Intervention de Marion Maréchal-Le Pen

Séance en hémicycle du 22 janvier 2014 à 21h30
Ratification de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarion Maréchal-Le Pen :

Romani qui, au passage, compte 200 000 locuteurs en France, ainsi que le souligne le rapport. J’en veux pour preuve la citation de ces langues, relevée par M. Chassaigne, dans le rapport du Comité consultatif pour la promotion des langues régionales et de la pluralité linguistique, rapport commandé par Mme Filippetti et remis en juillet 2013. À l’évidence, il y a là un risque majeur de communautarisation, voire de balkanisation, de la République ! Chaque communauté significative implantée en France pourrait revendiquer l’application de la charte.

Mais ce qui semble extravagant, c’est bien le contenu des 39 engagements que la France a pris en signant cette charte. J’en prends quelques exemples.

Alors même que vous multipliez les déclarations sur la nécessité de recentrer le primaire sur les savoirs fondamentaux, cette charte prévoit la présence substantielle de ces langues régionales ou minoritaires dans l’enseignement, du primaire jusqu’à l’universitaire.

En matière de justice, l’État doit rendre accessible dans les langues régionales ou minoritaires les lois les plus importantes et les textes des collectivités territoriales. Pratique, lorsque l’on sait qu’il existe, par exemple, vingt-huit dialectes kanaks, selon le rapport que j’ai cité !

Sur le plan culturel, il faut faciliter et encourager leur usage oral et écrit, dans la vie publique et dans la vie privée, à la télévision, à la radio, etc., et tout est à l’avenant !

Le rapport du comité consultatif pour la promotion des langues régionales et de la pluralité linguistique donne quelques indications sur ce que les socialistes ont derrière la tête. Il précise que les langues solidement implantées et les langues en situation de précarité doivent bénéficier de la politique de promotion publique, incluant par exemple des médiations bilingues, notamment dans les domaines des transports et des services sociaux. Il dresse surtout la liste des soixante-douze langues régionales et des six langues non territoriales, sans compter la langue des signes.

La ratification de la Charte serait donc un facteur de complexité et de coûts dantesques. Saisi par le Président de la République, le Conseil constitutionnel a décidé, en 1999, que la Charte portait atteinte aux principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français.

La révision de 2008 n’a rien changé à l’analyse. Du reste, le Conseil d’État, si docile vis-à-vis du pouvoir, et des populations étrangères d’ailleurs, a maintenu l’an dernier son avis de 1996, rappelant que l’article 2 de notre constitution s’oppose à la ratification de la charte.

Mais le texte que vous proposez aujourd’hui se borne à garantir l’usage du français obligatoire dans les relations avec l’administration. Conception a minima pour une langue censée être la langue officielle de la République.

En définitive, je suis hostile à la ratification de cette charte au nom de l’unité nationale, de la défense du français comme langue officielle, et pas seulement majoritaire. Les langues régionales doivent être défendues comme composantes de notre identité, ce qui implique une politique qui ne les réduise pas à un simple folklore, mais qui ne leur donne pas non plus le même statut que le français.

La volonté du Conseil de l’Europe de mêler langues régionales et langues minoritaires fausse la donne. Je vois dans ce texte la même idéologie qui animait le rapport sur l’intégration, commandé par le Gouvernement : une société multiculturelle contre l’assimilation républicaine ; la promotion des minorités contre l’unité nationale ; les particularismes contre l’identité française ; le repli identitaire contre la cohésion républicaine.

J’y vois surtout une nouvelle attaque de la part des instances européennes, dont le Conseil de l’Europe, contre l’un des ferments de notre État nation, le français. Une fois de plus, il s’agit de donner toujours davantage d’importance et de place aux régions, en sapant l’échelon national pour, à terme, arriver à l’organisation politique suivante : Union européenne Régions Intercommunalités.

Ce projet est à peine dissimulé : le Président de la République a annoncé il y a quelques jours la création d’un pouvoir réglementaire régional. Ne vous y trompez pas : M. Ayrault a annoncé le retour sur la table de cette charte après la crise bretonne. Mais derrière la volonté de faire passer la révolte des « Bonnets rouges » pour une résurgence identitaire, il y a une réalité. Les panneaux des manifestants, en aucun cas, n’affichaient : « Bretagne libre », mais « Du boulot pour les Bretons » !

Les Français ne sont pas dupes. Ils n’attendent pas de vous que vous les divisiez toujours plus, mais que vous défendiez ce qu’ils ont en commun, dans cette période de crise où le malaise d’être français est de plus en plus pressant.

Le plus efficace des liens qui nous unit est celui de la langue, le français. Oserai-je vous rappeler que c’est sous votre si chère Troisième République que dans ma Bretagne, il était interdit de parler breton ? Que c’est sous le petit père Combes que la pratique du breton fut interdite en 1902 ? Que c’est en 1882 que le français fut imposé comme la seule langue dans l’enseignement laïc et obligatoire – c’était la loi Ferry ? Que c’est au même Jules Ferry que François Hollande a rendu hommage le jour de son investiture ?

Une fois encore, vous faites vos choix dans l’histoire comme l’on fait ses courses. Vous êtes dans la duplicité, au point de nous faire la leçon sur tout et son contraire, quitte à tordre le bras à l’histoire lorsqu’elle vous fait la grimace. À chaque fois, vous êtes dans l’excès, hier comme aujourd’hui.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion