Intervention de Jean-Louis Roumegas

Séance en hémicycle du 27 février 2014 à 9h30
Prise d'acte de rupture du contrat de travail par le salarié — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Roumegas :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, le texte présenté aujourd’hui par nos collègues du groupe RRDP est salutaire : nous l’abordons comme une volonté de clarification, de simplification – le terme a été employé – et de justice sociale, car c’est avant tout de cela qu’il s’agit.

Cette proposition de loi arrive en débat au moment où, dans ma circonscription – je me permets d’évoquer ici mon expérience personnelle, mais je pense que cela concerne nombre d’entre nous –, j’ai été confronté à ce type de cas.

Deux semaines avant que nous examinions ce texte en commission, une famille est venue me voir et m’a présenté le cas de son enfant qui, après n’avoir perçu aucun salaire pendant plusieurs mois, ce qui constitue de la part de l’employeur une faute grave, a suivi le conseil de la DIRECCTE, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, et demandé une prise d’acte de rupture de contrat. Après plusieurs mois sans percevoir de salaire, il a dû ensuite patienter plusieurs mois sans recevoir d’indemnité de chômage durant la procédure devant le tribunal, le conseil des prud’hommes s’étant déclaré incompétent. Seule la solidarité familiale lui a permis d’échapper à une faillite personnelle, puisqu’il avait des crédits à rembourser.

Si la majorité des alertes qui nous parviennent concernent la difficulté à entrer pleinement dans une activité professionnelle, il n’en demeure pas moins que de nombreux salariés vivent, ce qui correspond à une autre dimension de la crise sociale, une véritable souffrance au travail, un mal-être qui se concrétise souvent par un sentiment de désespoir voire d’abandon.

La pression, le stress, le chantage à l’emploi, les impasses jurisprudentielles que vous visez au travers de ce texte placent les salariés dans une situation de totale impuissance face à cette souffrance au travail.

La proposition de loi que vous présentez aujourd’hui, chers collègues du groupe RRDP, a donc le mérite de tenter d’apporter des réponses concrètes à tous ceux qui, déjà pénalisés par des conditions de travail insoutenables, prennent le risque, par un départ, de subir en outre l’absence d’indemnisation.

Cette proposition de loi va donc dans le bon sens, car elle envoie un signal aux salariés qui, malgré le comportement fautif de leur employeur, n’osent pas rompre leur contrat de travail de peur de se retrouver dans une situation de précarité du fait d’un défaut de prise en charge par Pôle emploi. C’est également un signal tout aussi salutaire en direction des employeurs indélicats qui multiplient les abus et ne répondent plus aux termes du contrat qui les lient à leurs salariés.

Dans cette perspective, et prenant acte des différentes jurisprudences ainsi que de l’absence de référence au sein du code du travail, il y a lieu de qualifier clairement la prise d’acte de rupture à l’initiative du salarié et de l’inscrire, comme le suggère ce texte, au sein du code du travail, notamment après l’article L. 1237-1. Le conseil de prud’hommes ainsi saisi, l’affaire sera portée devant le bureau de jugement qui statuera au fond dans un délai d’un mois.

Le groupe écologiste soutient et votera cette proposition et tient à saluer cette belle initiative portée par le groupe RRDP, qui doit être ici remercié.

Au-delà de cette initiative, nous engageons fermement M. le ministre du travail à préserver et à renforcer les conseils de prud’hommes. C’est un pilier fondamental de notre démocratie sociale, une instance qui a été bien trop souvent mise à mal ; on se souvient notamment de la cure d’amaigrissement drastique opérée par Mme Dati en 2008, par laquelle 60 conseils sur 271 avaient été supprimés, soit environ 25 % du total. Cela a eu pour conséquence le rallongement de la durée de traitement des affaires. Tous les rapports montrent que la durée moyenne est de quinze mois, avec des records atteignant vingt et un mois, voire trois ans dans certains tribunaux extrêmement engorgés.

Il y a lieu de rappeler que l’État français a été régulièrement condamné pour dysfonctionnement du service public de la justice. Nous formulons donc le voeu qu’en la matière le changement soit au rendez-vous.

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