Intervention de Jean-Christophe Fromantin

Séance en hémicycle du 12 décembre 2013 à 15h00
Loi de finances pour 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Fromantin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons ce projet de loi de finances dans un contexte particulier et une conjoncture tendue. L’atmosphère est anxiogène pour nos concitoyens, qui voient bien que l’équation budgétaire est compliquée, même s’ils ne cherchent pas à en percevoir toutes les nuances et toutes les subtilités. Il y a eu dans ce processus budgétaire beaucoup d’allers et retours qui montrent à quel point l’exercice est difficile, sensible, et mérite qu’on y consacre une attention forte.

Le groupe UDI estime que, dans un budget, il faut considérer trois éléments.

Premier élément : la dépense publique. Si l’on considère qu’elle est sacrée et qu’elle sert à répondre aux attentes des uns et des autres, qui peuvent se traduire par des lobbies, des manifestations, bref par toutes formes de pression, le risque est de céder régulièrement à ces attentes des uns et des autres et finalement de laisser la dépense publique se développer et prospérer sans contrôle.

Le taux de la dépense publique atteint aujourd’hui 57 %, ce qui est énorme par rapport aux capacités et aux besoins de développement de la France. Avec un déficit qui sera de plus de 4 % en 2013 et une dette de près de 2 000 milliards d’euros, il est temps que notre approche de la dépense publique change, que ce ne soit plus cet élément inflationniste non contrôlé et difficile à maîtriser. Pour ce faire, il faut s’attaquer résolument et courageusement à la dépense publique de façon que ce soit elle, et non plus la fiscalité des ménages et des entreprises, qui soit la variable d’ajustement.

On sent bien qu’il est difficile de s’attaquer à la dépense publique et qu’on arrive à des petits montants, alors que l’écart de la dépense publique entre la France et l’Allemagne est de plus de 200 milliards. On peut se demander pourquoi il y a un tel écart entre deux pays que l’on peut facilement comparer sur de nombreux points. Serions-nous capables de nous rapprocher d’un tel montant dans la situation actuelle et dans la construction actuelle de nos organisations ? Je ne le crois pas. Il est donc urgent de s’attaquer à de véritables réformes structurelles.

Il en est une qui est d’actualité, celle des territoires dont on a parlé aujourd’hui et hier soir à cette tribune. Je regrette que la réforme territoriale soit un rendez-vous manqué alors que notre modèle mérite d’être réformé puisque, tel qu’il est construit actuellement, il est générateur de dépenses publiques. La nuit dernière, nous avons finalement décidé la création d’une nouvelle strate, avec la métropole, qui ne manquera pas d’être un facteur nouveau d’inflation de la dépense publique.

Je crois donc que le problème fondamental de la dépense publique va de pair avec une approche réformiste courageuse, nouvelle, innovante de nos structures, et particulièrement de l’organisation de nos territoires.

Deuxième élément : le développement des entreprises. Là aussi, nous devrions tout faire pour que le budget ne soit pas contraignant pour les entreprises, qu’il ne s’agisse pas dans certains cas d’un budget de punition. Il faut, au contraire, développer une fiscalité d’incitation et surtout qui reconnaisse la prise de risques. Je dois reconnaître, monsieur le ministre, qu’en la matière vous avez été à l’écoute, puisque nous avons eu l’occasion de nous rencontrer et de réunir avec vous des représentants des entreprises, des organisations patronales. Je salue cette ouverture qui a permis en tout cas d’engager un dialogue, même si peu de nos amendements ont finalement abouti – mais peut-être cette situation peut-elle encore évoluer.

Trois points me paraissent importants s’agissant de la fiscalité des entreprises. C’est d’abord le renforcement des fonds propres des entreprises, car elles ont des marges très faibles qui rendent difficiles l’autofinancement et le financement de l’innovation, et privent les entreprises de la sécurité qu’il faudrait pour engager des programmes de développement. Sur ce dernier point, un long chemin reste à parcourir avant qu’elles reconstituent leurs marges à un niveau qui leur permette d’opérer plus efficacement dans le marché mondial et le schéma concurrentiel à l’intérieur duquel elles évoluent.

