Intervention de Isabelle Le Callennec

Séance en hémicycle du 5 février 2014 à 15h00
Formation professionnelle — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Le Callennec :

Dans l’Union européenne, ce chiffre s’élève à 85 %.

Que cette organisation patronale n’ait pas signé l’accord ne peut que nous interpeller. Nous avons reçu ses représentants, nous les avons écoutés. Leur crainte est forte que le nouveau système fasse chuter les entrées en formation des salariés des entreprises de plus de dix salariés, singulièrement de cinquante à trois cents salariés. Selon eux, le nouveau système met à mal le principe même de mutualisation, qui donnait apparemment satisfaction. L’inverse de l’objectif affiché ! Que répondez-vous à cela, monsieur le ministre ? À l’UMP, nous y répondons par des amendements qui, nous l’espérons, retiendront votre attention.

Passons maintenant en revue, si vous le voulez bien, les principales dispositions du texte. Elles ont un air de déjà-vu. Le compte personnel de formation et le conseil en évolution professionnelle ont en effet été créés par la loi de sécurisation de l’emploi.

S’agissant du compte personnel de formation, rappelez-vous, monsieur le ministre, notre impatience à en connaître les contours. C’est à leur définition que les partenaires sociaux se sont employés ces derniers mois. Nous y voyons à présent plus clair. Le CPF peut être ouvert dès l’âge de seize ans – quinze ans pour les apprentis. Il est crédité chaque année et son plafond est de 150 heures maximum, avec possibilité d’abondement, nous dites-vous ; à voir. Tout comme l’était le droit individuel à la formation, il est attaché à la personne, ce qui est une bonne chose, mais contrairement au DIF, dont chacun reconnaît qu’il n’a pas rencontré l’adhésion escomptée, le compte personnel ouvre un droit au salarié ou au demandeur d’emploi auquel l’employeur ou Pôle emploi ne peut s’opposer. Et contrairement au DIF, le salarié ou le demandeur d’emploi peut choisir sa formation dans une liste – ou plutôt trois listes ! – de formations qualifiantes ou certifiantes. Inutile de vous dire, monsieur le ministre, que nous avons beaucoup débattu de ces fameuses listes en commission. Nous ne sommes pas rassurés sur la méthode de leur élaboration ; nous y reviendrons au cours du débat.

De même, j’espère trouver réponse à mon interrogation sur l’articulation entre les dispositifs existant aujourd’hui et le compte personnel. Le salarié ou le demandeur d’emploi pourra-t-il continuer à bénéficier de ce que j’appelle l’offre de droit commun actuelle, sans avoir à activer son compte, faisant jouer la subsidiarité, ou devra-t-il activer son compte dès la première heure de formation ? La question n’est pas neutre. Nous sommes en effet plusieurs députés de la majorité et de l’opposition à considérer que les formations du socle commun de compétences ne devraient pas venir consommer les heures du compte personnel.

Nous sommes d’ailleurs très étonnés que ce compte soit le même pour tous, alors que vous vous fixez l’objectif, que nous partageons sur tous ces bancs, de privilégier les moins qualifiés. Mais sans doute nous donnerez-vous une explication.

S’agissant du conseil en évolution professionnelle, nous avons bien noté la liste des partenaires qui seraient habilités à le délivrer. Nous déplorons vivement que les maisons de l’emploi ne soient pas citées in extenso. Quand elles fonctionnent et donnent des résultats, elles sont pourtant des acteurs majeurs de l’accompagnement aux mutations économiques et de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences à l’échelle d’un territoire. Elles sont donc particulièrement bien placées pour effectuer ce conseil auprès des entreprises, des salariés et des demandeurs d’emploi, et ce malgré la division par deux de leurs budgets de fonctionnement en 2014 – plus 10 millions obtenus grâce à notre rapporteur Patrick Gille : merci ! Confirmer et conforter les maisons de l’emploi dans leur rôle de conseil en évolution professionnelle serait de nature à les rassurer car elles sont très inquiètes, et leurs salariés en tête, de l’avenir que vous leur réservez.

Compte personnel, conseil en évolution professionnelle, entretien dans l’entreprise tous les deux ans, cet ensemble de nouveaux dispositifs seront-ils de nature à donner de l’appétence pour s’inscrire en formation ? Car il ne faudrait pas le nier : s’il peut y avoir des chefs d’entreprise qui rechignent à accorder des formations à leurs salariés, il y a aussi des salariés qui n’ont aucune envie de partir en formation. Ils gardent un mauvais souvenir de l’école ou bien n’en voient tout simplement pas l’utilité, ni immédiate ni à venir. Il serait pour le moins injuste de pénaliser un chef d’entreprise dont un ou plusieurs salariés n’auraient pas souhaité activer leurs comptes personnels de formation pour des raisons qui leur appartiennent. C’est pourtant un risque dans les entreprises de plus de cinquante salariés, à en croire l’alinéa 51 de l’article 1er, que nous souhaitons revisiter.

Quant aux demandeurs d’emploi, il faut aussi reconnaître que certains commencent une formation, par exemple payée par Pôle emploi, parfois à des tarifs élevés, mais s’absentent ou abandonnent en cours de formation. Peut-être disposez-vous de statistiques dans ce domaine, monsieur le ministre, et peut-être vos services ont-ils analysé les motifs de ces démissions. Sans doute faudrait-il à cet égard se poser la question de l’adéquation des formations aux besoins réels des entreprises. Quelle est la meilleure façon de convaincre les demandeurs d’emploi de se positionner sur des métiers en tension ? Je vous rappelle le nombre impressionnant d’offres d’emploi non satisfaites. Que fait aujourd’hui le Gouvernement pour lever les freins à l’accession à ces métiers ?

De même, pourquoi ne pas avoir profité de ce texte pour revoir le système de délivrance des agréments attribués aux organismes de formation par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi ? Il semblerait que ce soit un jeu d’enfant d’être agréé formateur.

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