Intervention de Cécile Untermaier

Séance en hémicycle du 27 février 2014 à 9h30
Procédures de révision et de réexamen d'une condamnation pénale définitive — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, la question de la révision et du réexamen d’une condamnation pénale définitive fait l’objet de la proposition de loi présentée par Alain Touret – dont je tiens à souligner la qualité du travail effectué avec le co-rapporteur – se trouve tiraillée entre deux nécessités contradictoires exposées à maintes reprises : le besoin de justice, qui suppose de pouvoir revenir sur une décision de justice définitive qui serait entachée d’une erreur de fait ou de droit de nature à en vicier le bien-fondé, et le maintien de la sécurité juridique.

D’un côté, le principe de sécurité juridique exige de ne pas bouleverser les décisions judiciaires, sauf à répondre à des critères très stricts définis par la loi. La confiance des justiciables tient en la stabilité des décisions judiciaires et en leur prévisibilité. L’apaisement social exige aussi de ne pas constamment rouvrir les plaies qui ont été douloureusement pansées. Les grandes affaires, les plus médiatiques, qui touchent l’opinion publique, méritent-elles d’être en sursis permanent ? Je ne le crois pas. La tranquillité publique exige d’accorder aux anciennes décisions judiciaires un caractère définitif afin de maintenir une certaine paix sociale.

Mais, d’un autre côté, il a été très tôt admis en droit interne que nonobstant le caractère définitif de la décision de justice, une personne condamnée pénalement ne pouvait se voir refuser la réouverture de son dossier, sous réserve de conditions identifiées et d’éléments nouveaux laissant supposer une erreur judiciaire. Qu’y a-t-il de pire qu’un innocent en prison ? Cette image de l’innocent condamné et enfermé est insupportable à la société. L’erreur judiciaire effraie, sa réalité est de nature à entraîner une perte de confiance et un manque de reconnaissance populaire de la justice. Mais l’absence de volonté ou l’incapacité de la justice à reconnaître une telle erreur serait pire encore.

L’autorité de chose jugée, aussi sacrée, aussi fondatrice de l’État de droit, aussi démocratique soit-elle ne doit pas conduire à une justice définitivement aveugle s’agissant d’une décision portant condamnation pénale. Le législateur, suivant en cela l’attente de la société, l’a finalement toujours admis et s’est efforcé dans les textes successifs de faciliter cette révision ou ce réexamen. C’est l’objectif que poursuit cette proposition de loi.

Pour autant, plusieurs affaires importantes telles que celle d’Omar Raddad en 2002 démontrent la difficulté réelle et actuelle d’obtenir la révision d’une condamnation. C’est pourquoi il convenait d’améliorer la procédure de révision et de réexamen des décisions de justice définitives. C’est précisément l’objet de cette proposition de loi qui pose de nouvelles conditions d’examen de la procédure de réouverture d’une décision de condamnation plus favorable à la personne qui serait injustement condamnée.

Parmi les nombreuses mesures, je souhaite souligner l’importance de celles qui figurent aux articles 1 et 2 de la proposition de loi, relatifs à la conservation des scellés dans les affaires criminelles définitivement jugées et à l’enregistrement sonore des débats en cour d’assise.

La destruction des scellés criminels six mois après la condamnation définitive, telle que prévue à l’article 41-4 du code de procédure pénale, prive prématurément de preuves utiles à la manifestation de la vérité. La prolongation à cinq ans renouvelables à la demande du condamné proposée dans le présent texte permet de mieux tenir compte de cette exigence de conservation de preuves judiciaires. Le délai de conservation des prélèvements biologiques allant jusqu’à quarante ans dans l’actuelle législation me paraît en revanche satisfaisant. Par ailleurs, la chancellerie, dans une réponse à une question écrite que j’avais posée à ce sujet en 2013, rappelait toutes les mesures prises pour l’enregistrement et le suivi de ces scellés. Vous avez, madame la ministre, exprimé ici même votre volonté d’affecter les crédits nécessaires à cette conservation, et je vous en remercie vivement.

La généralisation de l’enregistrement sonore des débats est également une belle avancée qui garantit une meilleure appréciation par le juge des éléments nouveaux au regard du procès ancien ainsi mémorisé.

S’agissant de la nouvelle juridiction mise en place, alors que seule la chambre criminelle intervenait auparavant – ce qui exigeait d’elle de se déjuger – la proposition de loi créée salutairement une Cour de révision et de réexamen dont la composition tient compte des critères actuels du procès équitable.

La réforme qui nous est soumise constitue donc une véritable avancée en matière d’impartialité et d’efficacité de la justice, dans le respect des principes fondamentaux du droit pénal et du droit international. La révision, qui reste exceptionnelle, ne peut être ouverte au détriment du condamné, protégeant ainsi la personne poursuivie de la menace constante d’être rejugée pour les mêmes faits. C’est ainsi aussi que la révision ne peut être ouverte aux décisions définitives d’acquittement. Abordé par la voie d’un amendement de circonstance du co-rapporteur dicté par un fait divers, un tel sujet ne peut prospérer sérieusement. Son retrait devrait être proposé par son auteur, ne serait-ce qu’en considération de l’éclairage inutile qu’il porte sur la discussion de ce texte, dont ce n’est pas l’objet.

La présente réforme, qui va faciliter la manifestation de la vérité et la lutte contre l’erreur judiciaire confirme ce faisant une justice remplissant son office ainsi modernisé avec beaucoup de modernité et de probité.

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