Intervention de Pierre Moscovici

Séance en hémicycle du 3 décembre 2013 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2013 — Présentation

Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances :

Ce que nous faisons, c’est un travail de redressement, par rapport à une situation que vous avez dégradée.

C’est dans ce contexte que s’inscrit le projet de loi de finances rectificative : nous voulons faire de ce texte un outil de mobilisation pour la croissance, un catalyseur pour l’activité économique du pays, en tirant les conséquences de notre politique de compétitivité, dans la foulée du pacte pour la compétitivité, la croissance et l’emploi, et des Assises de l’entrepreneuriat.

Cette ambition se décline autour de trois axes majeurs. Tout d’abord, nous poursuivons avec ce texte l’effort de réorganisation du financement de notre économie, au travers d’une réforme de l’assurance vie et du capital-investissement d’entreprise. Le projet de loi de finances rectificative pour 2013 poursuit ensuite l’entreprise de rénovation de nos outils de soutien financier à l’export, lancée avec Nicole Bricq. Il comprend enfin un certain nombre de mesures de simplification. Je voudrais revenir rapidement sur ces points.

Depuis dix-huit mois, nous oeuvrons pour que tous les besoins financiers des entreprises – trésorerie, fonds propres, dette – trouvent une réponse. Cela passe par une réforme des outils de soutien public au financement des entreprises, par un soutien spécifique à la trésorerie des entreprises, et surtout par des réformes réglementaires pour drainer l’épargne et l’investissement vers les PME et les ETI, puisque nous avons cette chance, en France, d’avoir une épargne abondante. Il s’agit de faire en sorte qu’elle bénéficie et profite à l’économie réelle.

Ces réformes ont déjà permis d’engranger des résultats positifs pour le financement des entreprises. Les PME, il faut le souligner, ont ainsi vu leur encours de crédit progresser de manière dynamique – de plus de 15 milliards d’euros, soit une augmentation de 12 % depuis fin 2008. Par ailleurs, les entreprises françaises se financent aujourd’hui à des taux historiquement bas : elles se financent en effet à un niveau comparable à celui des entreprises allemandes, et à peu près 100 points de base moins cher que la moyenne en zone euro. D’ailleurs les différentiels de taux entre la France et l’Allemagne, ce qu’on appelle les spreads, se sont réduits, et fortement, depuis mai 2012. Ces évolutions positives placent nos entreprises en position de profiter du redémarrage de l’économie européenne qui se profile, et la crédibilité de la politique budgétaire est une condition pour que nous puissions continuer à les placer dans cette situation favorable.

La réforme de l’assurance vie lancée par ce PLFR participe de cet effort, en ce qu’elle va permettre de drainer la première source d’épargne financière des ménages vers les placements les plus utiles aux entreprises, et en particulier vers l’investissement en actions dans les PME et les ETI. L’assurance vie, pour simplifier, ce sont plus de 1 400 milliards d’euros d’encours, massivement investis dans des titres obligataires, qui offrent actuellement un rendement plutôt limité, mais avec pour l’essentiel une garantie du capital investi à tout moment. S’il fallait résumer d’une phrase la situation de l’assurance vie aujourd’hui, je dirais qu’elle combine sécurité, faible rendement, et trop faible mobilisation en faveur du financement du tissu productif français.

La réforme que nous proposons conserve les points forts de l’assurance vie, à commencer par la sécurité, tout en la modifiant pour en faire davantage un levier pour le financement de nos entreprises. Elle fait émerger de nouveaux produits qui, tout en offrant une garantie à l’assuré, lui permettront d’envisager un meilleur rendement grâce à des investissements plus diversifiés, sans recherche de rendement budgétaire ou remise en cause du régime fiscal existant. Nous connaissons l’attachement des Français à l’assurance vie.

Concrètement, cette réforme reposera sur deux piliers : la création d’un nouveau produit « euro-croissance », qui était au coeur du rapport que nous avions demandé aux parlementaires Karine Berger et Dominique Lefebvre. Les fonds « euro-croissance » permettront à un assuré de bénéficier d’une garantie du capital s’il reste investi au moins huit ans, et pourront être souscrits dans des contrats multi-supports offrant beaucoup de souplesse. Ils constitueront, à moyen terme, un outil puissant de réallocation des actifs de l’assurance vie vers les investissements les plus utiles à notre économie.

