Intervention de Laure de La Raudière

Séance en hémicycle du 23 janvier 2014 à 15h00
Exposition aux ondes électromagnétiques — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaure de La Raudière :

Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mesdames les rapporteurs, monsieur le président de la commission des affaires économiques, chers collègues, alors que le Président de la République promeut un pacte de responsabilité avec les entreprises dont les Français attendent la traduction concrète, prône un choc de simplification pour les collectivités et les entreprises et défend à juste titre un allégement des charges et des contraintes administratives ; alors que le Gouvernement prône le développement du numérique à l’école avec force communication et peu de moyens, met en avant l’innovation numérique en lançant une campagne intitulée Say oui to France, Say oui to Innovation et défend le déploiement du très haut débit fixe et mobile pour tous et dans tous les territoires ; alors que nous savons tous que le numérique est un secteur en pleine croissance et pourvoyeur d’emplois et préférerions tous que le développement ait lieu en France plutôt qu’à l’étranger ; alors que les entreprises françaises du numérique présentent actuellement au salon Consumer Electronic Show de Las Vegas les innovations qui les positionneront sur des marchés porteurs comme les objets connectés, la voiture connectée, la ville intelligente et l’e-éducation, nous ne pouvons que nous alarmer du paradoxe qui fonde la proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques que nous examinons cet après-midi.

Elle distille en effet au fil des articles l’impression délétère que les ondes électromagnétiques émises par les antennes des réseaux mobiles, les terminaux, les tablettes ou encore les box wi-fi sont dangereuses pour la santé, alors que le dernier rapport de l’ANSES vient de rappeler qu’elles ne présentent aucun risque sanitaire avéré. Les articles 4, 5, 6 et 7 du texte encouragent la défiance vis-à-vis des technologies mobiles et risquent de priver la France d’innovations permettant à notre société d’accomplir de réels progrès. La proposition de loi envoie un signal très négatif à nos concitoyens en matière de confiance vis-à-vis du monde de la science et de l’innovation.

Le texte, peu normatif, ouvre la voie à la multiplication des contentieux lors de l’installation d’antennes mobiles visant à améliorer la couverture des zones rurales et la qualité de service mobile dans les zones urbaines par leur désaturation, ce qui est votre objectif, madame le ministre. Voilà autant de raisons qui me conduisent aujourd’hui à défendre pour le groupe UMP une motion de rejet de la proposition de loi émise par le groupe écologiste et soutenue par la majorité socialiste.

Aux motifs que je viens d’évoquer et que je m’apprête à détailler s’ajoute un clivage politique fort sur l’interprétation du principe de précaution. Pour le groupe UMP, celui-ci s’applique dans les situations de risque non avéré mais suspecté ou de grave danger potentiel. Il n’a rien à voir avec la prévention d’un risque. La mise en oeuvre du principe de précaution ne saurait se passer d’expertise scientifique et technique dès lors qu’elle dépend de l’état des connaissances et corollairement du degré d’incertitude.

La science se prononce sur la probabilité a priori d’un risque, l’état des connaissances et des incertitudes, l’importance des travaux effectués et, par des analyses critiques au cours des expertises collectives, la valeur des publications. Les expertises collectives scientifiques diligentées par des institutions disposant de toute la légitimité pour le faire ont toutes conclu à l’absence de risques liés aux antennes dans de très nombreuses études sur le sujet. La probabilité d’un tel risque est aujourd’hui nulle aux yeux de la communauté scientifique. Il en va de même pour les ondes wi-fi. Les avis sont plus nuancés à propos des appareils mobiles, non à cause de l’effet électromagnétique mais en raison de la chaleur provoquée, uniquement perceptible lorsqu’ils sont à proximité immédiate du corps humain et en cas d’utilisation prolongée.

Or l’article 1er introduit un objectif de modération de l’exposition du public aux champs électromagnétiques. Vous convoquez ici, chers collègues écologistes, le principe de précaution vis-à-vis des antennes, alors qu’il n’a pas de raison d’être en la matière, comme je viens de le démontrer. Il s’agit en fait de promouvoir votre vision politique du principe de précaution, qui nie les études scientifiques et ne fait aucune confiance au progrès scientifique. Votre conception décliniste de la société aboutit à l’instauration du principe de précaution lors de l’installation des antennes pour réseaux mobiles. Il s’agit d’un réel clivage politique, clairement affiché et assumé par le groupe écologiste. Je regrette et dénonce que la majorité socialiste soutienne une telle position politique, contrairement à son discours habituel.

Même si l’alinéa concerné est peu normatif, sa rédaction actuelle n’en donne pas moins une nouvelle base légale aux associations qui luttent contre le déploiement des réseaux mobiles sur l’ensemble du territoire, et c’est précisément ce qui nous inquiète. Comme vous le savez, mes chers collègues, ces associations ont épuisé depuis le mois de décembre 2012 toutes les voies de recours pour s’opposer de façon abusive à l’installation d’antennes. Alors qu’elles étaient très actives il y a quelques années dans l’ensemble du territoire et multipliaient les recours au nom du principe de précaution ou pour trouble du voisinage, elles sont aujourd’hui impuissantes car les faits ont déjà été jugés en Conseil d’État et à la Cour de cassation. Toutes les nouvelles actions en justice pour de tels motifs seront donc déboutées.

Ces associations, souvent proches du groupe politique écologiste, avaient donc besoin d’une nouvelle base légale pour leurs recours. L’ensemble de la philosophie du texte et l’alinéa 3 de l’article 1er en particulier viennent leur en offrir une sur un plateau. Nul doute qu’ils sauront l’utiliser, paralysant ainsi l’amélioration de la couverture de nos territoires ruraux et la désaturation du trafic dans nos villes, contrairement aux propos tenus par nos collègues socialistes et écologistes. Nos concitoyens, qui savent les services que leur rend quotidiennement l’usage des mobiles et des tablettes, seront pénalisés au premier chef par le choix que vous faites, mesdames et messieurs les députés socialistes, madame et monsieur les ministres, d’apporter votre soutien au texte.

Celui-ci est en outre contraire au choc de simplification annoncé par le Président de la République et que les Français attendent toujours. C’est bien la preuve que vous n’avez nullement l’intention de traduire les paroles du Président de la République en actes. L’article 1er ne crée rien de moins qu’une procédure de concertation spécifique à l’installation d’antennes électromagnétiques. Vous n’avez pas cherché à rationaliser les multiples procédures de concertation prévues par les textes ni à copier-coller une procédure existante. Bien au contraire, vous en inventez une nouvelle et créez en passant une nouvelle instance de concertation départementale ! Ce n’est pas sérieux. L’article 4 impose de nouvelles obligations aux distributeurs de mobiles. Ces contraintes franco-françaises viendront renchérir encore plus les coûts des terminaux mobiles en France. Nous nous éloignons là encore du choc de simplification ou du choc de compétitivité. Ce n’est pas sérieux. J’évoquerai enfin l’article 7 visant à limiter l’usage du numérique par les jeunes enfants, en particulier en interdisant le wi-fi dans les lieux d’accueil des crèches et en encadrant son usage dans les écoles.

Pourquoi le faire, alors que le président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, le très sage et respecté Jean-Yves Le Déaut

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