Intervention de Michel Vauzelle

Séance en hémicycle du 29 janvier 2014 à 21h30
Privatisation de la société nationale maritime corse méditerranée

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Vauzelle :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mon propos sera extrêmement bref. C’est un témoignage de gratitude envers le Gouvernement que je veux apporter ici en ma double qualité de député et, puisque nous avons encore le malheur de supporter le cumul des mandats pendant quelque temps, de président de région. Mais je ne pensais pas parler après la révélation que vient de nous faire Paul Giacobbi de sa création in pectore par le pape François comme cardinal, et je voulais être le premier à le saluer en sa qualité d’Éminence. Il est vrai que le rouge vous va bien, cher Paul.

Monsieur le président de la commission d’enquête, je voulais simplement vous témoigner la gratitude de la région pour l’action que vous avez menée. Vous avez fait preuve d’une qualité d’écoute dont j’ai pu bénéficier moi-même. Je salue la volonté qui a été celle du Gouvernement devant une situation extrêmement difficile et très douloureuse pour la région ; pour Marseille, bien sûr, pour les travailleurs, mais aussi pour la présence de la France et du pavillon français en Méditerranée, et relativement aux perspectives que nous pouvons avoir au Maghreb. Je voudrais également remercier le rapporteur et les membres de cette commission d’enquête. Je n’ai pas pu être aussi présent que je le souhaitais, mais il m’a semblé que les travaux ont été réalisés dans un climat serein et qu’ils étaient de qualité, ce qui fait honneur à la démocratie et à l’institution des commissions d’enquêtes parlementaires.

Le rapport de cette commission d’enquête met malheureusement en évidence, est-il nécessaire de le souligner à nouveau, les défaillances de l’État dans ce dossier ; cette situation a duré dix ans, car aujourd’hui l’attitude du Gouvernement a changé.

Le coût pour l’État, d’abord en tant qu’actionnaire principal, ensuite comme actionnaire minoritaire, a été considérable. Ainsi que le souligne le rapport dans ses conclusions, « les pertes patrimoniales et financières totales de l’État sur la SNCM peuvent être estimées au moins à 400 millions d’euros, voire 450 ! » C’est évidemment inadmissible et cela continue donc à engager aujourd’hui la responsabilité de l’État avec les difficultés que l’on sait, à Marseille comme en Corse.

Cela est d’autant plus choquant que les acteurs privés engagés dans ce dossier de privatisation n’ont pas été eux-mêmes pénalisés. Bien au contraire : Butler Capital Partners, le fonds d’investissement appelé à la rescousse par le Premier ministre de l’époque, a réalisé une plus-value de 60 millions d’euros en cédant, deux ans seulement après la privatisation les parts en provenance de l’État à Veolia. Cette dernière société n’a quant à elle jamais joué son véritable rôle d’actionnaire : elle a fait preuve d’une absence de vision stratégique et d’immobilisme. Tout cela, chacun ici le sait. Mais la population à Marseille s’en rend bien compte et le sait aussi.

Nous sommes donc aujourd’hui dans une situation qui est toujours très grave et cela est d’autant plus choquant que les conséquences de ces erreurs, je devrais dire de ces fautes, mettent aujourd’hui en péril l’existence d’une des dernières grandes compagnies maritimes françaises, l’emploi direct de plus de 2 000 salariés dont on imagine le poids économique mais surtout social, une certaine idée du service public, l’activité de dizaines d’entreprises sous-traitantes de la région, sur le port de Marseille comme dans les ports de Corse, ainsi que l’équilibre financier de l’Office des Transports de la Corse.

Cette dilution des responsabilités a été bien soulignée dans le rapport. Elle met également en péril, nous le savons, le service public de continuité territoriale, qui est essentiel aux transports non seulement de passagers mais aussi de fret, comme l’a dit tout à l’heure M. Giacobbi, et qui unit le continent à la Corse. Il s’agit bien là du lien à la Corse, pour mille raisons que vous connaissez bien. C’est pourtant cette mission que la SNCM et son personnel, navigant comme sédentaire, ont remplie pendant plus de trente ans.

C’est cette même notion de service public qu’ils se sont employés à défendre face à la concurrence déloyale de compagnies battant pavillon étranger, elles-mêmes, il faut le souligner, alimentées pour partie par des fonds publics. On peut, à ce propos, remercier le Gouvernement s’il s’apprête bien à publier un décret régulant enfin les conditions sociales de cette concurrence.

C’est cette même notion de service public que nous devons aujourd’hui défendre, bien sûr, en trouvant des solutions qui permettent d’assurer la pérennité de la SNCM. La SNCM doit continuer à jouer son rôle à Marseille comme en Corse et en Méditerranée, en étant si possible plus offensive sur la relation avec le Maghreb et la place de la France en Méditerranée.

Nous attendons donc avec impatience, mais aussi bien sûr avec vigilance, vous l’imaginez, les conclusions de l’expertise qui vient d’être confiée par le Gouvernement à la Caisse des dépôts et consignations et à la Banque publique d’investissement. Il leur faut définir les hypothèses financières nécessaires au renouvellement de la flotte de cette compagnie pendant que, parallèlement, le pacte social conclu avec les organisations syndicales est mis en oeuvre.

Monsieur le ministre, je sais que les collectivités locales sont invitées à cette réflexion. Celle que je représente ici, outre le fait d’être député, s’engagera dans cette réflexion, puisque c’est de sa responsabilité. Nous avons encore besoin d’être rassurés sur la position de la Commission européenne, qui ne laisse pas de nous inquiéter.

Je vous remercie à nouveau pour ce que vous avez accompli, monsieur le ministre, et pour votre action à venir.

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