Intervention de Jacques Alain Bénisti

Réunion du 24 octobre 2012 à 16h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Alain Bénisti, rapporteur pour avis :

Quelques rapides commentaires sur les crédits de l'aviation civile pour 2013 ainsi que sur les principales questions, notamment environnementales, liées au transport aérien…

Les crédits sont répartis au sein du programme 203 de la mission ministérielle, pour la gestion des aéroports qui demeurent de la compétence de l'État et au sein des programmes 612, 613 et 614 du budget annexe « contrôle et exploitation aériens ». Ils sont marqués par la continuité. Chacun connaît le contexte de maîtrise de la dépense publique qui s'applique au PLF pour 2013.

Les crédits du programme 203 assurent essentiellement des investissements dans des aéroports d'outre-mer et les études ainsi que les acquisitions foncières du futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Sont également prévues une aide à la réhabilitation de l'aéroport de Lorient et l'extension de plateformes appartenant à l'État à Lyon-Saint-Exupéry.

S'agissant du budget annexe, les crédits de paiement sont stables, compte tenu de l'inflation, à hauteur de 1,868 milliard d'euros. Pour les opérations en capital, ils s'élèveront à 418,4 millions pour 2013. Le Gouvernement diminue les effectifs d'une centaine d'emplois administratifs et de gestion afin de stabiliser les dépenses de personnel. L'objectif est de maintenir les postes techniques indispensables à la sécurité et au développement du contrôle du transport aérien.

Cette priorité accordée aux postes techniques se retrouve dans chaque programme. Commençons par le programme 612 « navigation aérienne », qui se concentre sur le volet technologique de la mise en place du « Ciel unique européen ». La DSNA doit non seulement maintenir en conditions opérationnelles ses systèmes et ses infrastructures mais également les moderniser et les mettre, avant 2015, aux standards européens. À défaut, il y a un risque réel de vétusté des systèmes et font courir des risques d'incidents fragilisant la sécurité. En contrepartie, le ministère doit rechercher des économies en différant des opérations de génie civil. Pour mémoire, il exploite en métropole et outre-mer un vaste parc d'infrastructures composé de cinq centres de contrôle, de deux centres d'exploitation de systèmes, de plus de 80 tours de contrôle, de quelques bâtiments administratifs et de nombreuses stations de radiocommunication, de radionavigation ou de surveillance isolées.

Le programme 613 « Soutien aux prestations de l'aviation civile » est caractérisé en premier lieu par la bonne maîtrise du budget de l'école nationale de l'aviation civile, qui réussit année après année à se financer grâce à des recettes commerciales. En second lieu, le ministère poursuit les efforts de modernisation de ses systèmes de gestion financière.

Le programme 614 « Transports aériens, surveillance et certification » poursuit essentiellement la politique de renforcement de la sûreté, avec la création d'un laboratoire de test et de détection des explosifs et le développement d'une nouvelle application de gestion des titres d'accès dans les zones réservées des aéroports.

Comme je l'ai indiqué au début de mon intervention, les crédits du budget annexe n'appellent pas de commentaire particulier. Ils obéissent à une logique de prestations de services financés par des taxes acquittées par les compagnies aériennes et par les aéroports et ressemblent à ce titre à ceux présentés les années précédentes. Les principaux problèmes, que j'évoque dans mon rapport pour avis, sont largement « hors budget » et concernent la politique aéroportuaire et les nuisances aériennes, principalement celles liées au bruit.

Les élus comme les habitants des communes riveraines attendaient beaucoup du Grenelle de l'environnement. Le bilan n'est certes pas négatif, avec les arrêtés d'aide à l'insonorisation des habitations, les restrictions de vols de nuit à Orly, Marseille et Toulouse, mais il n'y a pas eu de remise à plat d'une politique déjà ancienne. L'élément positif est l'amplification du rôle de l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, l'ACNUSA, qui accomplit un solide travail en relevant les incohérences de mesures et d'évaluation sur le bruit sur les plateformes, ce qui oblige l'administration à revoir ses procédures. Ses compétences viennent de s'étendre à la mesure des substances polluantes, et il faut espérer que malgré la stricte stabilisation de ses crédits, l'ACNUSA parvienne à recruter un ingénieur chargé de ces mesures.

La politique de lutte contre le bruit comprend deux grands problèmes, avec en premier lieu les vols de nuit : trois aéroports, Roissy, Marseille et Orly enregistrent annuellement plus de 10 000 mouvements nocturnes ; d'autres comme Lyon et Nice, s'approchent de ce seuil. L'ACNUSA a mis en place en 2011 un groupe de travail à la demande des élus et des associations de riverains. Outre le fait, quelque peu étrange, que ces vols ne sont pas comptabilisés de la même manière selon les plateformes, l'ACNUSA, malgré un travail considérable, n'a pu proposer au printemps 2012 les mesures pour améliorer la situation, faute de consensus au sein du groupe de travail. La situation reste donc en l'état, avec un problème croissant puisque le nombre de vols de nuit augmente.

En second lieu, les trajectoires et les amendes pour non respect de trajectoires : depuis 2008, une série de mesures ont été prises pour relever les plafonds d'altitude et modifier les trajectoires d'approche pour minorer les nuisances au-dessus des zones très urbanisées. L'ACNUSA comme les associations de riverains ont constaté de nombreux manquements, mais leur résultat n'est pas le même que celui de la direction générale de l'aviation civile. Qu'il y ait divergence entre administration et riverains n'est pas une surprise, mais les aéroports, la DGAC et l'ACNUSA quantifient le phénomène différemment. Je souligne ce point dans mon rapport pour avis en espérant que le gouvernement y mette bon ordre.

Non seulement nous constatons des manquements aux trajectoires, mais les tours de contrôle accordent de plus en plus de dérogations à ces trajectoires, à la demande des pilotes ou des compagnies. Ces dérogations nous semblent plus graves que les manquements car ainsi, c'est l'administration qui affaiblit le dispositif de protection contre les nuisances. C'est pour cette raison que de nombreux élus militent en faveur d'un relèvement des amendes pour qu'elles soient dissuasives.

J'en termine avec le bruit pour noter que les plans de gêne sonore et les plans d'exposition au bruit débouchent globalement sur de bons résultats, avec un chiffre d'insonorisation de logements en nette augmentation. En revanche, les deux fonds de compensation des nuisances sonores sur Roissy et Orly doivent sans nul doute être réformés. Je n'y reviens pas, ayant posé une question sur ce sujet à M. le ministre. En revanche, je demeure surpris par l'absence de planification à long terme de notre politique aéroportuaire qui prenne en compte globalement les perspectives de trafic, les capacités pour y faire face, la desserte par transports publics des plateformes depuis les villes, l'environnement, la coordination avec les autres modes de transports pour ne plus recourir à l'avion, le cas échéant. Autour d'Orly, la situation devient de plus en plus difficile pour 5 millions de personnes. Aussi je souhaite que le Gouvernement mette à l'étude une solution consistant à déplacer les pistes à plusieurs dizaines de kilomètres et à les relier à l'aérogare par un système de navettes automatiques.

C'est en raison des incohérences sur la politique aéroportuaire que je donne en conclusion un avis défavorable sur les crédits de l'aviation civile.

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