Intervention de Nicole Bricq

Séance en hémicycle du 4 février 2014 à 15h00
Renforcement de la lutte contre la contrefaçon — Présentation

Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur Jean-Michel Clément, mesdames et messieurs les députés, vous le savez, la contrefaçon est un fléau mondial en pleine expansion.

Alors qu’en 1994 200 000 articles de contrefaçon étaient interceptés par les services douaniers, ce chiffre est passé à 2,3 millions en 1998 pour atteindre 8,6 millions en 2011, année record des saisies effectuées par la douane française.

Nous le savons, en violant les droits de propriété intellectuelle, la contrefaçon fait obstacle à la créativité et à l’innovation de nos entreprises, freine notre croissance et entrave la compétitivité de notre économie, sachant qu’elle

Après que le conseil des ministres s’est penché sur la communication que j’ai défendue avec mon collègue Pierre Moscovici le 3 avril 2013, le Gouvernement a présenté un plan en trois volets pour renforcer la lutte contre la contrefaçon.

Premier volet : le renforcement de l’action des douanes, notamment sur internet – c’est la procédure du « coup d’achat » mise en oeuvre par une disposition législative adoptée à la fin de 2012 – avec un plan d’action par secteur : santé, commerce électronique, culture.

Deuxième volet : la politique active que nous menons à Bruxelles pour la révision du droit des marques.

J’ai évoqué les chiffres concernant les saisies douanières en 2011 mais, en 2012, nous avons enregistré une baisse de 50 % de ces dernières. Elle s’explique par les effets de l’arrêt Nokia Philips de la Cour de justice de l’Union européenne qui a réduit les pouvoirs de contrôle de la douane sur les flux en transit en Europe. Depuis lors, la France a été particulièrement active pour trouver une solution qui redonne aux douanes la capacité d’exercer un contrôle.

Troisième volet, enfin : une politique active de défense de la propriété intellectuelle et des indications géographiques dans les négociations commerciales en même temps qu’un renforcement des moyens dévolus à la coopération internationale.

Nous avons obtenu une première satisfaction dans le cadre du nouveau règlement européen du 12 juin 2013 qui encadre l’action de la douane contre la contrefaçon. Nous poursuivons notre engagement dans le cadre du travail mené par la Commission européenne pour la révision du système des marques. La proposition de la Commission du 27 mars 2013 tient compte des préoccupations de la France.

Permettez-moi à cet égard de vous faire également part du fruit de mon travail en tant que ministre du commerce extérieur concernant tant la propriété intellectuelle que la lutte contre la contrefaçon. Je me suis en effet rendue compte que cette action était en fait peu connue.

Le réseau des 17 attachés douaniers déployés dans 70 pays ainsi que les conventions techniques et administratives ont démontré leur efficacité dans la lutte internationale contre la contrefaçon que le détachement d’experts de la propriété intellectuelle dans nos ambassades en Russie, en Inde, à Singapour et aux États-Unis devrait rendre encore plus efficace.

Ainsi, à l’occasion de mon déplacement au Vietnam, au mois d’avril 2013, un accord a été signé visant à aider ce pays à mettre en place un système de protection des indications géographiques – le Vietnam fera ainsi reconnaître ses propres indications et, en même temps, fera valoir nos intérêts en la matière, notamment dans le cadre de l’accord de libre échange entre le Vietnam et l’Union européenne. J’ai également accompli des démarches afin que l’Institut national de la propriété intellectuelle, l’INPI, soit reconnu comme autorité de certification des médicaments d’origine.

Par ailleurs, un représentant de l’INPI a, tout dernièrement, été nommé – en plus d’un attaché douanier – aux Emirats Arabes Unis où j’étais il y a quinze jours, nos exportations y étant en partie pénalisées en raison d’une lutte encore défaillante contre la contrefaçon notamment de matériels électriques, de produits de luxe, mais aussi de biens de consommation courante.

En Turquie, où je me suis rendue la semaine dernière avec le Président de la République, j’ai signé un accord de coopération avec le ministère du commerce et des douanes, démarche pour laquelle nous nous étions engagés depuis un an, en liaison avec le comité Colbert cette fois. Cet accord permettra de renforcer les échanges entre les deux systèmes douaniers et de lutter contre la contrefaçon.

Enfin, à l’occasion de la visite d’État du Président de la République au Brésil, au mois de décembre dernier, j’ai parrainé la signature d’un accord de coopération sur la lutte anti-contrefaçon entre le comité national de l’action contre la contrefaçon, le CNAC, présidé par le sénateur Richard Yung et son homologue brésilien, afin de mieux protéger les brevets des marques françaises.

La loi du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon a été défendue par l’ancienne ministre de l’économie et des finances, Christine Lagarde, qui a su percevoir toute la réalité du commerce international de contrefaçons et a proposé les évolutions nécessaires de notre droit – il est vrai qu’elle avait été ministre du commerce extérieur auparavant.

Le Sénat a choisi d’évaluer dès 2011 l’application de cette loi. Je salue le travail mené à l’époque par M. Yung et M. Béteille, lequel était alors sénateur UMP de l’Essonne.

La volonté du Gouvernement rejoint ainsi celle du Parlement, comme le démontre le travail actif mené ici et au Sénat sur cette question.

Face à l’ampleur du phénomène, leur rapport a mis en évidence la nécessité d’améliorer encore la protection de la propriété intellectuelle en France afin de conforter la réputation d’excellence et l’attractivité juridique – cela compte – de notre pays dans un domaine très concurrentiel. J’insiste : nous avons intérêt à ce que la sécurité juridique soit assurée dans notre pays pour être attractifs.

Ce travail avait abouti, je l’ai dit, à une première proposition de loi en 2011, enrichie l’année dernière par le sénateur Yung, actuel président du CNAC. Une nouvelle proposition de loi, rapportée par Michel Delebarre, a alors été examinée au Sénat le 20 novembre dernier et adoptée à l’unanimité. Je remercie mon collègue Alain Vidalies d’avoir fait diligence afin que nous puissions en discuter aujourd’hui alors que l’ordre du jour de l’Assemblée nationale est particulièrement chargé. Je remercie également, bien entendu, Mmes et MM. les députés dont le travail réalisé en commission des lois présente trois vertus principales.

D’abord, il dissuade la contrefaçon par l’augmentation des dédommagements civils accordés aux victimes. Il est très fréquent que les contrefacteurs retirent un avantage substantiel de la contrefaçon en dépit de leur condamnation. Vous avez été soucieux, monsieur le rapporteur, d’améliorer l’indemnisation des victimes de contrefaçon et nous partageons cet objectif.

Ensuite, il clarifie et simplifie un certain nombre d’éléments, notamment la procédure du droit à l’information et le droit de la preuve, au travers de la saisie-contrefaçon. A nouveau, votre commission a contribué à conforter ces dispositions.

Les flux extracommunautaires et intracommunautaires bénéficieraient de la même protection, ce qui est extrêmement important. L’importation, l’exportation, le transbordement et la détention des marchandises de contrefaçon seraient interdits. La procédure de retenue et de destruction simplifiée leur serait applicable. Vous avez donc accompli un travail d’universalisation du niveau de protection.

Ce secteur est stratégique tant au niveau sanitaire qu’économique : la France est le premier producteur européen de semences et le premier exportateur mondial. Mon travail étant aussi de défendre l’excellence française partout dans le monde, c’est ce que je fais s’agissant des semences.

Enfin, il renforce les moyens d’action de la douane, au premier chef, en assurant à tous les types de droits de propriété intellectuelle le niveau de protection le plus élevé possible.

Lors des débats préparatoires, le monde agricole a fait part de ses inquiétudes à propos des semences de ferme et des moyens destinés à assurer la protection accordée au certificat d’obtention végétal, le fameux COV.

La proposition de loi discutée aujourd’hui ne remet nullement en cause la loi du 8 décembre 2011 qui définit ce dernier et préserve l’exemption du sélectionneur pour permettre la recherche et la culture des semences de ferme.

Par ailleurs, la PPL renforce les moyens d’action de la douane en étendant à l’ensemble des marchandises contrefaisantes la procédure d’infiltration et la procédure dite "des coups d’achats" – qui n’a plus de secrets pour vous, monsieur le rapporteur (Sourires) – lesquelles permettront de lutter plus efficacement contre les réseaux de fraude organisée.

Enfin, la PPL modernise un pouvoir spécifique d’intervention chez les opérateurs de fret express et les opérateurs postaux.

Elle permet aux douanes, dans le cadre de leur mission de police des marchandises, et pour la recherche des infractions douanières de nature uniquement délictuelle, d’obtenir a posteriori communication des données de ces opérateurs. Cela permettra à la douane d’effectuer des analyses de risque des flux, afin d’accroître l’efficacité de ses contrôles. Il s’agit également de rendre moins contraignants les contrôles pour les opérateurs de fret et de n’arrêter les flux qu’à bon escient. C’est là un point très important, car nous avons besoin de ces opérateurs de fret.

J’ai demandé aux douanes de mener un travail avec les opérateurs de fret express pour déterminer avec eux les conditions de leur coopération. Ce partenariat, qui existe depuis 2012 avec la société Chronopost, a déjà fait ses preuves. Je souhaite que les douanes et les opérateurs puissent travailler ensemble à la préparation des décrets d’application, qui seraient pris, en concertation avec les parlementaires, si votre assemblée adoptait la proposition de loi, notamment pour encadrer le transfert des données.

Je sais qu’il s’agit là d’un sujet sensible et c’est légitimement que des questions se sont posées au sujet de cet encadrement. La CNIL a fait part de ses observations, dont nous avons tenu compte, comme nous le verrons au cours du débat. Le Sénat avait d’ailleurs précisé que cette transmission ne devait pas porter atteinte au secret des correspondances, et c’est à juste titre, selon moi, que vous vous en êtes fait ici l’écho, monsieur le rapporteur, en interdisant la transmission de données relatives à des courriers. Vous avez ainsi renforcé ce qu’avait fait le Sénat. Le Gouvernement proposera pour sa part de définir la notion d’opérateur de fret express et de préciser le champ d’application territoriale. La loi est faite pour cela : pour être claire et précise.

Pour terminer, je voudrais insister sur le fait que notre dispositif de protection de la propriété intellectuelle est efficace. Le classement de la chambre de commerce des États-Unis – qui ne nous fait pas de cadeaux en général ! – situe cette année notre pays à la troisième position en matière de protection de la propriété intellectuelle. J’y insiste : c’est un outil juridique d’attractivité pour que les entreprises viennent s’installer et investir en France.

La proposition de loi dont nous débattons dotera la France d’un arsenal plus efficace dans sa lutte contre le trafic de marchandises contrefaisantes. Si vous l’adoptez, comme je le souhaite, elle sera un atout de plus dans la bataille économique de la mondialisation. Vous savez que j’y suis pleinement engagée et je ne doute pas que le Parlement saura dire, lui aussi, la part qu’il entend prendre dans cette mondialisation.

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