Intervention de Olivier Dussopt

Séance en hémicycle du 10 décembre 2013 à 21h45
Modernisation de l'action publique territoriale et affirmation des métropoles — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Madame la présidente, madame la ministre de la réforme de l’État, madame la ministre déléguée chargée de la décentralisation, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, élaboré à partir des concertations menées avec les élus locaux, notamment dans le cadre des états généraux de la démocratie territoriale, enrichi par les parlementaires au cours des trois lectures successives, sans compter l’examen en deuxième lecture par la commission des lois, le présent texte donnera un cadre adapté à la gouvernance des métropoles, mais apportera aussi des améliorations concernant tous les niveaux de collectivités territoriales.

En tant que parlementaire ayant connu les réformes lancées sous la législature précédente, je me réjouis que la démarche suivie ici par le Gouvernement diffère de celle de ses prédécesseurs.

Ce projet de loi n’est pas principalement un texte de transfert de compétences de l’État aux collectivités, comme l’était la loi du 13 août 2004. Cela lui est parfois reproché, mais cela lui donne une qualité : celle d’éviter des transferts mal compensés. Ce n’est pas non plus une tentative de spécialisation, et en même temps d’uniformisation, des compétences de ces mêmes collectivités, comme l’était la loi du 16 décembre 2010.

Ce texte vise à renforcer l’efficacité de la puissance publique, qu’elle soit nationale ou locale, et à améliorer la qualité du service public, en s’appuyant sur les collectivités, en clarifiant l’exercice de leurs compétences et en rationalisant leur mise en oeuvre.

Il constitue, il faut le rappeler, le premier volet d’une réforme qui trouvera sa pleine cohérence avec les deux autres projets déjà déposés, relatifs, l’un à la mobilisation des régions pour la croissance et l’emploi et à la promotion de l’égalité des territoires, l’autre au développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale.

Dans l’attente de leur examen, notre assemblée est saisie, en deuxième lecture, du premier de ces textes législatifs, qu’elle avait déjà adopté en première lecture au mois de juillet dernier.

Au fil de la navette parlementaire, ce texte s’est enrichi de nombreuses dispositions nouvelles : le texte initial déposé par le Gouvernement sur le bureau du Sénat comportait cinquante-cinq articles. À l’issue de la première lecture, l’Assemblée nationale en avait adopté vingt-neuf conformes et supprimé de manière conforme sept autres. En deuxième lecture, le 7 octobre dernier, le Sénat a procédé à l’adoption conforme de vingt-trois articles et à la suppression conforme de six autres. Restent ainsi soumis à notre assemblée trente-huit articles adoptés par le Sénat, ainsi que treize articles que nous avions adoptés en première lecture et qu’il a supprimés.

Au total, ce ne sont donc pas moins de cent seize articles qui auront été soumis à la discussion des deux assemblées.

Lors de l’examen en deuxième lecture, le Sénat a modifié de manière assez notable le texte que nous avions adopté en première lecture. Tout en recherchant, partout où cela était possible, la voie du consensus, la commission des lois a été amenée à revenir au texte adopté par l’Assemblée en première lecture, sans s’interdire de chercher des solutions innovantes pouvant être la base d’un accord ultérieur.

Nous avons d’abord rétabli l’institution du Haut conseil des territoires, appelé à être l’instance de concertation entre l’État et les collectivités, instance que le Sénat avait supprimée en jugeant qu’elle risquait d’empiéter sur son propre rôle constitutionnel de représentation des collectivités territoriales. C’est un argument que je ne partage pas et, comme le Premier ministre l’a rappelé lors du congrès des départements de France, je suis convaincu que ce lieu de débat et d’expertise est nécessaire, puisqu’il regroupera le Comité des finances locales, le Conseil des normes, mais aussi un observatoire permettant aux collectivités de disposer librement et directement de toutes les informations nécessaires.

