Intervention de Jean-Marc Ayrault

Séance en hémicycle du 10 décembre 2013 à 15h00
Déclaration du gouvernement sur l'engagement des forces armées en république centrafricaine et débat sur cette déclaration

Jean-Marc Ayrault, Premier ministre :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, jeudi dernier, le Président de la République s’est adressé à la nation pour annoncer l’intervention des forces françaises en République centrafricaine. La décision d’engager nos forces est toujours une décision grave.

À votre initiative, monsieur le président, nous venons de rendre un hommage unanime aux deux soldats du 8e régiment de parachutistes d’infanterie de marine de Castres, qui ont fait le sacrifice de leur vie. Mes pensées vont à leur famille et à leurs proches, auxquels j’exprime la solidarité de la nation tout entière, et je transmets les condoléances les plus attristées de l’ensemble du Gouvernement.

En République centrafricaine, nos hommes interviennent en ce moment en appui à la Mission internationale de soutien à la Centrafrique, la MISCA, et sur la base d’un mandat du Conseil de sécurité des Nations unies.

Cette intervention était urgente et nécessaire. Quelques heures auparavant, des miliciens armés étaient en train de massacrer dans les rues de Bangui, n’épargnant ni les femmes, ni les enfants, munis de listes de victimes et faisant du porte-à-porte pour les traquer. Le danger d’une telle situation, le Président de la République l’avait dénoncé à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies dès septembre dernier. Notre alarme était justifiée : le pays était bien au bord du gouffre.

Depuis la prise du pouvoir par des rebelles de la Séléka, le 24 mars 2013, les exactions, l’arbitraire, les pillages, le recrutement d’enfants soldats, les villages brûlés, les viols, les mutilations, les exécutions sommaires : voilà à quoi s’est résumée la vie quotidienne des populations civiles, victimes de la faillite de l’État centrafricain. Plus inquiétant encore : les affrontements entre groupes ont pris récemment une tournure intercommunautaire et interconfessionnelle extrêmement dangereuse. Cette spirale de la haine aurait pu à tout moment déboucher sur un enchaînement d’exactions et de représailles entre chrétiens et musulmans.

L’anarchie en République centrafricaine est aussi une menace pour une région déjà très fragile – je pense aux Grands Lacs, aux Soudans, au Tchad. Ce pays, enclavé entre le Cameroun, le Tchad, le Soudan, le Soudan du Sud, la République démocratique du Congo et le Congo Brazzaville, ne doit en aucun cas devenir un nouveau sanctuaire pour tous les trafics et tous les groupes terroristes. À cet égard, mesdames et messieurs les députés, c’est aussi notre sécurité et celle de l’Europe qui sont en cause.

À cette crise sécuritaire s’ajoute une tragédie humanitaire : un habitant sur dix a dû abandonner son foyer, 70 000 Centrafricains ont déjà quitté le pays, et 2,3 millions de personnes ont besoin d’une assistance en urgence.

Face à ce drame, la France pouvait-elle ne rien faire ? La France pouvait-elle rester sourde aux appels à l’aide des autorités centrafricaines et de nos partenaires de l’Union africaine ?

Mesdames et messieurs les députés de tous les groupes, pour la France, l’inaction n’était pas une option. Attendre, c’était prendre le risque d’un désastre. Attendre, c’était nous exposer au risque d’une intervention ultérieure, beaucoup plus coûteuse et difficile.

Cette décision fait suite aux efforts déployés depuis plusieurs mois en faveur d’une réponse collective à cette tragédie en plein coeur de l’Afrique. Il y a d’abord eu le message d’alarme du Président de la République à l’Assemblée générale des Nations unies – je l’ai rappelé. Il y a eu ensuite l’encouragement aux pays de la région à renforcer les troupes qu’ils avaient commencé à déployer et à user de toute leur influence pour que les parties cessent les violences et reprennent le chemin de la transition politique.

C’est la France qui a choisi de saisir le Conseil de sécurité et qui a obtenu que deux résolutions soient adoptées à l’unanimité. La résolution 2127, adoptée la semaine dernière, donne mandat à la force africaine de stabiliser la République centrafricaine et de protéger les civils. Elle permet à la France d’appuyer cette force.

C’est encore la France qui a su convaincre ses partenaires internationaux d’apporter leur soutien politique, logistique et financier à cet effort international de stabilisation.

Le cadre de l’opération Sangaris est donc incontestable. La France agit sur la base d’un mandat des Nations unies. Elle répond à l’appel lancé par l’Union africaine le 13 novembre dernier. Elle répond également à une demande d’assistance des autorités de transition centrafricaines.

Nos objectifs, je veux le rappeler devant vous, sont clairement circonscrits.

Le premier est de rétablir la sécurité en République Centrafricaine, enrayer la spirale d’exactions et la dérive confessionnelle et permettre le retour des organisations humanitaires ainsi que le déploiement des structures étatiques de base.

Le second objectif est de favoriser la montée en puissance rapide de la MISCA et de permettre son plein déploiement opérationnel. La MISCA doit en effet être en mesure d’assurer le contrôle de la situation sécuritaire, de désarmer les milices et de faciliter la transition politique.

Le Président de la République l’a dit très clairement : notre intervention sera rapide. Elle n’a pas vocation à durer. Elle est pleinement cohérente avec le message du sommet de l’Élysée pour la paix et la sécurité en Afrique. La sécurité de l’Afrique relève de la responsabilité des Africains.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion