Intervention de Jean-Patrick Gille

Séance en hémicycle du 5 février 2014 à 15h00
Formation professionnelle — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Patrick Gille, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, comme il vient d’être rappelé, notre système de formation professionnelle est fondé sur une négociation collective transposée par le législateur, et cela depuis la loi Delors du 16 juillet 1971. Loi fondatrice de notre système de formation professionnelle, elle constitue aussi le modèle de la démocratie sociale à la française. C’est pourquoi le présent projet de loi nous invite simultanément à acter une métamorphose de notre système de formation professionnelle et à refonder notre démocratie sociale pour en établir, sans conteste, la légitimité et l’efficacité.

Transposer l’accord national interprofessionnel du 14 décembre dernier, c’est assumer le choix d’une mutation profonde de notre système de formation professionnelle, avec la fin de l’obligation légale de financement, tout en s’inscrivant dans la continuité des différents accords, avec la création d’un compte personnel de formation, véritable outil du droit à la formation tout au long de la vie et de la sécurisation des parcours professionnels.

La loi de 1971, en instituant pour l’employeur une « obligation de payer », c’est-à-dire d’acheter de la formation pour ses salariés, a fait naître notre système de formation pour adultes et permis l’émergence d’un marché de la formation continue. L’obligation de consacrer 0,9 % de la masse salariale à la formation a servi en quelque sorte de cocon, dans lequel la chrysalide du système de formation professionnelle a pu se développer.

Cependant, elle n’est plus nécessaire dans une économie où chaque entreprise doit se distinguer en tirant parti de technologies toujours plus évolutives. Aujourd’hui, elle ne contribue plus à conforter, ni individuellement, ni collectivement, l’obligation de former, qui est devenue une nécessité de fait, et sans laquelle il n’y a pas d’exécution loyale du contrat de travail. Chaque classe d’entreprise dépense d’ailleurs, aujourd’hui, plus que le niveau de l’obligation légale. Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, le pari de 1971 est donc, en quelque sorte, d’ores et déjà gagné !

A contrario, les règles actuelles conduisent certains employeurs à considérer la formation d’abord comme une dépense les libérant d’une obligation fiscale, plutôt que comme un investissement. Et il est établi que la mutualisation des financements au titre du plan de formation, dont on parle tant, n’a guère d’effet redistributif pour les PME ou les TPE. Les employeurs n’ont aucune incitation à cibler les dépenses sur les salariés les moins qualifiés ou les plus précaires. Le modèle économique tend à renforcer les inégalités d’accès à la formation, le caractère cumulatif du savoir – plus je suis formé plus je veux me former – et, in fine, à arroser les terres déjà humides et laisser de côté les sols asséchés.

Le statut de cette obligation était le premier « grand impensé » des précédentes réformes. L’arrivée à maturité de notre système de formation professionnelle doit permettre de tirer un meilleur parti des financements des employeurs. Aussi le projet de loi les oriente-t-il vers les dispositifs gérés par les partenaires sociaux, qui permettent de donner accès à une qualification au bon moment et pour ceux qui en ont le plus besoin. C’est, finalement, le passage d’une obligation fiscale à une responsabilité sociale des entreprises !

Le financement est assis sur une contribution unique largement mutualisée, 1 % pour les employeurs de plus de dix salariés, 0,55 % – taux inchangé – pour les TPE. La part réservée au congé individuel de formation augmente. Les ressources du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnel, le FPSPP, sont sanctuarisées et ne seront plus ponctionnées, afin d’apporter un appui massif aux demandeurs d’emploi et aux salariés les plus précaires.

Le second « grand impensé » des précédentes réformes, c’était la place du formé lui-même. C’est une ambition ancienne, inscrite dès la loi Delors, avec le congé individuel de formation. Depuis, l’idée du salarié acteur de sa formation a fait son chemin. Il est désormais acquis que cette participation est nécessaire à l’efficacité de la formation, car il ne s’agit plus, comme on le dit trop facilement, « d’envoyer des personnes en formation », mais de rendre chacun acteur de son processus de changement car, comme Bertrand Schwartz l’a maintes fois rappelé, « les salariés ne souhaitent se former que si la formation répond à des questions qu’ils se posent ». C’est aussi la question de l’envie, que vous avez évoquée, monsieur le ministre.

En 2003, on avait tenté de concrétiser cette idée par le droit individuel à la formation, mais force est de constater qu’il n’a pas tenu ses promesses. Le compte personnel de formation fait entrer cette ambition dans les faits en établissant un véritable droit d’initiative de formation du salarié, financé et étendu aux demandeurs d’emploi, avec l’appui d’un conseil en évolution professionnelle.

Face à l’employeur, le salarié a des droits, assortis de garanties : l’utilisation du compte est opposable pour acquérir le socle de connaissances et de compétences, mais aussi, comme le prévoit un amendement que j’ai proposé à la commission, qui l’a retenu, pour l’accompagnement à la validation des acquis de l’expérience, la VAE, laquelle sera elle-même précisée par amendement en séance. C’est d’ailleurs une manière d’avoir, comme vous, monsieur le ministre, une pensée pour celui qui fut le père de la VAE, Vincent Merle, trop tôt disparu.

Le compte peut aussi être utilisé pour accéder à des formations qualifiantes, définies par les branches, ce qui permettra à la fois de répondre aux besoins de l’économie et de remplir l’objectif de progression d’un niveau de qualification au cours de la vie professionnelle.

La commission a souhaité garantir une appropriation rapide de cet outil, en améliorant et en simplifiant son alimentation : elle sera de deux heures par mois de travail jusqu’au palier de 120 heures, puis d’une heure par mois jusqu’au plafond de 150 heures. Le financement du compte est garanti : 0,2 % de la masse salariale.

Il est complété d’abondements de deux types. D’abord, ceux que la commission a qualifiés de « supplémentaires » : une centaine d’heures correctrices pour les salariés qui n’ont connu aucune évolution de leur situation professionnelle depuis six ans, mais aussi la possibilité d’alimentation plus favorable dans le cadre d’accords d’entreprise, de groupe ou de branche ; parallèlement, des abondements complémentaires des différents financeurs de la formation professionnelle, afin de permettre d’accéder aux formations les plus longues ou d’exercer son droit à la formation initiale différée, c’est-à-dire son droit à la deuxième chance.

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