Intervention de Nicolas Decayeux

Réunion du 22 janvier 2014 à 9h30
Commission des affaires économiques

Nicolas Decayeux, président de Decayeux :

L'implantation de l'entreprise dans un terroir, dans mon cas à Feuquières-en-Vimeu, en Picardie, est essentielle. Or à force de fermer toutes les usines dans nos campagnes, nous ne trouvons plus de fournisseurs. En juillet, l'usine qui nous fournissait en tubes a fermé et j'ai été contraint de sourcer mes tubes en Pologne. On ne trouve plus de refendeurs d'acier. Traditionnellement le Vimeu comptait de nombreuses industries de fabrication de serrurerie ou de robinetterie. Aujourd'hui le Vimeu ne compte guère plus de trois entreprises familiales de plus de deux cents salariés.

J'adore mon pays et j'adore les gens avec qui je bosse. J'ai suivi les cours de l'école de mon village, avec mes ouvriers, et j'ai beaucoup de respect pour cette culture ouvrière qu'on est en train de détruire. Je vous en prie, faites quelque chose et arrêtez de nous stigmatiser : ne confondez pas les entrepreneurs avec les patrons voyous.

L'Allemagne compte beaucoup d'ETI comme la mienne alors qu'il y en a peu en France. L'industrie allemande bénéficie d'un esprit de coopération, de l'existence de filières et du respect de l'apprentissage : il n'y a rien de déshonorant à être un ouvrier, à la différence de ce qu'on croit en France.

Il faut renforcer les liens entre les entreprises et les universités. Notre entreprise travaille avec l'université de Compiègne à développer des moyens de communication innovants et nous essayons de travailler avec l'université d'Amiens : c'est encore difficile mais on sent que les esprits commencent à évoluer. Ouvrez-nous les écoles. En décembre, je suis allé en Chine pour visiter des universités : j'ai découvert que les universités chinoises ouvraient leurs laboratoires aux entreprises. J'ai même vu des chefs d'entreprise français travailler avec des universitaires chinois ! La Chine n'est plus le pays de la production à bas coût : elle est devenue un pays d'innovation et c'est le fruit d'une politique à long terme. C'est ce que vous devez voter : je ne parle pas de mesures à trois ans, mais de véritables « plans Marshall » en faveur des filières.

En matière d'investissement, je n'ai qu'à me féliciter de la BPI et de son prédécesseur OSEO, puisqu'ils nous ont permis de mener à bien notre acquisition en Allemagne. Il reste très difficile de trouver des financements : les banques restent absentes, en dépit de quelques progrès. Il est regrettable que les pouvoirs publics doivent se substituer à ces entreprises. En tant qu'entrepreneur, je prends des risques avec mon pognon, avec l'emploi de mes salariés ; il faudrait que les banques aussi fassent leur boulot.

Je ne suis pas concerné par les filières : je n'y ai jamais participé puisque je n'ai jamais été dans les « tuyaux ». L'esprit de notre groupe c'est plutôt « aide- toi, le ciel t'aidera ».

Les entreprises publiques ont le même objectif que les entreprises privées : survivre dans un monde concurrentiel, et à ce titre nous n'avons pas à attendre d'elles qu'elles nous aident. L'office d'HLM d'Abbeville ne va pas choisir tel fournisseur parce qu'il est d'Abbeville : il choisira le moins cher puisqu'il a un budget à gérer. J'ai perdu le marché des boîtes de la Poste, un marché de trois millions d'euros, au profit d'une entreprise polonaise. Un ouvrier polonais, c'est sept mille euros ; un ouvrier français, c'est trente-huit mille euros.

Tous ceux qui ont bénéficié du CIR ont été contrôlés par les services fiscaux. Nous avons dû prouver qu'il servait réellement à financer l'innovation, ce qui nous a pris un temps considérable. D'ailleurs nous ne l'avons pas redemandé. Le CICE en revanche nous a vraiment aidés, d'autant que son effet a été immédiat. Il faut dire que cette bouffée d'oxygène venait après une longue période où on n'avait pas cessé de charger la barque des entreprises. Il faut certes être solidaire avec les gens qui ne travaillent pas, mais il faut aussi aider les gens qui travaillent.

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