Intervention de Christophe Cavard

Séance en hémicycle du 18 février 2014 à 21h30
Travail : sous-traitance et lutte contre le dumping social et la concurrence déloyale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Cavard :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, cette proposition de loi s’inscrit dans un contexte national et européen particulièrement actif sur ce sujet ces derniers mois. Les parlementaires écologistes français et européen sont déterminés à lutter, avec le Gouvernement, contre le dumping social et le travail low cost, pour protéger les droits fondamentaux et les acquis sociaux, pour freiner les concurrences inéquitables entre salariés européens et pour bâtir une Europe sociale, comme Michel Piron vient de le dire. Notre engagement n’est pas de favoriser un protectionnisme national, ni de limiter les mobilités et la libre circulation des personnes, notre engagement vise un nivellement par le haut du droit des travailleurs européens, en matière de revenus et de protection sociale.

Parce que notre pays a su, dans son histoire, faire progresser plus que d’autres et plus vite que d’autres les droits sociaux fondamentaux, il doit aujourd’hui être un moteur pour que l’Europe se construise avec la volonté d’apporter de nouveaux droits à l’ensemble des citoyens européens et en protégeant ceux acquis de haute lutte. Nous anticipons, nous agissons et je veux saluer ici l’engagement du Gouvernement par l’intermédiaire du ministre du travail, Michel Sapin, mais surtout les parlementaires à l’initiative de cette loi qui précède une directive européenne tant attendue.

Nous avons voté une résolution en juillet dernier, qui faisait suite à deux rapports, celui fait au nom de la commission des affaires européennes en mai 2013 et celui fait au nom de la commission des affaires sociales en juin. Cette résolution européenne au sujet de « l’exécution de la directive sur le détachement de travailleurs » – notre résolution – est claire, explicite et déterminée. J’invite tous ceux qui nous regardaient depuis l’extérieur de cet hémicycle à en prendre connaissance pour bien comprendre le cap que nous nous sommes fixé ensemble et pour bien saisir le sens des lois qui en découleront. La résolution de notre assemblée est, de fait, la marque de notre volonté politique contre toute fatalité et contre le sentiment d’impuissance sur lequel se forgent malheureusement les populismes. Nous voulons que la puissance publique, nos institutions, la politique, la démocratie et les citoyens se mettent face à l’Europe ultralibérale et la contraignent désormais dans ses avancées.

Nous avons donc voté en faveur de l’instauration d’une agence européenne de contrôle du travail mobile en Europe ; de la création d’une carte du travailleur européen ; de la mise en place d’une liste noire d’entreprises et de prestataires de services indélicats ; de l’introduction d’un salaire minimum de référence. Cette résolution a conduit à l’ouverture d’un débat parlementaire dans cette assemblée en octobre puis à la présentation en conseil des ministres du plan de lutte contre le travail illégal et le détachement abusif. Elle a également été, le 2 décembre dernier, le point d’appui de discussions au cours desquelles les écologistes avaient rappelé la nécessité d’une harmonisation sociale et fiscale en Europe.

Le 2 décembre, nous appelions ensemble notre ministre du travail, Michel Sapin, à faire preuve de fermeté lors du Conseil des ministres européens du travail du 9 décembre. L’enjeu était – et il demeure – de parvenir à une directive européenne d’application visant à mieux encadrer le statut de travailleur détaché. Les discussions autour de cette directive ont en effet du mal à aboutir. Déposée le 21 mars 2012, elle devrait être examinée en première lecture au Parlement européen le 15 avril prochain. Deux ans et cinq débats au Conseil européen plus tard, les désaccords portaient encore, en octobre dernier, sur les fameux articles 9 et 12. Chacun – ministres européens, syndicats ou entreprises – s’accorde sur la nécessité de parvenir à un accord global dans les meilleurs délais afin de lutter contre un grand nombre de cas de fraude et d’abus dans plusieurs États membres et d’assurer une meilleure protection des droits des travailleurs détachés ainsi qu’une plus grande transparence des règles nationales pour les prestataires de services.

