Intervention de Jacques Audibert

Réunion du 5 février 2014 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Jacques Audibert, directeur général des affaires politiques et de sécurité du ministère des affaires étrangères :

Si Mme Ashton n'était pas allée à Kiev, on lui aurait reproché son inaction. Je travaille beaucoup avec Mme Ashton sur l'Iran : lorsque l'Union a une position claire, elle fait très bien son travail.

Nous sommes attentifs au sort réservé aux opposants non seulement à Kiev, mais aussi dans les autres régions d'Ukraine. Dans les manifestations se côtoient en effet des militants pro-européens, qui exigent la fin de la corruption et un mode de gouvernement normal, et des éléments d'extrême-droite incontrôlés, qui sont montrés du doigt par ceux qui souhaitent décrédibiliser l'opposition. Nous sommes bien conscients de ce problème. Mme Ashton essaie de l'aborder.

Monsieur Myard, nous n'avons jamais contesté que la crise ukrainienne était un problème interne. Mais elle s'est nouée à l'occasion d'un débat sur les modalités du rapprochement de l'Ukraine soit avec l'Union européenne, soit avec la Russie. Cela nous confère une responsabilité, que nous exerçons en incitant les Ukrainiens à trouver une solution politique. Le reproche d'ingérence devrait plutôt être adressé au pays voisin qui a mis 15 milliards de dollars sur la table !

Je vous rassure, monsieur Asensi : je ne suis nullement surpris que la Russie joue un rôle diplomatique. Vu son importance stratégique en Europe, nous tenons bien sûr compte de ses positions. Nous essayons d'ailleurs depuis plusieurs années de créer une structure de coopération européenne en matière de sécurité qui inclue la Russie. Si j'ai insisté sur l'importance du facteur russe, ce n'est en rien pour le dénoncer. Néanmoins, les valeurs que défend Moscou ne sont pas exactement les nôtres, comme vous pourrez le constater à l'occasion de la présidence russe du G8.

Quoi qu'il en soit, ces différences d'appréciation ne constituent pas un antagonisme. Nous avons même un dialogue d'autant plus intense que nous ne sommes pas d'accord sur tout. Nous ne nions nullement l'importance de la Russie et ne la rejetons en aucun cas. Il n'en reste pas moins que ses positions ne facilitent pas nécessairement la résolution des trois crises dont nous parlons.

Vous estimez, monsieur Janquin, que la Russie se doit d'inventer une solution pour la Syrie. Je ne demande pas mieux ! Mais M. Lavrov a une vision très légaliste : il y a un Président en place en Syrie ; la prochaine élection aura lieu à telle date ; si le Président sortant est réélu, il devra aller jusqu'au bout de son mandat. Pour la Russie, la solution est toute trouvée : elle encourage le processus politique en co-parrainant les discussions de Genève 2 avec M. Kerry ; si elles n'aboutissent pas, M. al-Assad sera réélu – c'est bien là le risque – dans la partie du pays où l'élection pourra être organisée. Si la population ne peut pas voter partout, la faute en reviendra aux rebelles, qui sont des « terroristes ». Car, aux yeux de Moscou, la crise syrienne est avant tout un problème de terrorisme. Peut-être la Russie estime-t-elle qu'il est de sa responsabilité de trouver une solution, mais pas selon nos paramètres.

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