Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 4 décembre 2013 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

Dès lors qu'on ouvrira la porte à la levée des sanctions, on aura du mal à contrôler l'enthousiasme de nos amis américains, mais aussi allemands, notamment des banques allemandes qui sont entrées dans le dispositif de sanctions avec beaucoup de difficultés il y a quelques années, alors que nous-mêmes serons plutôt pénalisés. Il sera tout aussi difficile de faire respecter à l'Iran une discipline pendant six mois et plus. Il y a là une dynamique qui ne joue pas nécessairement en notre faveur, d'autant que l'accord reconnaît de facto aux Iraniens le droit de continuer à enrichir, de conserver intactes leurs installations et je ne sais quoi d'autre encore de caché. On risque de se retrouver dans une situation à la nord-coréenne, où ils seront très proches de la bombe et susceptibles de l'atteindre à tout moment. Toutefois, on peut aussi tabler que, grâce à l'ouverture, la situation politique change et que le problème se résolve comme il s'est résolu en Afrique du Sud, au Brésil ou en Argentine. C'est un pari.

Je comprends pourquoi l'accord a été passé, mais j'attire votre attention sur la difficulté de gérer le processus, d'autant que nos amis américains n'ont pas été complètement francs du collier avec nous. On risque d'assister à une véritable course à l'échalote, car le marché est très tentant pour beaucoup de monde.

S'agissant de l'Ukraine, c'est moins Poutine qui l'a gagnée que l'Europe qui l'a perdue. Nous ne sommes tout simplement pas d'accord pour la prendre avec nous : nous n'avons ni appétence pour les agriculteurs ukrainiens, ni volonté de la faire entrer dans l'Union européenne, ni plan d'adhésion. Je le regrette, car je pense qu'il y a une voie d'association avec ce pays. Ajoutez à cela que la classe politique ukrainienne est presque aussi mauvaise qu'en Centrafrique, ce qui laisse un boulevard à Poutine qui propose, lui, une politique très claire.

Nous vous soutiendrons, bien sûr, dans l'opération en Centrafrique, indispensable des points de vue humanitaire et sécuritaire. Toutefois, j'observe deux points. D'abord, compte tenu de l'état de délabrement du pays, on est parti pour longtemps. Ensuite, encore une fois, nous sommes totalement seuls dans l'histoire, contrairement à ce que vous répétez à longueur d'année, monsieur le ministre. Pourquoi ne pas taper du poing sur la table au prochain sommet européen ? Si nos partenaires ne veulent pas nous aider en envoyant des soldats, qu'au moins ils contribuent au financement de ce type d'opération. Demandez donc, comme vous l'a proposé le groupe UMP la semaine dernière, la création d'un fonds OPEX européen pour mutualiser les coûts. Car ce n'est pas fini, et vous le savez bien, puisque vous avez dit craindre la contamination. Nous ne pouvons pas jouer seuls à ce jeu-là, surtout sur de longues durées. Nous aurions tout à gagner à mettre les autres pays européens devant leurs responsabilités. Après tout, l'Allemagne adore nous parler critères de convergence, discipline commune, gestion des budgets, et tout cela passe sous les fourches caudines de la Commission. Pourquoi, en matière de sécurité commune, la France est-elle reléguée au rôle de mercenaire gratuit de l'Union européenne ? C'est inacceptable ! Le moment est venu de pousser un coup de gueule et de dire que cela suffit. En tout cas, nous, nous profiterons des élections européennes pour soulever à nouveau la question.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion