Intervention de Dominique Orliac

Séance en hémicycle du 27 février 2014 à 9h30
Prise d'acte de rupture du contrat de travail par le salarié — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Orliac :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, tout contrat de travail peut prendre fin, c’est la vie. Si la rupture est à l’initiative de l’employeur, il s’agit d’un licenciement. La loi du 25 juin 2008 a instauré un autre mode de rupture, la séparation à l’amiable entre les parties appelée « rupture conventionnelle du contrat de travail », qui a connu depuis sa création un réel succès, car il permet au salarié de quitter l’entreprise sans heurt et de bénéficier de l’assurance chômage. Il évite également à l’employeur un litige, au prix de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, ce qui constitue pour lui un moindre mal. Environ 26 000 ruptures conventionnelles sont homologuées chaque mois. Ce chiffre élevé suscite certaines interrogations, d’autant qu’il concerne principalement des salariés âgés de cinquante-six ans et plus.

Le troisième mode de rupture du contrat de travail est à l’initiative du salarié. Il s’agit de la démission, sur laquelle il faut bien convenir que le code du travail ne s’est jamais véritablement penché, les articles L. 1237-1 et suivants du code du travail s’intéressant surtout à la démission abusive. C’est donc la jurisprudence qui a comblé le vide juridique en définissant la démission du salarié par la manifestation d’une volonté claire et non équivoque de quitter l’entreprise et l’exécution d’un préavis dans des conditions pas toujours très simples. C’est également la jurisprudence qui, en 2003, a défini le régime juridique de la prise d’acte de rupture par le salarié. Il s’agit d’une sorte de démission brusque en raison de faits reprochés à l’employeur qui impose de facto la saisine du conseil de prud’hommes.

Que demande le salarié au juge prud’homal ? Tout simplement de juger si la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d’une démission. Si le jugement en fait un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’employeur est condamné à payer des indemnités légales et une indemnité liée au préjudice pour licenciement abusif. Le salarié sera finalement et rétroactivement pris en charge au titre de l’assurance chômage. L’enjeu est énorme, pour le salarié plus encore que pour l’employeur. Une étude éclairante publiée par le DARES en mai 2013 montre que la démission est le mode de rupture le plus utilisé, bien davantage que le licenciement, qu’il soit économique ou pour des motifs personnels, ou que la rupture conventionnelle.

Ainsi, en 2012, plus de la moitié des salariés âgés de trente à quarante-neuf ans mettait fin au contrat de travail par une démission, le pourcentage s’élevant à 69 % pour les moins de trente ans ! De tels chiffres ne peuvent laisser la représentation nationale indifférente. Certes, on peut démissionner car on a trouvé un autre emploi plus intéressant ou mieux rémunéré, ou parce qu’on déménage. Mais on peut aussi démissionner parce qu’on n’en peut plus de la vie quotidienne au travail. Les conséquences de la démission peuvent être dramatiques pour un salarié dépourvu de solution alternative pour son avenir. Certaines démissions constituent la seule solution pour le salarié.

La situation au sein de son entreprise est devenue pour lui intolérable, inacceptable. Mais démissionner ainsi, prendre acte de la rupture, peut être aventureux dans les semaines et les mois qui suivent. En effet, Pôle emploi ne prend pas en charge au titre de l’assurance chômage la période postérieure à la rupture, l’interprétant comme une démission, même si le Conseil des prud’hommes a été saisi dans un délai bref. Et c’est là qu’intervient l’initiative de notre excellent collègue Thierry Braillard et du groupe des députés radicaux de gauche et apparentés à travers cette proposition de loi.

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