En ce qui concerne l’organisation et la coordination de l’exercice des compétences des collectivités territoriales, la commission des lois a rétabli la composition et les modalités de fonctionnement des conférences territoriales de l’action publique adoptées en première lecture. En revanche, comme l’a souligné Mme la ministre, elle a inversé la logique de mise en oeuvre des conventions territoriales d’exercice concerté des compétences partagées, en prévoyant des conditions d’encadrement de l’exercice et du financement des compétences partagées auxquelles seules les collectivités rejoignant la démarche contractuelle proposée pourront déroger.

Nous sommes ainsi passés de ce que certains considéraient, à tort, comme une forme de sanction automatique à une logique d’incitation au partenariat. De plus, la liste et la définition des compétences faisant l’objet d’un chef-de-filat ont également été ajustées afin de correspondre à la réalité des compétences exercées et à la capacité des chefs de file de porter certains projets.

En ce qui concerne l’achèvement de la carte intercommunale en Île-de-France, la commission a rétabli le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, en introduisant cependant la faculté pour le préfet de déroger au seuil de 200 000 habitants nécessaires pour réaliser les regroupements intercommunaux.

Sur le statut de la métropole du Grand Paris, notre commission a adopté un amendement du Gouvernement rétablissant l’économie générale du texte voté par l’Assemblée en première lecture, mais nous avons également adopté cinq sous-amendements, dont un va permettre à des structures intercommunales sans fiscalité propre et correspondant aux périmètres des conseils de territoire de prendre en charge des compétences actuellement exercées par les EPCI qui ne seraient pas reprises par la métropole du Grand Paris. Cela répond, je crois, aux préoccupations de nombreux élus franciliens, soucieux de pouvoir continuer à exercer solidairement des compétences qui ne seront pas métropolitaines, mais qui ne sont déjà plus communales.

Pour ce qui concerne Lyon, l’Assemblée nationale et le Sénat ont, dès leur examen du projet de loi en première lecture, marqué leur accord avec la création de la métropole de Lyon, collectivité territoriale à statut particulier qui disposera, sur son territoire, de la plénitude des attributions d’un département, de certaines compétences communales, de compétences que pourrait lui déléguer de manière volontaire la région Rhône-Alpes et enfin de certaines compétences exercées par l’État, en matière de logement en particulier. Nous avons cependant procédé à quelques modifications et notamment rétabli l’obligation de parité pour les vice-présidents de la métropole de Lyon pendant la période transitoire.

En ce qui concerne la création de la métropole d’Aix-Marseille-Provence, ainsi que la détermination des règles de fonctionnement qui lui seront applicables, les deux assemblées étaient arrivées à un accord et à un vote conforme de l’article 30 dès la première lecture.

En revanche, pareille convergence de vues n’a pu totalement se dégager s’agissant des métropoles de droit commun. Nous avons donc rétabli le principe d’automaticité de la transformation en métropoles des établissements publics de coopération éligibles à ce statut, à savoir les EPCI à fiscalité propre formant un ensemble de plus de 400 000 habitants qui, soit se situent dans une aire urbaine de plus de 650 000 habitants, soit comprennent dans leur périmètre le chef-lieu de région.

S’agissant de leurs compétences, nous avons ajusté la définition de certaines des compétences communales qui seront obligatoirement transférées aux métropoles, notamment en matière de promotion du tourisme ou de contribution à la transition énergétique. En matière d’urbanisme, nous avons, sur proposition du Gouvernement, précisé que l’approbation du plan local d’urbanisme, désormais confié aux métropoles, se fera à la majorité simple des votes exprimés. Enfin, pour ce qui est des compétences étatiques en matière de logement et d’habitat qui pourront être déléguées aux métropoles, la commission a adopté un amendement du Gouvernement rétablissant un dispositif de délégation de compétences étatiques organisé ainsi autour de deux blocs de compétences : l’un insécable, qui comprend l’attribution des aides au logement locatif social et en faveur de l’habitat privé, la garantie du droit à un logement décent et indépendant, ainsi que la gestion des réservations de logement ; l’autre sécable, qui inclut la mise en oeuvre des procédures de réquisition et la gestion de la veille sociale, de l’accueil, de l’hébergement et de l’accompagnement au logement de toute personne ou famille sans domicile.