Le second pilier de cette réforme est une réforme du régime fiscal de la transmission des contrats d’assurance vie, pour inciter les plus gros patrimoines à contribuer davantage au financement de certains pans de l’économie. La fiscalité applicable à la transmission des plus gros patrimoines sera augmentée, mais dans le même temps, les contrats respectant certains critères d’investissement bénéficieront d’un abattement d’assiette permettant de compenser cette hausse. Il s’agit donc d’une incitation à modifier les comportements. Les investissements visés sont le placement dans des actions de PME et d’ETI, dans le logement social et intermédiaire, et dans les entreprises de l’économie sociale et solidaire, dont vous savez qu’elle est pour nous une priorité. Cette réforme a été longuement et mûrement préparée et débattue, dans une ambiance consensuelle, en respectant bien sûr les attentes des assurés et en s’efforçant de parvenir à une logique économique qui soit confortée.

À cette réforme de l’assurance vie s’ajoute une réforme du capital-investissement d’entreprise dont j’ai présenté les principes la semaine dernière. Son objectif est simple : développer l’industrie du financement de l’innovation en France, dans la foulée du plan innovation élaboré par Fleur Pellerin et Geneviève Fioraso. Le PLFR 2013 comprend donc des mesures fiscales incitant les entreprises à investir dans les PME innovantes, matérialisant ainsi l’un des engagements du Président de la République lors des Assises de l’entrepreneuriat. Concrètement, le nouveau dispositif permettra aux entreprises d’amortir sur cinq ans, et dans une certaine limite de leur actif, leur souscription minoritaire au capital de PME innovantes ou de fonds communs de placement majoritairement investis dans des PME innovantes. En quelque sorte, les plus grandes entreprises seront incitées à investir dans les plus petites, avec pour critère l’innovation. Nous savons tous que c’est par l’innovation et la compétitivité que la France tiendra son rang dans la mondialisation.

Cette mesure, ajoutée à la réforme de la fiscalité des plus-values mobilières et à la création d’un PEA PME, constituera un vecteur puissant de soutien à l’investissement dans les PME.

Le deuxième axe du PLFR 2013 est constitué de plusieurs mesures pour approfondir la rénovation de nos outils de soutien financier à l’export, engagée par Nicole Bricq. Il nous permettra notamment de nous aligner sur les meilleures pratiques de nos partenaires, pour aider nos entreprises à être compétitives face à leurs concurrents. Nous savons tous, en effet, que ces dispositifs de financement export font souvent la petite différence qui permet d’emporter de très gros contrats qui constituent un élément de rééquilibrage de notre balance commerciale et qui, surtout, permettent d’offrir à nos entreprises des débouchés et de créer des emplois. Nicole Bricq a déjà activement réformé nos outils, lors du PLFR 2012 et en mai dernier, avec la création du label « Bpifrance Export », qui a permis de rationaliser les dispositifs existants et d’en créer de nouveaux, comme le prêt de développement export, pour soutenir la trésorerie des entreprises exportatrices. Ces initiatives ont déjà porté leurs fruits. Elles ont permis d’abaisser le coût des financements exports pour améliorer la compétitivité de nos entreprises, de démocratiser les financements exports au bénéfice des ETI et PME de croissance – car ce sont là les segments qu’il faut le plus soutenir dans notre économie –, et de mieux soutenir nos grands contrats, en particulier dans le secteur aéronautique, avec des mesures qui ont permis une amélioration équivalente à un gain de compétitivité prix d’environ 5 %.

Le PLFR 2013 prolonge cet effort de rénovation et de modernisation de grande ampleur, autour de trois dispositifs. Tout d’abord, en LFR pour 2012, nous avions mis en place une garantie de refinancement, pour diminuer le coût des crédits à l’exportation en facilitant l’accès à la liquidité auprès d’investisseurs privés. Ce mécanisme consiste à octroyer au refinanceur des crédits à l’exportation une garantie à 100 % couvrant le risque de non-paiement. En cela, il permet d’améliorer l’accès à la liquidité des établissements bancaires pour la mise en place de crédits exports et de diminuer, in fine, le coût de ces derniers. Cette année, nous vous proposons d’étendre le périmètre d’utilisation de cette garantie, dans le double objectif de continuer à améliorer le coût des crédits exports et de faciliter l’accès à la liquidité en euro et en dollar. Je pense que cette mesure recueillera l’assentiment général, tant elle est utile pour nos entreprises exportatrices.

Le PLFR 2013 améliore aussi le dispositif de couverture des chantiers navals dans la période de construction des bateaux. La construction navale est un secteur à la pointe de la technologie en France, qui a déjà remporté de très importants marchés. Je me souviens que nous nous battions, il y a un an, pour les chantiers navals de Saint-Nazaire. Aujourd’hui, ils sont repartis de l’avant. La construction navale a encore d’autres perspectives très importantes dans les temps qui viennent, mais je ne peux pas les présenter ici. Mais cela nécessite de mobiliser pour chaque projet des ressources bancaires importantes sur des périodes longues. Des dispositifs comparables existent dans d’autres pays européens, avec lesquels nos chantiers sont en concurrence. En quelque sorte, le PLFR vous propose une remise à niveau qui constituera, faites-moi confiance, le coup de pouce indispensable pour l’obtention de très importants marchés pour nos chantiers navals et pour consolider nos emplois et permettre des exportations très importantes.