Nous avions proposé un amendement visant à travailler sur un véhicule qui permette aux entreprises de réunir des investisseurs et de mobiliser des fonds propres autour d’un projet. Malheureusement, cette proposition a été rejetée. Je le regrette, car il y avait là une manière de compléter le dispositif d’augmentation des fonds propres des entreprises.

Le deuxième point, c’est l’accroissement de la fluidité des capitaux. Il faut reconnaître, et le rapporteur général l’a évoqué tout à l’heure, qu’un vrai travail a été réalisé sur la réforme des plus-values de cession suite au mouvement des « pigeons ». Là aussi, nous avions présenté un amendement qui a été rejeté – peut-être pourra-t-il prospérer dans les heures qui viennent. Il s’agissait de permettre à une entreprise d’avoir le choix entre l’avantage Madelin et l’abattement renforcé. C’était une manière de dire à l’entreprise qu’il existe deux dispositifs qui cohabitent, et les scénarios et les modèles d’entreprise sont suffisamment différents pour qu’elle ait le choix entre l’un ou l’autre. Je crois que de telles petites mesures seraient vraiment de nature à encourager les entreprises, en leur montrant qu’il existe une panoplie de dispositifs qui peuvent cohabiter, ou entre lesquels on peut arbitrer efficacement.

Le troisième point, c’est l’impôt sur les sociétés. L’histoire de l’excédent brut d’exploitation a conduit à cette surtaxe d’impôt sur les sociétés. Je me souviens des engagements du candidat Hollande. Il proposait de revisiter l’impôt sur les sociétés en mettant en place trois taux, 15 %, 30 % et 35 %. Le taux de 15 % serait appliqué aux petites entreprises, celles qui ont des marges de développement importantes, ce qui permettrait de leur envoyer un signal fort, et le taux de 35 % serait appliqué aux plus grandes entreprises afin d’éviter l’optimisation fiscale. Le présent projet de loi de finances ne consacre pas cet engagement qui, à mon avis, avait du sens. Dans quelques semaines se tiendront, je crois, les assises de la fiscalité. Puissent-elles aborder la fiscalité des entreprises, et en particulier l’IS, et aboutir à quelque chose d’innovant et d’incitatif pour les entrepreneurs.

Enfin, le troisième élément qu’il faut considérer dans le budget, c’est la fiscalité des ménages. En la matière, il s’agit avant tout de confiance. Les ménages constituent cette dynamique qui, pour avancer, pour faire prospérer un pays, un projet de développement, a besoin d’être en confiance. Or les signaux sont inquiétants pour les ménages. Je citerai la baisse de leur pouvoir d’achat de 1,5 %, la détérioration de la situation des familles avec quelques attaques extrêmement ciblées, par exemple le quotient familial que nous avons largement évoqué ici, et la hausse de la TVA, qui n’a pas été expliquée et qui a été utilisée comme une variable d’ajustement, non comme un choix politique assumé. On se souvent des interventions à gauche de cet hémicycle expliquant que la hausse de la TVA était impossible à inclure dans un projet fiscal. Or, finalement, on y parvient. Mais ce signal sur la TVA n’est pas compris, alors qu’il aurait pu entrer dans une équation fiscale globale beaucoup plus cohérente.

Quand on lit que 74 % des Français estiment que la France est en déclin, on se dit que la fiscalité mériterait d’être davantage expliquée, considérée dans cette stratégie de reprise de confiance.

Le groupe UDI, qui a fait de la fiscalité un sujet tout à fait prioritaire, avait fait quelques propositions, comme un moratoire fiscal sur cinq ans pour les ménages et les familles. Il y avait là une idée intéressante pour calmer le jeu et réintroduire de la confiance. Il avait proposé également qu’il n’y ait pas de rétroactivité, car c’est un signal extrêmement négatif aussi bien pour les ménages que pour les entreprises.

Enfin, comme je l’ai dit tout à l’heure, les deux marqueurs fondamentaux dans une doctrine fiscale sont l’incitation des entreprises et les territoires qui, par l’effet de la subsidiarité, ne méritent pas le traitement qu’ils vont subir, en particulier dans le grand Paris avec cette nouvelle autorité de tutelle, la métropole ; ils méritaient mieux aussi en matière d’accompagnement fiscal et financier.

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