Intervention de Richard Ferrand

Séance en hémicycle du 18 février 2014 à 21h30
Travail : sous-traitance et lutte contre le dumping social et la concurrence déloyale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRichard Ferrand :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi à l’ordre du jour est au coeur de la réalité économique de nos entreprises et de l’enjeu de la préservation de l’emploi.

Des centaines de milliers de travailleurs détachés officiels en France en 2012, et sûrement plus encore : ce phénomène est devenu une composante à part entière de notre économie. Ils se concentrent sur un petit nombre de secteurs, 43 % d’entre eux dans le seul BTP. La proportion est donc loin d’être marginale, et les dégâts sont réels. Le détachement, et là est le drame, est devenu l’objet de filières qui s’organisent, parfois même sur un mode presque mafieux, au service de sordides trafics de main-d’oeuvre.

Face à cet état de délinquance et d’urgence, la quasi-totalité des acteurs économiques et sociaux nous soutiennent dans notre démarche.

Réguler, durcir, dissuader, renforcer, punir, l’unanimité s’exprime pour réclamer des mesures raides et rapides. Syndicats patronaux et syndicats de salariés, organisations professionnelles et inspecteurs du travail, élus et entreprises, tous sont favorables à un durcissement substantiel des règles et des contrôles qui encadrent le détachement.

Les artisans, les chefs d’entreprise de PME et de TPE subissent, souvent impuissants, les effets de la fameuse libre concurrence que vient fausser l’exploitation des travailleurs les plus humbles d’Europe. Les salariés et leurs syndicats se battent pour leurs emplois et leurs droits, mais ils se battent aussi pour les droits des travailleurs détachés abusivement, victimes de tricheries qui nuisent à tous. Enfin, chaque jour, ce sont des millions d’euros qui sont soustraits au financement de notre système solidaire, ce qui le fragilise un peu plus.

Au fond, cette proposition de loi inspirée par M. Savary et Mme Guittet est un pacte de responsabilité à elle seule. Aux entrepreneurs qui travaillent à la régulière, l’immense majorité, nous disons que respecter l’esprit et la lettre du droit protège davantage. Ce texte est un texte de lutte contre la délinquance économique et sociale, qui confortera les entrepreneurs honnêtes. Aux voyous, ceux qui ont abusivement recours au détachement, nous disons que le détachement n’est pas un moyen d’exploitation ni un outil d’optimisation de la compétitivité. Ici, les claires contreparties sont l’accès égal au marché, dans une compétition loyale, et la protection pour tous des règles sociales. C’est pourquoi les dispositions que nous voterons obéissent à un triptyque simple : dissuasion en amont, contrôles et vigilance lors de la prestation, sanctions en aval.

La vérité, en effet, c’est que, en sus du recours massif, qui peut rester parfois à la frontière du légal, la plupart des détachements sont tout simplement frauduleux : frauduleux parce que les règles ne sont pas respectées ; frauduleux parce que la directive est dévoyée par le recours à des montages scabreux, semblables aux montages fiscaux les plus tortueux ; frauduleux parce que les droits ne sont pas respectés : dépassement de la durée légale du travail, non-paiement des salaires et des heures supplémentaires, conditions d’hébergement indécentes ; frauduleux, enfin, lorsqu’il s’agit d’extorsions pures et simples, quand l’employeur détachant demande à ses salariés, lorsqu’ils reviennent dans l’État d’origine, de rendre tout ou partie de leur salaire, du coût du trajet ou du coût de l’hébergement, quand ce n’est pas les trois à la fois, et toujours sous la menace.

Bref, si la réglementation était effectivement respectée, le coût différentiel des cotisations sociales ne constituerait plus un avantage concurrentiel. Pour le dire simplement, les détacheurs ne rentreraient pas dans leurs frais et leur trafic ne vaudrait plus le coup.

Nuisible, le fléau du détachement abusif l’est aussi pour l’Europe elle-même. Le Gouvernement et le ministre Michel Sapin l’ont parfaitement compris, et c’est à ce titre que nous avons obtenu gain de cause lors du Conseil du 9 décembre, parce que le dumping social, incessante course au moins-disant social, est, avec l’obsession du moins-disant fiscal, une arme de destruction de nos solidarités collectives.

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