Enfin, le PLFR 2013 permettra à l’État de se substituer aux assureurs crédits privés en cas de défaillance de marché sur certains pays, là où ce n’est pas possible aujourd’hui. Dans certains cas, tels que les crises économiques ou certains événements politiques, nos entreprises sont confrontées à l’impossibilité de trouver une couverture auprès des assureurs crédit privés pour leurs opérations d’exportation de court terme, avec des effets négatifs sur la capacité des exportateurs français à s’imposer sur les marchés internationaux. Si vous en décidez ainsi, le PLFR 2013 nous permettra d’intervenir lorsqu’une telle carence de marché sera constatée. Là aussi, ce sera une forte incitation à aller de l’avant.

Tout cela va permettre de soutenir nos entreprises à l’export, objectif que poursuit la ministre du commerce extérieur et auquel j’entends contribuer à la place qui est la mienne, en tant que responsable des réformes du financement de notre économie. Je signale d’ailleurs la tenue d’une grande conférence économique entre la France et l’Afrique à Bercy, demain, avec plus de 500 entreprises et une cinquantaine de chefs d’État et de ministres présents à Paris pour le sommet de l’Élysée. Elle sera conclue par plusieurs chefs d’État africains et par le Président de la République. Tout cela va également permettre de catalyser les opportunités d’investissements et d’exportation pour nos entreprises sur le continent africain. Nous devons considérer ce continent comme une formidable opportunité pour l’économie française, et nous devons nous inscrire dans les perspectives d’avenir qui s’ouvrent sur ce continent ami où la France est présente et où elle doit passer d’une logique de rente à une logique d’offensive, d’une logique de stock à une logique de flux, pour être conquérante.

Troisième axe, enfin : le PLFR 2013 poursuit le choc de simplification voulu par le Président de la République. À travers plusieurs dispositions spécifiques, nous simplifions les règles et surtout les relations avec l’administration, pour les entreprises comme pour les particuliers. Il est ainsi prévu de simplifier les obligations déclaratives à l’impôt sur le revenu en généralisant les cas de dispense de justificatifs, d’étendre le recours obligatoire au télépaiement de la taxe sur les salaires, ou de légaliser le principe de gratuité des prélèvements opérés à l’initiative de l’administration fiscale pour le paiement des impôts. Cette dimension de la simplification des relations entre l’administration et les administrés contribuables et la création d’une relation de confiance entre l’administration et les entreprises est décisive pour l’attractivité du pays et fait partie des priorités que nous voulons mettre en oeuvre avec Bernard Cazeneuve. Je suis persuadé qu’il y a là une révolution – encore silencieuse – qui est en train de se mettre en oeuvre. Elle ne vise pas Bercy, mais elle part de Bercy.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, les grandes lignes du texte que nous vous présentons aujourd’hui. Bernard Cazeneuve reviendra sur les dimensions budgétaires avec le talent que nous lui connaissons. L’enjeu de ce PLFR, c’est d’abord, répétons-le, la poursuite d’un agenda pour la croissance. Les finances publiques ou la réduction des déficits sont des enjeux majeurs. Le redressement des finances publiques est une absolue nécessité, le désendettement est lui aussi vital. Mais le redressement des finances publiques n’est pas une finalité en soi. Il est indissociable du redressement productif, il est une condition de la croissance. Il doit être accompagné par des dispositions fiscales et financières qui permettent d’aller dans ce sens.

Nous visons donc la poursuite d’un agenda pour la croissance avec un rythme maintenu, et même accéléré, et une ambition qui s’accroît. Il est très important que, tous ensemble, nous fassions passer ce message à nos concitoyens : oui, la France est sortie de la récession ; oui, la France est sur la voie de la reprise ; oui, la croissance est en train de s’amorcer et oui, nous devons faire en sorte qu’elle soit de plus en plus forte. Mais cette embellie économique est une percée que nous devons consolider. Pour cela, il faut garder un cap, en restant collectivement vigilants et mobiliser, dans une volonté progressiste de réforme de l’économie française. Ce sont les ambitions portées par ce texte, et je pense qu’il mérite d’être approuvé par la majorité et d’être discuté sur tous les bancs dans un esprit constructif, car c’est de l’économie française, de son avenir et de sa force qu’il s’agit.

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