Intervention de Antoine Durrleman

Réunion du 13 février 2014 à 8h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes :

La légitimité de la participation des entreprises au financement de certaines prestations familiales découle de l'intérêt que les employeurs peuvent avoir à la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale. Cette question se pose en termes nouveaux du fait de l'évolution de notre société. Au fondement de la politique familiale mise en place – volontairement – par les entreprises, il y avait l'idée que le versement d'un sursalaire permettrait à la femme de rester au foyer : désormais, il s'agit de faire en sorte que la femme et l'homme puissent concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale, grâce, bien sûr, au système de prestations, mais surtout au développement de l'accueil de la petite enfance, politique continue et ambitieuse qui va connaître de nouveaux développements à la suite de la signature avec la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) de la convention d'objectifs et de gestion (COG) pour la période 2013-2017.

Assez paradoxalement, cette question ancienne revient à l'ordre du jour. Évidemment, les entreprises ont une vision différente, selon laquelle une politique publique universelle devrait être financée dans le cadre d'une redistribution générale, sans fiscalité affectée. Cependant, force est de constater que, dans certains cas, comme en matière de transport, il existe bien un lien direct entre un financement d'entreprise et une politique publique particulière. C'est pourquoi il nous est apparu légitime d'essayer de calculer, sur la base d'hypothèses que nous avons décrites clairement, ce que pourrait représenter le montant de cette contribution : entre 10 et 15 milliards d'euros.

Cette question n'est pas sans lien avec celle soulevée par le président Morange. Maintenir une participation des entreprises, même résiduelle, au financement de la politique familiale, est aussi un moyen d'asseoir la légitimité des partenaires sociaux dans la gouvernance de la branche famille – car l'avis du représentant de l'Union professionnelle artisanale (UPA), qui considère qu'un financement par d'autres sources n'empêcherait pas les partenaires sociaux de participer à la gouvernance des caisses, n'est guère partagé par les autres personnes que vous avez auditionnées.

La question de l'articulation entre le CICE et les allégements généraux de charges est majeure. Techniquement, les administrations ont fait en sorte que les deux dispositifs soient aussi bien ajustés que possible ; néanmoins, ils se superposent largement, sont d'une grande complexité et ont des temporalités différentes ; nous avions d'ailleurs exprimé à demi-mot le souhait que le dispositif du CICE soit réévalué le moment venu – et le plus tôt sera le mieux, car une fois que les habitudes sont prises, il n'est pas aisé de changer les dispositifs. Une réarticulation soulèverait déjà le problème de l'année de transition, puisque le CICE fait l'objet d'une montée en charge progressive sur trois ans et qu'un arrêt brutal du dispositif aurait des effets importants. En outre, il faudrait se poser la question du profilage de ce qu'il restera de cotisations sociales : celles-ci étant presque inexistantes pour les salaires voisins du SMIC dans les entreprises de moins de 20 salariés, c'est en montant dans l'échelle des salaires que l'effet des allégements jouera à plein. Quoi qu'il en soit, la complexité des dispositifs actuels est susceptible de fragiliser la protection sociale, et l'appel à la clarté que nous avions lancé l'an dernier reste d'actualité.

Le Haut Conseil du financement de la protection sociale a saisi à bras-le-corps le sujet ; il en est à l'analyse technique des deux dispositifs, sans exclure a priori aucun scénario.

Dans ces conditions, quid des contreparties ? D'abord, il convient de rappeler que les allégements de charges sociales sont soumis à des conditions, alors que le CICE ne fait l'objet que d'un contrôle par les comités de suivi. En cas de remise à plat des deux dispositifs, il serait logique de conserver les éléments de conditionnalité liés aux allégements de charges.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion