Intervention de Pierre Lequiller

Séance en hémicycle du 2 décembre 2013 à 17h00
Débat sur le rapport d'information sur la proposition de directive relative au détachement des travailleurs

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lequiller :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames les présidentes des commissions, madame et messieurs les rapporteurs, la directive sur le détachement des travailleurs considère comme détaché un travailleur s’il travaille dans un État membre de l’Union européenne et que son employeur l’envoie à titre temporaire poursuivre ses fonctions dans un autre État membre que celui qui régit leur relation de travail.

Comme Gilles Savary l’a très bien dit, l’emploi de travailleurs étrangers a de tout temps été bénéfique pour nos pays : il a largement contribué à leur développement. Les institutions européennes ont souhaité donner un cadre à ces envois temporaires de main-d’oeuvre pour assurer à la fois les droits de ces travailleurs et le respect de la liberté de circulation dans l’Union européenne. C’est ainsi qu’est née la directive de 1996. Mais une pratique contraire à l’esprit de cette réglementation européenne s’est développée, notamment dans certains secteurs, qui ont déjà été cités. De véritables filières de travailleurs low cost ont ainsi été créées.

La Commission européenne a réagi à cette concurrence déloyale en mettant sur la table en mars 2012 une proposition de directive d’application de la directive de 1996. Les détachements de travailleurs concernent chaque année un million de citoyens européens, soit 0.4 % des travailleurs de l’Union européenne. L’excellent rapport de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale relève qu’une proportion sensible des salariés détachés est de nationalité française. La France est ainsi le deuxième pays de provenance des travailleurs détachés d’Europe : 175 000 ouvriers, ingénieurs ou commerciaux sont déclarés en mission temporaire pour représenter nos intérêts économiques en Europe. Elle fait partie des principaux pays de départ avec la Pologne et l’Allemagne, tandis que les principaux pays d’accueil sont l’Allemagne, la France et la Belgique.

En 2011, la France a accueilli 145 000 travailleurs détachés. Ces derniers viennent notamment de Pologne et d’Allemagne, mais ils n’arrivent pas uniquement des pays de l’Est : ils viennent aussi du Portugal. Pour autant, on estime que le nombre de travailleurs détachés non déclarés atteint un chiffre compris entre 220 000 et 300 000, et que 13 % des travailleurs détachés en France sont Français : ils sont souvent embauchés dans des pays limitrophes comme le Luxembourg, où le taux de cotisations sociales est faible, puis détachés en France. Quand on parle des travailleurs détachés, il est donc question d’entreprises françaises, allemandes ou hongroises qui recourent à des moyens déloyaux pour payer leurs employés moins cher, payer les cotisations patronales les plus basses possibles, et utilisent les règles européennes les plus intéressantes pour elles, contre les droits de leurs travailleurs, lesquels, bien souvent, ne connaissent pas leurs droits en matière de maladie, d’accident du travail, de chômage, et de retraite. Et cette main-d’oeuvre, en théorie temporaire, représente parfois une immense partie des effectifs sur ces chantiers.

L’Allemagne fait partie de la coalition qui soutient la ligne de la fermeté aux côtés de la France, de l’Italie, de l’Espagne, de la Belgique et des Pays-Bas.

En la matière, l’Union européenne doit pouvoir contrôler et punir ces fraudes. C’est donc d’une législation plus claire et plus ferme dont nous avons besoin.

La France doit aussi prendre la mesure de la situation, se rendre compte qu’elle s’est mise dans cette situation par ses propres erreurs – sans rejeter systématiquement la faute sur les autres,– baisser ses cotisations patronales et adapter son propre arsenal juridique pour lutter contre la fraude.

En effet, cette directive sur le détachement des travailleurs, qu’elle soit modifiée, clarifiée, ou mieux contrôlée, prévoira toujours que les entreprises qui envoient des travailleurs détachés paient des cotisations sociales dans leur propre pays. En somme, les entreprises françaises seront toujours pénalisées, parce que la France a les cotisations patronales les plus importantes de l’Union européenne.

Depuis l’arrivée au pouvoir de François Hollande, les socialistes ont fait tout le contraire : les charges qui pèsent sur les entreprises françaises n’ont pas cessé de croître.

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