Intervention de Thierry Braillard

Séance en hémicycle du 4 février 2014 à 15h00
Harmonisation des taux de tva applicables à la presse — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Braillard :

Comment fera-t-on à l’avenir lorsqu’un secteur économique demandera légitimement qu’on abaisse son taux de TVA, contre la réglementation européenne existante ? Répondra-t-on que l’on doit se conformer aux obligations de l’Union européenne ? Ou expliquera-t-on que l’on peut passer outre ?

N’y aurait-il pas eu la possibilité de trouver un moyen de contourner le problème ? Sommes-nous vraiment obligés de baisser le taux de TVA ? N’aurait-on pas pu reverser, sous la forme d’une aide quelconque, les recettes de TVA engendrées par l’application d’un taux normal, dès lors que nous sommes d’accord pour que cesse cette différenciation de TVA entre presse en ligne et presse imprimée ? Bien entendu, les taux de TVA préférentiels sont considérés comme plus respectueux de l’indépendance de la presse que les aides directes. C’est tout simplement qu’ils évitent les suspicions de conflits d’intérêts, sujet auquel s’intéresse particulièrement notre collègue Françaix. Mais de façon transitoire, n’aurait-on pas pu avoir recours à une dépense budgétaire plutôt qu’à une dépense fiscale, afin d’éviter un contentieux avec la Commission européenne ?

Par ailleurs, se pose la question de l’amnistie fiscale auprès des sociétés qui n’auraient pas respecté la loi avant qu’elle ne soit modifiée. Car si on légifère pour l’avenir, doit-on pour autant effacer l’ardoise du passé ? Il y a là une vraie question, un vrai dilemme, auquel le Gouvernement devra répondre. Si l’on accepte l’amnistie sur le fondement de la légitimité des revendications, que faire des sociétés de presse qui ont continué à appliquer les lois de la République ? Doit-on les récompenser ? De plus, à l’heure où le consentement à l’impôt s’effrite et alors que des marginaux appellent à ne plus payer l’impôt, cette amnistie serait-elle un bon signal ? Enfin, peut-on accorder une amnistie à certains médias en ligne et ne pas l’accorder aux faits commis lors de mouvements sociaux et syndicaux ?

La seule étude d’impact dont nous disposons provient des principaux syndicats de presse français. Le coût de la mesure se limiterait à cinq millions d’euros et, avec le développement de la presse en ligne induit, l’État serait même gagnant. Cela suppose tout de même que les prix baissent, ce qui semble incompatible avec les besoins en investissements du secteur de plus en plus lourds.

Cette proposition de loi met en lumière un autre problème, de portée plus générale, à savoir la lenteur des processus décisionnels européens. Du fait de son fonctionnement, l’Union européenne est incapable d’agir rapidement. On le voit bien avec le numérique, qui est une véritable révolution. Cette révolution suppose des adaptations législatives rapides, aussi bien pour contrôler ses contenus que pour accompagner son essor.

Le Parlement européen s’est prononcé à trois reprises – vous l’avez rappelé, madame la ministre – pour une harmonisation des taux de TVA entre les supports physiques et les supports numériques. Rien n’y a fait. Rien n’a changé. Pour que les règles relatives à la TVA soient modifiées, il est nécessaire d’obtenir l’accord de chacun des États membres. Avec 28 États et bientôt plus, ceci devient quasi impossible.

L’Union européenne ne peut plus continuer ainsi. L’unanimité est contre-productive. Ce qu’il nous faut, ce n’est pas moins d’Europe, mais mieux d’Europe. Une Europe mieux intégrée, une Europe plus juste. Eh oui, même pour une simple question de TVA, nous en revenons toujours aux mêmes enjeux. Toutefois, les règles européennes ne sauraient changer en quelques semaines. Pour l’heure, face à la nécessité d’agir en faveur de la presse en ligne, et malgré les réserves dont je vous ai fait part, les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste voteront en faveur de cette proposition de loi.

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