Intervention de Philippe Germa

Réunion du 18 février 2014 à 17h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Philippe Germa, directeur général de WWF France :

On ne peut parler d'énergie sans traiter en même temps des questions climatiques ou sociétales ; or vous êtes les garants de cette approche globale. Si les pays riches ne deviennent pas plus sobres en matière d'énergie, comment la Chine, le Brésil ou l'Afrique du Sud seront-ils incités à le devenir ? Pour l'heure, dans les conférences internationales, les Chinois ont beau jeu de souligner qu'ils arrivent au trente-cinquième rang pour la consommation d'énergie par habitant – ce qui ne les empêche pas d'être le premier pays émetteur de CO2, en raison de leur population. Nous devons montrer qu'il est possible de vivre bien et d'avoir une croissance positive en consommant moins d'énergie.

En tant qu'ancien banquier, je me suis intéressé au financement de la transition énergétique, notamment à celui du démantèlement des cinquante-huit réacteurs nucléaires français. Le rapport de la Cour des comptes est loin d'être encourageant sur le sujet. AREVA songe à employer l'argent provisionné pour le démantèlement à la construction de deux EPR en Angleterre, preuve que ces fonds ne sont pas sécurisés. Or nous en aurons besoin un jour et une centrale n'est pas une friche industrielle anodine, puisqu'elle est radioactive.

Il faut, selon nous, s'assurer que les provisions pour démantèlement soient réellement constituées à un juste niveau. Le fait qu'elles soient gérées par EDF ou par AREVA pose également problème : n'oublions pas que TEPCO, exploitant de la centrale de Fukushima, a déposé le bilan au lendemain de la catastrophe. Pour constituer un fonds, il suffirait de prélever une somme sur le prix de chaque kilowattheure et de sécuriser le capital auprès de la Caisse des dépôts. De nombreux parlementaires, certains membres du Gouvernement et l'actuel Président de la République ont soutenu en 2006 une proposition de loi allant dans ce sens, c'est-à-dire visant à financer une dépense dont on sait qu'elle sera inéluctable.

Je reconnais que nous, écologistes, n'avons jamais aimé le nucléaire, mais la question n'est pas là : il s'agit, non de renoncer à cette filière, mais de la fiabiliser. En outre, il n'y aurait rien d'absurde à consacrer à la transition énergétique les sommes qui s'investissent sur les marchés financiers ou qui dorment chez les « électriciens ». Nous l'avons suggéré dans une tribune adressée au Président de la République et aux parlementaires, qu'ont signée le président Jean-Paul Chanteguet ainsi que des députés de sensibilités aussi différentes que Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, M. Noël Mamère, M. Bertrand Pancher et M. Philippe Plisson. Je suis prêt à revenir vous en parler plus précisément, mais vous avez déjà une majorité en faveur de la loi ! (Sourires)

Pour financer la transition énergétique, nous pouvons également réduire très fortement notre consommation d'énergie. J'ai découvert chez Bouygues Énergies & Services, que le système Citybox permettait d'économiser 30 % sur l'éclairage public d'une ville et d'installer en outre des bornes pour les voitures électriques et de la vidéosurveillance. En dix ans, toutes les collectivités locales pourraient se doter de ce procédé si on leur en donnait les moyens avec le fonds que nous souhaitons voir constituer. M. Henri Proglio, président-directeur général d'EDF, ne semble pas prêt à les y aider, mais a-t-il intérêt à ce qu'elles consomment moins d'électricité ? (Sourires)

M. Laurent Fabius a rappelé ce matin que, lorsque la France a accepté d'accueillir la Conférence sur le climat, on lui a présenté, en même temps des félicitations et des condoléances, tant il paraît difficile de trouver un accord planétaire sur la lutte contre le changement climatique. Mais cet accord est pour nous indispensable et vous trouverez dans notre organisation une alliée pour faire en sorte qu'un protocole de Paris se substitue à celui de Kyoto. Aujourd'hui même, les cent pays membres de WWF sont réunis au Pérou pour préparer la Conférence de Lima et celle de Paris.

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