement de la directive sur le détachement. Si ce n’est pas possible, face aux efforts conjugués des ultralibéraux, de M. Cameron et des pays de l’est qui campent sur des positions peu coopératives, et en l’absence d’harmonisation sociale, il faut prendre l’initiative, l’année prochaine, d’élaborer une proposition contre le dumping social et non pas contre la directive sur le détachement.

Le rapport, que nous avons cosigné et qui a été approuvé à l’unanimité tant par la commission des affaires européennes que par la commission des affaires sociales, donne certaines pistes. Si nécessaire, il faudra prendre des mesures unilatérales comme l’avez annoncé en conseil des ministres. Il peut s’agir du renforcement des équipes de contrôle. Par le biais d’une proposition de loi, le groupe socialiste pourrait, de son côté, proposer une législation beaucoup plus forte.

Nous sommes à pied d’oeuvre. Il est très important de ne pas laisser filer ce phénomène comme, dans les années 1980-1990, nous avons laissé filer des phénomènes d’optimisation fiscale dont nous n’arrivons pas à nous dépêtrer, qui nous créent de graves problèmes et minent la très belle idée d’Europe à laquelle nous sommes tous très attachés.

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