Intervention de Marion Maréchal-Le Pen

Séance en hémicycle du 19 décembre 2013 à 9h30
Loi de finances pour 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarion Maréchal-Le Pen :

Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, temps fort de notre mandat parlementaire, le débat budgétaire de cette année n’a pas toujours été respectueux du rôle du législateur.

Sur la volte-face concernant la taxation de l’EBE, par exemple, les décisions se sont prises autour d’une table avec le MEDEF. Nous avons surtout appris de la bouche du Premier ministre qu’il lançait une remise à plat « complète » de notre fiscalité ! Autrement dit, nous planchions sur des questions qui, dans l’esprit du Gouvernement, étaient déjà caduques. Pour ajouter à la cacophonie, le Président de la République a annoncé que ladite remise à plat pourrait finalement ne pas avoir lieu. Comprenne qui pourra !

Passées ces incohérences de méthode, il faut en revanche saluer la constance avec laquelle le gouvernement socialiste a pris la suite des années Chirac et Sarkozy en matière d’augmentation à la fois de la dépense publique, de la fiscalité et de la dette. Pour la bientôt quarantième année consécutive, l’État vit au-dessus de ses moyens et dépensera 82 milliards de plus que ce qu’il engrange. Il le fait non pas pour investir, mais quasi exclusivement pour assurer son fonctionnement. Pour financer ce train de vie, il ponctionne la richesse par la fiscalité et il emprunte, renvoyant aux générations futures l’addition de sa propre incurie.

S’agissant de la fiscalité, notre système reste toujours affligé des mêmes tares : lourdeur, instabilité, manque de lisibilité. Le taux de prélèvements obligatoires de 46 % du PIB que nous atteignons cette année établit un nouveau record. Le ras-le-bol fiscal de cet automne n’est pas une poussée poujadiste, mais bien l’inquiétant signal que le consentement à l’impôt est en train de disparaître.

Pour les fonctionnaires de Bercy, comme pour de trop nombreux élus de la majorité, il suffit toujours d’augmenter les taux pour que l’argent rentre. Je lis par exemple que le plafonnement de l’ISF a coûté 730 millions d’euros : c’est raisonner comme s’il suffisait de supprimer le plafond des 75 % pour faire rentrer tout cet argent. Or l’exil des ménages comme des entreprises se généralise, ils délocalisent toujours plus nombreux leur patrimoine, leur production ou leurs profits là où le bâton du fisc se fait moins dur.

La réforme de la taxation de l’assurance vie a piégé les épargnants sur un placement jusqu’à présent préservé. Vous n’avez toujours que le mot justice à la bouche, il est regrettable que la gauche ait refusé de voter la non-rétroactivité des lois en matière fiscale.

S’agissant de la dette, la France devra trouver sur les marchés près de 180 milliards d’euros en 2014, Les seuls intérêts mobiliseront 45 milliards, soit plus que la défense nationale.

Notre dette cumulée approchera deux seuils fatidiques, 2 000 milliards d’euros et 100 % du PIB. Encore faut-il évoquer aussi une autre forme de dette, les différentes garanties accordées par l’État, essentiellement les engagements de retraite ou du plan de sauvetage de l’euro, qui représentent presque 3 000 milliards. À terme, nous emprunterons plus difficilement ou plus cher.

Cette fiscalité et cet endettement ont une cause, notre niveau de dépenses publiques, l’un des plus élevés des pays développés, qui atteint 57 % du PIB. La hausse chronique des dépenses se poursuit, elle ne fait que ralentir, en dépit des efforts déployés pour la masquer par des astuces comptables. Plusieurs de mes collègues de droite savent bien les dénoncer, et pour cause : leurs amis ont usé des mêmes ficelles lorsqu’ils étaient au pouvoir.

Qu’il me soit permis de dénoncer une nouvelle fois la politique des fonds de tiroir au détriment d’une réflexion plus globale. Le Gouvernement multiplie la chasse aux niches, pénalisant au passage les familles et les classes moyennes, pour un profit souvent bien modeste au regard des déficits, mais il néglige les véritables gisements d’économies, celles qui se chiffrent en dizaines de milliards : la lutte contre la fraude aux prestations et aux cotisations sociales, la lutte contre l’économie parallèle alimentée par l’immigration clandestine, ou encore la rationalisation des aides sociales, notamment par la priorité donnée aux nationaux pour les allocations ne dépendant pas du niveau de contribution.

Le dérapage des dépenses des collectivités annihile aussi les efforts au niveau de l’État. On comprend dès lors mal pourquoi la gauche s’est empressée de rétablir cette année la clause générale de compétence pour les départements et les régions. Ainsi, vous sanctuarisez ou presque la dépense sociale et territoriale, gangrenée par les abus, et vous érodez méthodiquement la dépense souveraine de l’État dans des domaines régaliens pourtant essentiels et indispensables comme la justice, la police ou la défense.

Ce PLF n’oublie pas de donner de discrets cadeaux à la finance, par exemple lorsque vous conditionnez le fonds de soutien aux collectivités ayant souscrit des emprunts toxiques à l’abandon de toute poursuite à l’encontre des banques coupables.

La dette serait-elle finalement ce que décrivent les auteurs à succès, comme David Graeber, une forme d’esclavage moderne, voulue par le système bancaire et les gouvernements pour mieux imposer les choix du capitalisme ?

Sortir de cette spirale infernale implique de recouvrer notre souveraineté monétaire et d’autoriser notre banque centrale à prêter à l’État et aux administrations, ce qu’il n’est plus possible de faire depuis la fameuse loi du 3 janvier 1973.

Je note pour conclure que, à la simple question de savoir qui sont les créanciers à qui nous versons 45 milliards d’euros d’intérêts par an, le Gouvernement a toujours éludé la réponse, citant pour seule donnée la part majoritaire de non-résidents. Il existe soit un véritable tabou sur ce sujet, soit une incroyable lacune statistique des services de l’État, mais, dans les deux cas, cela en dit long sur la maîtrise qu’a le Gouvernement sur nos engagements.

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