Le 9 décembre, le Conseil est parvenu à dégager une orientation générale, permettant ainsi d’entamer les négociations avec le Parlement européen en vue d’arriver à un accord en première lecture. Les eurodéputés écologistes ont salué l’implication de la France, en la personne de notre ministre du travail, pour parvenir à un compromis sur les deux points qui faisaient encore débat : les mesures nationales de contrôle – l’article 9 – et la responsabilité solidaire dans les chaînes de sous-traitance – l’article 12. La suite dans les prochains jours !

En attendant, et parallèlement à la progression des négociations européennes, nous adaptons notre code du travail de façon pragmatique et pointilleuse. Tel est l’objet de cette loi qui vise aujourd’hui à instaurer plusieurs mesures préventives et répressives pour lutter plus efficacement contre le dumping social, la concurrence déloyale et les abus de sous-traitance. Avec cette loi, nous anticipons la directive d’application et nous appliquons à nous-mêmes notre résolution européenne de juillet dernier. Cette loi a valeur d’exemple. D’abord, nous établissons le principe de responsabilité conjointe et solidaire d’une même chaîne de sous-traitance, dans tous les secteurs d’activité. Nous voulons ainsi accroître la responsabilité des entreprises donneuses d’ordre qui ont recours à des entreprises prestataires de services. Ensuite, nous voulons de meilleurs contrôles du respect des droits des salariés par les inspections du travail. Nous donnons aux inspections du travail un rôle central dans l’application de cette loi, sur lequel je vais revenir. Nous confortons également le rôle des syndicats de salariés en leur donnant de nouveaux moyens juridiques d’agir. Enfin, nous créons cette fameuse liste noire d’entreprises peu scrupuleuses, qui est un outil pour agir directement sur les entreprises et les prestataires indélicats. Dans le débat qui va suivre, et jusqu’au vote du texte la semaine prochaine, chacun appréciera et débattra le contenu des neuf articles de cette loi, que je ne détaille pas.

Au centre de cette loi, se trouvent les inspecteurs du travail. Sur ce même sujet, le 14 janvier dernier, le Parlement européen a en effet adopté une résolution appelant à des inspections du travail efficaces pour l’amélioration des conditions de travail en Europe et afin de lutter contre le dumping social. Les eurodéputés écologistes y avaient rappelé la nécessité de renforcer la coopération administrative des États européens en matière d’inspection du travail, par la création d’un corps européen d’inspecteurs du travail. Ces mêmes eurodéputés avaient par la suite fait écho en février aux inquiétudes des inspecteurs du travail français, tout comme les députés et sénateurs écologistes, dans le cadre du projet de loi sur la formation professionnelle, l’emploi et la démocratie sociale. Nous avons relayé ensemble les craintes exprimées face à une réorganisation qui remettrait en cause l’indépendance des inspecteurs du travail, condition nécessaire au bon exercice de leurs missions.

Nous devons les entendre aujourd’hui sur l’ambition française et européenne de créer un corps européen des inspecteurs du travail. Quelles sont leurs propositions et quelles sont nos propositions pour une meilleure coopération entre les inspecteurs du travail européens, absolument indispensable pour lutter contre le dumping social et le travail low cost ? Quels sont leurs besoins en formation, alors que les parlementaires européens les enjoignent d’améliorer leurs qualifications en la matière ? Beaucoup de rapports – cinq en France depuis six mois – à l’initiative de parlementaires français ou européens ont vu le jour pour insister sur le besoin d’harmonisation des normes sociales et fiscales en Europe, sur le temps de travail, sur la protection sociale et sur le revenu minimum. En l’absence de cette harmonisation, les salariés européens continueront d’être mis en concurrence, le nivellement continuera de se faire par le bas et les proxénètes de travailleurs low cost de prospérer sur le dos des salariés. Concrètement, nous devons avancer. Cela a déjà été dit, mais je le redis avec beaucoup de conviction : cette loi est un progrès dont nous nous félicitons. Mais nous devons également mettre en place les conditions d’un dialogue entre les acteurs chargés de sa mise en oeuvre.

Monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je vous remercie pour ce travail et pour ce texte qui est un acte important et permettra à l’Europe de se construire de mieux en mieux.

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