Intervention de Gérard Cherpion

Séance en hémicycle du 27 février 2014 à 9h30
Prise d'acte de rupture du contrat de travail par le salarié — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Cherpion :

Pour autant, si cette procédure spéciale est prévue à l’article L. 1245-2 du code du travail, les cas de requalification sont, quant à eux, énumérés à l’article L. 1245-1. La tâche du conseiller prud’homal s’en trouve ainsi simplifiée, ce qui n’est pas le cas pour la procédure qui nous intéresse qui, je tiens à le souligner, porte sur des sujets bien plus divers et plus complexes.

La proposition de loi a pour objet de protéger le salarié ; je redoute qu’au contraire elle le précarise. Le délai particulièrement court d’un mois peut avoir l’effet de créer une aubaine pour les salariés et se révéler néfaste pour leurs intérêts. Le conseil de prud’hommes n’est pas une chambre d’enregistrement des griefs du salarié contre son employeur, et vice-versa, d’ailleurs. Cette procédure peut être lourde de conséquences.

Avec ce texte, l’instance prud’homale devra se prononcer par un jugement définitif sur le fond de l’affaire dans un délai extrêmement court. À titre purement comparatif, la procédure d’urgence de droit commun qui est celle des référés ne porte généralement pas sur le fond d’une affaire. Surtout, l’ordonnance qui est rendue a la particularité d’être provisoire dans l’attente d’un procès sur le fond. Je me permets de préciser par ailleurs que tout l’intérêt de la présente proposition de loi cessera lorsqu’une des parties interjettera appel.

Qu’en sera-t-il également du respect du principe du contradictoire et des droits de la défense ? Il va sans dire qu’ils seront largement réduits puisque les parties n’auront pas, dans le délai qui leur sera imparti, pleinement le loisir de rassembler leurs pièces et d’organiser leur stratégie.

Vous l’aurez compris, l’application de cette proposition de loi sera non seulement compliquée mais aussi peu raisonnable au regard de l’objectif constitutionnel de bonne administration de la justice. À cet égard, il est étonnant que, sous prétexte de protéger le salarié, le passage devant le bureau de conciliation soit supprimé au profit d’un renvoi direct devant le bureau de jugement. Pourtant, cette étape préliminaire est particulièrement importante non seulement pour l’information des parties, mais aussi et surtout pour la recherche d’une issue amiable au conflit qui pourrait s’avérer salutaire pour le salarié ; je vous renvoie à l’article L. 1411-1 du code du travail.

Tout cela intervient dans un contexte d’augmentation permanente du taux de chômage, monsieur le ministre. Les chiffres qui sont parus hier ne semblent en effet pas correspondre à ceux qui sont publiés par la DARES et que personne ne conteste, me semble-t-il. Ainsi, selon la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, il y aurait eu non pas 8 000 mais 13 000 chômeurs de plus entre le mois de décembre et le mois de janvier, 31 800 si on prend en compte l’ensemble des catégories.

Je l’ai dit à de nombreuses reprises, l’intention des auteurs est bonne, cependant, dans l’état actuel du fonctionnement de notre système judiciaire et des moyens mis à sa disposition, je redoute que ce texte soit concrètement inapplicable ; c’est la raison pour laquelle je m’abstiendrai.

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