Intervention de Denys Robiliard

Séance en hémicycle du 27 février 2014 à 9h30
Prise d'acte de rupture du contrat de travail par le salarié — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenys Robiliard :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les orateurs qui m’ont précédé ayant déjà dit beaucoup de choses sur cette proposition de loi importante, mais consistant en un article unique, les autres intervenants auront sans doute un peu de mal à épuiser leur temps de parole…

Cela a été dit, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié est une institution prétorienne résultant de l’appréciation par la Cour de cassation de situations extrêmement concrètes se présentant en matière de droit du travail : il peut s’agir d’un salarié qui n’est plus payé, sans être pour autant licencié, d’un salarié qui, victime de harcèlement, doit quitter son entreprise et n’a pour cela le choix qu’entre la démission et la résiliation judiciaire. Cette procédure de résiliation judiciaire présente l’inconvénient de prendre beaucoup de temps, car c’est une décision qui ne peut intervenir qu’au fond – le juge des référés est doublement incompétent en la matière : à la fois pour prononcer la résiliation d’un contrat et en matière sociale.

Au fil des années, la Cour de cassation a construit, me semble-t-il, une institution équilibrée. J’aurai l’occasion de revenir sur ce point lorsque nous en viendrons à l’examen des amendements déposés par l’opposition, qui tendent justement à modifier l’équilibre de l’institution que j’ai évoquée. Actuellement, lorsqu’un salarié veut quitter son entreprise, il peut le faire de manière formalisée ou non. S’il opte pour la démission, dès lors que des éléments antérieurs ou contemporains de la rupture donnent à cette démission un caractère équivoque, elle peut être requalifiée – c’est le domaine de la prise d’acte. Parfois, la prise d’acte n’est pas du tout équivoque : je pense aux cas où le salarié indique par écrit à son employeur que son départ est dû à la faute de celui-ci, du fait qu’il n’a pas été payé, qu’il a été harcelé, ou encore que son contrat de travail a été unilatéralement modifié.

Dans de tels cas de « ruptures du troisième type » – pour reprendre une expression du conseiller Martinel –, le juge va ramener cette rupture à l’un des deux grands cas connus en droit du travail, à savoir le licenciement et la démission, la faisant ainsi rentrer dans le rang. Ceci fait, elle produira soit les effets d’une démission, soit ceux d’un licenciement. Il s’agit là d’une application spécifique au droit du travail de l’article 1184 du code civil qui prévoit d’une manière générale, en matière de contrats, la condition résolutoire et le siège de l’action en résiliation devant le juge. Il convient de préciser que la jurisprudence admet que la résiliation soit en quelque sorte prononcée de manière unilatérale, dès lors que les circonstances le justifient : c’est le cas en matière de droit civil et de droit commercial, mais aussi en matière de droit social, notamment sous cette déclinaison que constitue la notion de prise d’acte de la rupture, où l’on distingue, de façon classique, l’initiative de la rupture de son imputabilité.

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