Nous aurons à rediscuter de ce sujet complexe pour trouver le bon équilibre dans les possibilités laissées aux collectivités pour s’investir dans ce champ du logement.

S’agissant de l’organisation de la gouvernance des métropoles de droit commun, la commission a surtout rétabli le principe de la mise en place, à l’horizon 2020, d’un organe délibérant comprenant des conseillers élus par fléchage dans le cadre des communes et des conseillers élus dans un cadre métropolitain, engagement pris ici en première lecture.

S’agissant de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de protection contre les inondations, la commission a permis aux établissements publics territoriaux de bassin de continuer à se constituer sous forme d’ententes interdépartementales, afin de préserver les structures de coopération existantes, qui ont fait la preuve de leur efficacité.

Elle a aussi maintenu le principe de création d’une taxe qui, il faut le préciser d’emblée, pourra être décidée, de manière totalement facultative, par les collectivités ; elle sera dans tous les cas plafonnée et son montant obligatoirement affecté. Par ailleurs, la commission a reporté au 1erjanvier 2018 l’échéance pour le transfert de ces compétences au bloc communal.

Comme pour les métropoles, le Sénat a supprimé l’adjonction de certaines compétences aux communautés urbaines, et en a ajouté de nouvelles, notamment en matière de transition énergétique et de gestion des réseaux de distribution d’électricité et de gaz ; il a également ouvert aux petites et anciennes communautés urbaines la faculté d’exercer la totalité des compétences prévues pour les communautés de droit commun. La commission des lois est revenue sur certaines de ces dispositions, nous aurons à en débattre.

En matière de police de la voirie, le Sénat a rétabli, dans le dispositif de transfert au président de l’intercommunalité des pouvoirs de police en matière de circulation, notamment de délivrance des licences de taxi, la distinction entre les voies principales communautaires et les autres. Il a complété et approfondi le dispositif permettant, dans un délai de deux ans, de remplacer la pénalisation du stationnement impayé par le paiement d’un forfait de post-stationnement. Je sais aussi que nos débats nous donneront l’occasion de revenir sur ces points.

Enfin, la commission des lois a réécrit le statut des pôles territoriaux d’équilibre, destinés à fédérer les structures intercommunales autour d’un projet de développement commun, sans que la participation du département puisse obérer leur capacité à élaborer les documents de planification à leur échelle.

À nos yeux, ces modifications étaient nécessaires pour retrouver la cohérence et l’ambition de ce texte ; c’est pourquoi les amendements que je vous proposerai tout à l’heure viseront à procéder à des améliorations de nature essentiellement technique.

Pour conclure, je tiens à souligner que sur tous les sujets qui restent en discussion, il me semble possible d’atteindre un consensus qui prenne en compte les préoccupations exprimées légitimement par nos collègues sénateurs et les positions de notre assemblée. Au-delà des différences d’appréciation, ce texte répond bien à une demande de rénovation et de responsabilisation de nos territoires, ruraux comme urbains, qui ne souhaitent qu’une chose : pouvoir prendre en main leur destin, élaborer leur propre projet de développement, rassembler leurs énergies aujourd’hui éparses pour disposer d’une véritable force de frappe. Cela doit être mis en oeuvre sans pour autant dissoudre le tissu des collectivités, et notamment des communes, qui permettent aux élus d’être toujours au contact de nos concitoyens.

Je terminerai, mesdames les ministres, en vous remerciant à mon tour pour votre disponibilité et la qualité de nos échanges, mais aussi pour votre implication : un grand nombre de parlementaires, en particulier de la majorité mais aussi au-delà, ont été entendus, pour qu’à la fin de cette deuxième lecture et dans la perspective d’une commission mixte paritaire, nous puissions arriver à un accord avec nos collègues du Sénat.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion