Intervention de Alain Tourret

Séance en hémicycle du 27 février 2014 à 15h00
Procédures de révision et de réexamen d'une condamnation pénale définitive — Article 2

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Tourret, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Grâce vous soit rendue, madame la garde des sceaux, d’avoir accepté, en donnant les moyens nécessaires au ministère de la justice, que l’on enregistre l’ensemble des débats des cours d’assises. Ce sera désormais une obligation, et ce sera un énorme progrès. En revanche, pour filmer, il faudra l’accord du président de la cour. Nous aurons ainsi des moyens de preuve incontestables, et nous servirons en outre l’histoire. Si nous avions disposé d’un enregistrement pour l’affaire Dominici, cela aurait été très précieux.

Je veux maintenant expliquer, pour que cela figure au compte rendu, pourquoi nous n’avons pas proposé de modifier la loi sur la motivation des arrêts de cour d’assises.

Nous souhaitions, Georges Fenech et moi-même, changer la loi. Elle date de 2011 et est entrée en application en 2012. Pour lui comme pour moi et pour tous ceux, je crois, que nous avons consultés, elle est insuffisante. Que l’on ne nous dise pas que les magistrats n’ont pas le temps ou que ce serait trop long : la loi de 2011 leur donne trois jours pour motiver. On ne me fera pas croire qu’avec toutes les décisions rendues préalablement à l’arrêt de la cour d’assises, ils ne peuvent pas motiver la leur en trois jours, alors même que des présidents et présidentes de cour d’assises nous ont expliqué que c’était parfaitement possible.

Néanmoins, nous avons consulté la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, et en particulier l’arrêt Agnelet et son avant-dernière motivation : selon la Cour, la réforme de 2011 peut être considérée « a priori » comme suffisante pour éviter à la France d’être condamnée.

À mon humble avis, cependant, madame la garde des sceaux, elle est insuffisante, et ce pour deux raisons. D’abord, il n’y a pas d’obligation de motiver le quantum. Or, être condamné à un an ferme ou à vingt ans ferme, ce n’est tout de même pas la même chose, surtout quand on a « pris » un an en première instance et vingt ans en appel, ou vice-versa. On a tout de même le droit de savoir pourquoi, et je pense que nous serons tôt ou tard condamnés par la Cour européenne sur ce point. Je ne suis pas persuadé, en outre, qu’une motivation sous forme de questionnaire à choix multiples, un peu comme ceux qu’ont à remplir les étudiants de première année de médecine, soit satisfaisante. L’accusé a le droit de savoir pourquoi il est condamné, et la victime de savoir pourquoi elle obtient telle ou telle indemnisation.

Ce travail de transparence est nécessaire, mais nous avons fait preuve de sagesse en considérant que les législateurs d’il y a deux ans n’étaient pas forcément plus ni moins intelligents que ceux de 2014, d’autant qu’il y avait parmi eux le président Urvoas.

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