Intervention de Arlette Grosskost

Séance en hémicycle du 3 décembre 2013 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2013 — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArlette Grosskost :

Selon un sondage IFOP, 50 % des Français pensent qu’ils seront davantage taxés après la remise à plat de la fiscalité : ils sont devenus méfiants, et à juste titre. Je fais mien ce mot d’un éditorialiste : « la manoeuvre saugrenue est en train de transformer la France en pétaudière. » Cette mise à plat se traduira de surcroît par des impôts administratifs supplémentaires pour les entreprises, qui, pour la perception de l’impôt, devraient se substituer de facto, pour partie, à l’administration fiscale. En clair, il y aura de plus en plus de paperasse pour les créateurs de richesses, et nous aurons de moins en moins de crédibilité aux yeux des institutions internationales.

Cette mise à plat sera-t-elle vraiment utile aux entreprises, qui, en raison du cumul des charges fiscales et sociales et des taxes diverses qu’elles supportent, se trouvent en tête du championnat européen des prélèvements ? Je rappelle qu’en France, leur taux d’imposition est de 64,7 %, alors que la moyenne mondiale s’élève à 43 % et la moyenne européenne à 41 %.

Ce n’est pas tant l’impôt sur le résultat commercial qui pèse sur les entreprises, mais le flot de charges sociales déversé. La France peut se vanter d’avoir l’un des taux de prélèvements obligatoires les plus élevés d’Europe en la matière – seule l’Italie fait pire –, largement devant la Suède, qui offre pourtant un système social très protecteur.

C’est pourquoi nous avions adopté la TVA compétitivité, qui avait pour objectif de soulager les entreprises en matière de charges sociales : cela apparaissait comme une urgence pour redonner du souffle à l’emploi. Je le rappelle, cette mesure aurait fait bénéficier les entreprises d’une exonération totale des charges familiales patronales sur les salaires compris entre 1,6 et 2,1 SMIC. À l’époque, vous dénonciez ce dispositif, en le qualifiant d’injuste, car la hausse touchait tous les consommateurs. Mais aujourd’hui, vous faites pire : vous augmentez non seulement le taux normal de TVA, mais aussi le taux intermédiaire, qui touche de nombreux secteurs économiques non délocalisables, sans baisser les charges supportées par les entreprises. Je rappelle aussi que la baisse annoncée du taux de TVA sur les biens et services de première nécessité de 5,5 à 5 %, censée faire passer la pilule, a été annulée.

Vous vous amusiez de la « TVA Sarkozy » : je dénonce les « TVA Hollande », que je qualifie, comme l’avait si bien fait, lors du précédent quinquennat, M. Sapin, de « TVA antisociale ».

Est-ce un hasard si cette prétendue révolution fiscale est annoncée quelques jours après la dégradation de la note de la France par Standard and Poor’s, et dans la prolongation du rapport de l’OCDE sur les tares de la France en matière de compétitivité ? Permettez-moi d’en douter !

Est-ce là votre dernier atout, votre dernière carte ? Pourtant, cette initiative est loin de faire l’unanimité à gauche et encore moins parmi vos alliés, notamment les Verts, qui parlent de faillite politique et de dix-huit mois d’erreurs et de stupidité. M. Placé vise-t-il particulièrement le projet de loi de finances pour 2014, qui sera certainement, une fois de plus, rejeté au Sénat ? Il est vrai qu’il nous fait atteindre le summum des prélèvements ; de surcroît, sans être, loin s’en faut, à la hauteur des enjeux d’une véritable baisse des dépenses, il s’est contenté du renversement d’une évolution tendancielle : on joue toujours sur les mots.

Vous êtes en permanence dans la communication brouillonne, dans l’inventaire à la Prévert d’annonces qui se chevauchent et se concurrencent, avec pour seule conséquence, le sentiment de saturation des acteurs de la croissance. Ceux-ci perdent bien plus que le fil, ils perdent espoir, car aucun sens ne peut être trouvé dans une politique compulsive et dans un marketing de l’urgence.

Pendant ce temps, les vraies réformes se font attendre, celles qui sauraient modifier notre État-providence par trop généreux, qui devient de plus en plus un obstacle à l’emploi. Exit les leviers d’une réelle baisse des charges, au profit du saupoudrage et de l’efficacité toute relative et déjà contestée du CICE, ce fameux dispositif qui profitera bien moins aux entreprises exportatrices qu’aux groupes de distribution et de services, non soumis à la concurrence internationale. D’ailleurs, l’annonce du CICE n’a pas fait vraiment mouche, puisque l’industrie française anticipe une nouvelle baisse de l’investissement, qui est pourtant la clé d’une reprise de la croissance. Pour investir, l’industrie a besoin d’un agenda visible de mise en oeuvre des réformes : or, elle doute. De plus, certaines PME nous ont fait savoir que quelques-uns de leurs donneurs d’ordres les obligeaient à répercuter le gain tiré du CICE sur leurs marges.

Les professionnels du terrain font remonter des informations toujours plus inquiétantes. Les investisseurs et les entreprises étrangères quittent peu à peu le pays. Alors que, dans le contexte mondialisé actuel, chacun y va de ses avantages comparatifs pour attirer les investissements et, ainsi, dynamiser son économie nationale, vous restez spectateur de l’énergie retrouvée par nos voisins, au motif d’un égalitarisme forcé par l’impôt et du refus d’accomplir des économies par une réduction significative des dépenses.

Cessez d’avoir cette vision égocentrée de l’économie – on parlait tout à l’heure de benchmarking –, comparez-vous vis à-vis de l’extérieur, découvrez les bonnes pratiques de nos voisins. Ainsi, nous sommes en droit de nous interroger sur le taux de marge des entreprises françaises, inférieur de 10 points à celui des entreprises allemandes.

Mais revenons-en au collectif budgétaire 2013, qui représente, à tout le moins, un condensé d’optimisme : tout va bien dans le meilleur des mondes ! Et pourtant, quid des11 milliards d’euros de recettes fiscales manquantes ? Vous nous avez déjà apporté un début de réponse. Les incohérences s’accumulent.

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