Intervention de Colette Capdevielle

Séance en hémicycle du 27 février 2014 à 9h30
Procédures de révision et de réexamen d'une condamnation pénale définitive — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaColette Capdevielle :

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous évoquons aujourd’hui un sujet grave, douloureux et complexe dans lequel notre collègue Alain Tourret s’est engagé résolument, accompagné par notre collègue Georges Fenech. Au nom du groupe SRC, je vous félicite, monsieur le rapporteur, pour votre engagement total dans cette cause, pour votre force de conviction, pour la qualité de vos travaux, minutieux et très complets, et pour la pertinence des solutions que vous nous proposez.

Nous le savons, l’erreur judiciaire est une tragédie, un naufrage, c’est tout l’édifice judiciaire qui s’écroule. C’est gravissime tant pour le condamné, la ou les victimes que pour la société tout entière. C’est bien la force de notre justice contemporaine que de reconnaître, enfin, qu’elle n’est pas infaillible malgré toutes les précautions prises, qu’elles soient techniques, scientifiques, technologiques, visant le respect du contradictoire, le renforcement des droits de la défense ou encore l’exercice des voies de recours.

Toute la chaîne pénale peut, en toute bonne foi, plonger dans l’erreur, s’y enfermer, s’y enferrer, et avoir autant de mal à en sortir qu’elle a eu de facilité à y entrer. Il ne s’agit pas ici de faire, ou de refaire le procès des uns et des autres. On le sait, par sa nature même, la matière pénale est extrêmement sensible, et quels que soient les garde-fous les plus solides, l’erreur judiciaire est toujours possible.

La proposition de loi s’inscrit dans cette volonté partagée avec l’exécutif d’améliorer sans cesse notre système judiciaire, de le rendre plus abordable pour nos concitoyens et par conséquent plus efficace. À ce sujet, le législateur a ouvert tout doucement la brèche, restant toujours dans une position d’éternel équilibriste, à savoir gardien du principe intangible du respect de l’autorité de la chose jugée posé à l’article 6 du code de procédure pénale, et aussi ouvert à des recours qui doivent rester exceptionnels et strictement encadrés par la loi.

La pratique a démontré que les conditions du recours en révision sont aujourd’hui, hélas ! draconiennes, que le condamné doit en fait apporter sur un plateau, non la preuve de son innocence, mais la preuve de la culpabilité d’une tierce personne s’il veut obtenir la moindre chance de voir son dossier de nouveau ouvert. Vous avez conservé cet équilibre en maintenant les principes fondateurs de la procédure du recours en révision et de recours de condamnations pénales définitives et votre proposition de loi répond très judicieusement à tous les avis et critiques formulés depuis plusieurs années par tous les intervenants et observateurs.

Comme cela a été rappelé en commission, le dispositif qui nous est proposé n’est pas du tout destiné à ouvrir des contentieux de masse, pas plus qu’il ne peut être ouvert aux révisions in defavorem, comme vient de l’indiquer Mme la garde des sceaux. Il n’est pas question de contourner ici les grands principes fondateurs du droit pénal et de la procédure pénale française par un amendement de circonstance, pas plus que de créer un troisième degré de juridiction ou de laisser croire aux victimes à qui l’on rend encore un mauvais service face à l’émotion d’un fait divers qu’il existe toujours des acquittés douteux.

Ces amendements qui sont déposés par M. le député Fenech – amendements introduits d’ailleurs avec une certaine perfidie en commission – nuisent véritablement à l’économie de cette proposition et je dirai même à sa force juridique.

Permettez-moi de vous rappeler à ce sujet les dispositions de l’article 368 du code de procédure pénale, aux termes duquel « aucune personne acquittée légalement ne peut plus être reprise ou accusée à raison des mêmes faits, même sous une qualification différente ». C’est ce texte qui pose notre droit et, monsieur Fenech, après les explications très détaillées et convaincantes de Mme la garde des sceaux, je vous inviterai, au nom du groupe SRC, à retirer ces amendements.

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