Intervention de Jacques Cresta

Séance en hémicycle du 2 décembre 2013 à 17h00
Débat sur le rapport d'information sur la proposition de directive relative au détachement des travailleurs

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Cresta :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames les présidentes de commission, mes chers collègues, je ne vous apprends rien : nos entreprises éprouvent de grandes difficultés pour pérenniser leur activité face à l’arrivée de sociétés et de travailleurs étrangers pour lesquels les salaires et les contributions sociales acquittées sont généralement moins élevés. La directive de 1996 prévoit que le versement des cotisations au titre de l’activité professionnelle d’un salarié détaché dans un État de l’Union s’effectue dans son pays d’origine, générant des pertes pour la Sécurité sociale et des distorsions de concurrence. De plus, les fédérations syndicales européennes nous font part d’une multiplication des pratiques de contournement des réglementations visant à garantir les droits des travailleurs détachés temporairement, en particulier dans le secteur du bâtiment.

C’est ce secteur du bâtiment et des travaux publics qui m’a, à l’origine, sensibilisé à ces questions. Il existe en effet un réel problème de concurrence déloyale exercée par les entreprises espagnoles du bâtiment et des travaux publics en Languedoc-Roussillon. Dans un contexte particulièrement tendu, notamment dans un département frontalier comme le mien, les Pyrénées-Orientales, avec une baisse d’activité importante constatée dans la région depuis 2007, les entreprises locales doivent affronter par ailleurs des concurrents étrangers faisant des offres anormalement basses. Selon la Fédération nationale des travaux publics, plus de 6 000 emplois seraient menacés par une concurrence étrangère déloyale et de nombreuses entreprises des Pyrénées-Orientales sont au bord du dépôt de bilan.

Face à la diversité et à l’amplification de ces pratiques frauduleuses, l’Union doit garantir le respect de l’acquis communautaire dans le domaine social et le protéger. Il s’agit entre autres de rendre expressément obligatoire pour tous les employeurs de fournir transport, nourriture et logement à cette catégorie de travailleurs ou encore de faciliter les contrôles d’un État membre à l’autre. L’excellent rapport de nos collègues Gilles Savary, Chantal Guittet et Michel Piron montre bien l’insuffisance du cadre normatif européen pour lutter contre les dérives de ce système et les menaces qui pèsent sur des secteurs professionnels comme le BTP.

Monsieur le ministre, le 23 octobre dernier, lors des questions au Gouvernement, vous avez rappelé l’engagement fort du gouvernement français contre les usages frauduleux de la directive « détachement » et contre le dumping social. La position de la Commission européenne sur ce sujet n’est assurément pas la bonne et c’est bien d’une nouvelle directive de lutte contre le dumping social que nous avons besoin. Nos entreprises et nos citoyens ne peuvent se satisfaire d’une directive d’application qui aurait tout d’une rustine. Sur ces sujets, vous savez que la représentation nationale est à vos côtés, même si, parfois, sur les bancs de l’opposition, j’entends des propos contradictoires et oublieux des responsabilités passées, voire des propos de seule dénonciation sans l’ombre d’une esquisse de solution. Notre proposition de résolution européenne relative à cette directive d’application de la directive « détachement » a bien été adoptée par tous les groupes l’été dernier. Sur ce sujet, il ne doit pas y avoir de posture : la France, son gouvernement et son parlement doivent parler d’une seule voix et marteler notre position de fermeté, à la fois sur la liste ouverte des documents exigibles pour les contrôles et sur l’introduction de la clause de responsabilité solidaire des prestataires de services qui détachent du personnel.

En conclusion, je profite de la présence du ministre pour l’interroger sur une préoccupation forte dans mon département, toujours en rapport avec notre sujet : les moyens alloués aux agents de la DIRECCTE pour effectuer leurs contrôles, en particulier sur les chantiers du bâtiment. La DIRECCTE du Languedoc-Roussillon a pu constater, sur une période de deux mois, que la concurrence exercée par les entreprises espagnoles du BTP était la plupart du temps déloyale. Dans un communiqué de presse en date du 17 juillet dernier, elle indiquait que sur 121 entreprises contrôlées, plus de quatre-vingts étaient en infraction au titre de détachements irréguliers. Le désarroi des agents de la DIRECCTE tient aussi à l’inefficacité des procès-verbaux dressés, car les sanctions interviennent souvent quatre à huit mois après la constatation de l’infraction. Ne serait-il pas possible monsieur le ministre, de modifier notre droit national afin que lors du procès-verbal, une amende puisse être dressée et payée immédiatement par l’entreprise en infraction, les inspecteurs du travail pouvant se faire accompagner par des agents de la PAF dans cette mission ?

Vous agissez à l’échelle européenne, monsieur le ministre, pour faire avancer la question des détachements, mais nous ne devons pas nous priver de leviers nationaux dissuasifs qui peuvent limiter une fraude aujourd’hui trop souvent à l’oeuvre.

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