Intervention de Jean-Claude Fruteau

Séance en hémicycle du 18 février 2014 à 15h00
Droits de la france sur le plateau continental de saint-pierre-et-miquelon — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Fruteau :

En tant que président de la délégation aux outre-mer, j’ai le plaisir de soutenir aujourd’hui devant vous la proposition de résolution no 1727, déposée, à la suite d’une initiative de la délégation, le 23 janvier 2014 et appelant à la reconnaissance des droits légitimes de la France sur le plateau continental de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Cette proposition de résolution a recueilli la signature d’un peu plus de quarante parlementaires inscrits soit à la délégation, soit au groupe d’études sur les îles d’Amérique du Nord et Clipperton, présidé par Paul Giacobbi, que je salue ici. Ces parlementaires appartiennent à l’ensemble des groupes politiques représentés à l’Assemblée. Un tel consensus est très rare et mérite d’être souligné. L’accueil réservé à cette proposition de résolution, dont la rédaction, en pratique, doit beaucoup à Annick Girardin, députée de Saint-Pierre-et-Miquelon, que je salue ici également, marque l’importance de ce texte.

Comme vous le savez, longtemps la mer, à part les eaux territoriales, n’a pas relevé de la souveraineté des États. Jusqu’à la fin des années cinquante, alors que l’on appelait encore le droit international public le « droit des gens », jus gentium, c’est-à-dire en fait le droit des nations, la mer était res nullius, c’est-à-dire un espace n’appartenant à personne. Puis, à partir de 1958, avec la première codification du droit de la mer, et surtout à partir de 1982, avec la convention internationale de Montego Bay qui reconnaît les droits des États sur la zone économique exclusive et, ce qui nous concerne aujourd’hui, sur le plateau marin continental, la mer est devenue un espace réglementé.

Dans ce contexte, le plateau continental, bien plus que la zone économique exclusive, est devenu un objet de revendications de la part des États. En effet, si la zone économique exclusive fait surtout référence aux droits de pêche, le plateau continental représente l’accès, pour une nation, à d’éventuels gisements pétroliers ou encore la possibilité d’exploiter les nodules polymétalliques contenus dans les fonds marins. Le plateau continental est donc incontestablement un enjeu important pour les pays qui disposent d’une façade maritime.

Par application de l’article 76 de la convention de Montego Bay, une commission des limites du plateau continental est chargée, sous l’égide de l’ONU, de délimiter le plateau continental de chaque État qui en fait la demande. La France doit donc se tourner vers cette commission pour obtenir la reconnaissance de son plateau continental à partir de toutes ses côtes, y compris, naturellement, celles des départements et des collectivités d’outre-mer.

La procédure de délimitation ne va pas cependant sans soulever de difficultés. En effet, lorsque deux États ont des côtes très proches, les espaces susceptibles d’être attribués à chacun peuvent se chevaucher. Dans ce cas, il faut que les États trouvent un accord. À défaut, la commission, renonce à trancher. Le problème peut alors être réglé par un arbitrage international.

Cette situation de désaccord est bien celle que l’on constate aujourd’hui pour la délimitation du plateau marin continental de Saint-Pierre-et-Miquelon. La France a fait connaître à la commission, au cours de l’année 2009, qu’elle souhaitait délimiter la partie du plateau continental susceptible de lui revenir à partir des côtes de ce territoire. Mais le Canada vient de faire savoir officiellement, en déposant son propre dossier de revendication en décembre 2013, que Saint-Pierre-et-Miquelon n’avait pas vocation à avoir de véritable plateau continental. Selon le Canada, la collectivité territoriale doit se satisfaire d’une très petite bande maritime reconnue par un arbitrage international en 1992. On rappellera cependant que cet arbitrage, au demeurant désastreux pour nos droits de pêche, concernait la zone économique exclusive et non le plateau marin.

Quoi qu’il en soit, la France se devait de réagir à la déclaration du Canada. L’impulsion est venue du sommet de l’État puisque le Président de la République François Hollande a décidé, le 23 janvier dernier, que notre pays déposerait à son tour un dossier concernant le plateau marin continental à Saint-Pierre-et-Miquelon. Il convient naturellement de saluer ce geste qui appelle à la reconnaissance des droits légitimes de la France sur cette partie de l’océan Atlantique et d’apporter à cette démarche un soutien très fort. Tel est le sens de la proposition de résolution qui a été déposée, le même jour, à l’initiative de la délégation.

Je voudrais maintenant faire connaître la signification profonde donnée à cette résolution par la délégation aux outre-mer. Bien sûr, comme je l’ai indiqué plus haut, il y a l’idée que la souveraineté de la France doit être défendue. Il y a aussi le souhait de soutenir la revendication de nos compatriotes de Saint-Pierre-et-Miquelon. Il y a surtout notre volonté d’affirmer que ce dossier forme un tout pour les départements et les collectivités d’outre-mer. La démarche volontariste entreprise à Saint-Pierre et Miquelon doit être répétée pour chaque territoire ultramarin. Il faut délimiter chaque partie du plateau marin continental et faire en sorte que ce que nous obtiendrons pour Saint-Pierre-et-Miquelon soit transposable aux autres départements et collectivités d’outre-mer.

Cela veut dire qu’il convient d’être vigilant sur tous les autres dossiers de délimitation, par exemple ceux qui pourraient concerner la Guyane ou la Nouvelle-Calédonie. Cela veut dire également que la France doit être très ferme à l’égard des revendications de certains pays sur des îles qui lui appartiennent, même si ces îles sont peu ou pas du tout peuplées. Je pense à Tromelin, dans l’océan Indien, revendiqué par l’Île Maurice.

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