Intervention de Jean-Pierre Chevènement

Réunion du 18 décembre 2013 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Jean-Pierre Chevènement, représentant spécial pour la diplomatie économique avec la Russie :

Monsieur Baumel, environ 50 000 étudiants russes se forment à l'étranger chaque année. Un peu plus de 4 000 le font en France, contre 16 000 en Allemagne. Je me suis efforcé de libéraliser la politique de délivrance des visas, sans succès : les prérogatives des consuls sont sévèrement défendues. Les dossiers de visa pour études doivent désormais être déposés auprès d'une entreprise sous-traitante. La ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et moi-même demandons un assouplissement des critères, le taux de refus pour les étudiants russes ayant doublé en un an pour atteindre 34 %. Beaucoup d'étudiants russes suivent en France des cursus de lettres ou de sciences sociales. Il conviendrait d'en attirer davantage dans les écoles d'ingénieurs et les écoles de commerce, afin de nourrir les relations économiques franco-russes.

Je ne peux pas répondre, monsieur Lellouche, à la question très générale que vous m'avez posée sur notre diplomatie à l'égard de la Russie. En tous les cas, il ne me paraît guère opportun de compartimenter notre relation avec la Russie, en traitant dans des « corbeilles » distinctes les affaires économiques, les droits de l'homme et les crises internationales telles que la Syrie. Le facteur politique joue un rôle important sur l'ensemble de ces questions.

Monsieur Quentin, plus de 6 millions de Russes vivent dans l'Extrême-Orient russe. L'immigration chinoise dans cette région demeure limitée. La frontière russo-chinoise est très longue et donc difficile à contrôler. À terme, la question se posera en effet de savoir si la Russie parviendra à consolider son emprise relativement récente sur cette région – les villes de Khabarovsk et de Vladivostok ont été fondées dans la deuxième moitié du XIXe siècle. En tous les cas, le gouvernement russe y réalise des investissements – par exemple l'immense pont suspendu qui relie Vladivostok à l'île Rousski, dont les plans ont été réalisés par le cabinet d'études français Freyssinet – et souhaite participer au développement de cette partie de l'Asie : Chine, Japon, Corée du Sud.

Nous assistons à un certain réchauffement des relations entre la Russie et le Japon, mais ces deux pays n'abordent jamais entre eux les questions relatives à la Chine. Moscou ne veut pas se brouiller avec Pékin. La Russie et la Chine se font concurrence sur le plan économique en Asie centrale, bien plus qu'en Sibérie ou dans l'Extrême-Orient russe.

Je n'ai pas entendu parler du projet de chaîne de télévision que vous avez évoqué, madame Maréchal-Le Pen. En revanche, la radio Voix de la Russie souhaiterait émettre sur la bande FM à Paris, comme elle le fait à Londres et à Berlin. J'ai saisi la ministre de la culture de cette question. Mais la décision appartient en dernier ressort au Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Vous avez souligné avec raison, monsieur Bataille, qu'il y a aujourd'hui deux grandes puissances nucléaires dans le monde : la France et la Russie. Elles ont intérêt à coopérer, ne serait-ce que pour éviter l'émergence de concurrents sérieux, qui finira inévitablement par se produire. Actuellement, la Chine prévoit de construire une quarantaine de réacteurs. Pour leur part, les Russes sont présents dans une trentaine de projets non seulement dans leur propre pays, mais aussi en Inde, en Iran, en Slovaquie et en Chine. Le carnet de commandes est donc volumineux, et les Russes ont laissé entendre qu'il serait possible de conclure des accords de partage afin de répondre à la demande. Il est nécessaire d'intensifier les échanges entre Rosatom et les acteurs français du secteur nucléaire, notamment le CEA et AREVA, pour préparer l'avenir.

Monsieur Bacquet, j'ai rencontré une fois M. Ziouganov, il y a très longtemps. L'influence des communistes russes a décliné : ils obtiennent aujourd'hui environ 15 % des voix contre 25 % auparavant. Ils sont généralement soutenus par les couches pauvres de la population. Cependant, M. Poutine a relevé les pensions et les minima sociaux de manière assez substantielle. Russie unie a ainsi capté une partie de l'électorat communiste. Le parti communiste n'est pas une force politique d'avenir en Russie.

Madame la présidente, la Russie était auparavant le principal pays d'origine des enfants adoptés en France : 200 à 300 enfants russes étaient adoptés par des parents français chaque année. L'accord franco-russe relatif à la coopération dans le domaine de l'adoption est sur le point d'entrer en vigueur. Cependant, la Russie a une attitude très réservée sur la loi relative au « mariage pour tous » adoptée par la France. Celle-ci ne correspond guère à la sensibilité de la société russe. Je prévois donc que le traité connaîtra quelques difficultés d'application. La France devra sans doute donner des garanties pour permettre les adoptions. Je précise que la procréation médicalement assistée est autorisée en Russie.

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