Intervention de Marianne Dubois

Séance en hémicycle du 8 janvier 2014 à 15h00
Agriculture alimentation et forêt — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarianne Dubois :

Non, monsieur le ministre, ce projet de loi n’est pas celui de l’avenir de l’agriculture française. Ce texte fourre-tout ne servira au mieux qu’à contraindre davantage encore les conditions d’existence du monde agricole.

Là où il nous faudrait du pragmatisme, de la flexibilité, les moyens de retrouver de la compétitivité face à la concurrence mondiale et européenne exacerbée, vous ne faites que resserrer l’étau des contraintes. S’il y a une loi dont notre agriculture a besoin, aujourd’hui et pour demain, ce serait une loi sur le bon sens agricole, débarrassée de toute doctrine. Monsieur le ministre, il manque à votre loi l’essence même de ce qui a fait l’essor de notre pays et celui de nos campagnes : le bon sens paysan.

Comme tous les élus des champs, je suis pragmatique ; comme à mon habitude, je vais vous donner des exemples issus de notre Beauce qui montrent ce que votre projet de loi ne manquera pas d’entretenir.

Je visitai dernièrement une exploitation reprise par un jeune agriculteur dont les terres se situent en bordure d’une autoroute construite récemment sous le label écologique, si bien que les accotements sont envahis par les chardons qui, comme chacun doit le savoir, sont un fléau environnemental. Las de voir ses champs envahis, notre jeune agriculteur a pris le taureau par les cornes et traite désormais ses champs mais, aussi, les accotements de l’autoroute grâce à un aménagement astucieux de son matériel de traitement pour passer au- dessus des clôtures.

Le problème des chardons est donc résolu, à ses frais, mais demain viendra celui de la justification auprès de notre administration. Comment en effet justifier un tel emploi de produit phytosanitaire très encadré et contingenté ? Inutile de tenter d’expliquer le pourquoi du comment : les formulaires administratifs ne possèdent pas de rubrique « bon sens ».

Autre sujet récurrent : celui des CIPAN, cultures intermédiaires pièges à nitrates. Inexorablement cette affaire est remise sur le tapis chaque année et chaque année votre administration, monsieur le ministre, ressort invariablement ses directives en imposant une date butoir alors que nous savons tous que la nature n’a jamais répondu à des calendriers administratifs. Quand, monsieur le ministre, se limitera t-on à fixer une période et non plus une date couperet ? Ne croyez-vous pas que nos agriculteurs sont au moins aussi attachés à la qualité de leur sol que l’administration ?

Pour clore ce bref témoignage de la réalité de nos campagnes, je citerai un agriculteur qui me faisait part de sa vie quotidienne.

Il se souvenait que, lorsqu’il était jeune et qu’il travaillait aux côtés de son père, la conversation portait chaque matin sur le travail du jour, les cultures à surveiller ou les interventions susceptibles de s’imposer selon les conditions météo et l’état du sol. Depuis quelques années, ses pensées du matin ne sont plus les mêmes. Les priorités ont changé : désormais, la question que cet agriculteur se pose chaque matin, c’est celle de savoir quelle démarche administrative il a pu oublier, risquant de le mettre en défaut face aux diverses administrations qui ne manqueront pas de venir le contrôler.

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