Intervention de Francis Vercamer

Réunion du 9 avril 2014 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrancis Vercamer :

Ce projet de loi arrive à l'Assemblée après un long chemin dont j'ai pu mesurer le parcours, ainsi que les premières avancées, puisque les travaux d'élaboration de ce texte ont commencé après que j'ai rendu, au Premier ministre de l'époque, en avril 2010, un rapport sur les moyens de développement de l'ESS.

Toutes les familles de l'ESS, tous les acteurs, qui s'étaient retrouvés et avaient été très largement consultés dans le cadre de l'élaboration de ce rapport, ont ensuite travaillé au sein du Conseil supérieur de l'économie sociale et solidaire, pour bâtir ce qui était alors l'ambition d'une loi-cadre de reconnaissance et de développement de l'ESS.

Ce projet est un texte que j'avais recommandé, de même que j'avais souhaité qu'un service spécifique de Bercy prenne en charge les enjeux de ce secteur.

C'est ce texte dont nous commençons l'examen aujourd'hui, après le Sénat. Je le dis sincèrement : c'est un texte d'importance, parce qu'il se fait l'écho de la place occupée par l'économie sociale et solidaire dans notre économie ; il donne – enfin – une définition de l'ESS ; il tient compte des évolutions de ce secteur, notamment de la place des entreprises sociales ; enfin, il ouvre un vrai champ de prérogatives à l'innovation sociale.

Ainsi, ce texte essaie de redonner du sens à notre économie.

Je veux toutefois formuler deux réserves et une interrogation en forme d'appel à la vigilance.

L'un des angles d'approche du rapport que j'avais rédigé il y a quatre ans consistait à ne pas opposer économie sociale et solidaire, d'un côté, et économie « classique » de l'autre. En effet, l'une et l'autre ont à gagner de leur coexistence et de leur enrichissement mutuel au sein de notre système économique. En outre, si nous souhaitons que l'ESS diffuse ses valeurs et pratiques plus largement dans notre société, il est souhaitable d'éviter les occasions d'affrontements entre les acteurs de ces deux modes d'entreprendre.

Or, c'est un risque qui est pris aujourd'hui avec un texte qui, de la loi-cadre envisagée initialement, est devenu un texte fourni, au point parfois d'en devenir fourre-tout. J'en veux pour preuve les dispositions sur l'information des salariés dans le cadre d'une reprise d'entreprise, qui selon moi n'ont rien à voir avec ce texte.

Autant je pense que nous sommes confrontés à un vrai sujet, à savoir la disparition, faute de repreneurs, d'entreprises saines qui ont un potentiel d'activité et de développement, et pour lesquelles la reprise par leurs salariés est une voie possible de pérennité, autant je pense que les mesures prévues aux articles 11 et 12 n'ont pas leur place dans ce projet de loi.

Dans mon rapport, j'avais évoqué la création d'une SCOP pour la reprise d'entreprise. Le texte prévoit une information, un droit des salariés, ce qui risque de fragiliser le processus de cession et donc de faire « capoter » la reprise.

En outre, cette mesure brouille le message de ce projet de loi consacré à l'ESS.

Par ailleurs, le texte définit le périmètre de l'ESS. C'est un préalable indispensable pour déterminer avec précision la diversité des acteurs potentiellement concernés par les dispositions.

Mais il s'agit aussi, avec l'article 1er, d'inclure tous les acteurs de l'ESS, quels que soient leurs statuts, des acteurs traditionnels – coopératives, associations, fondations, mutuelles – aux acteurs plus récents, avec les entreprises sociales.

Néanmoins, on mesure encore une fois la difficulté à établir une définition exhaustive du périmètre de l'ESS, dès lors qu'en sont exclus des acteurs qui s'en réclament, en particulier les entreprises de services à la personne.

Enfin, j'aimerais être sûr que le projet de loi répond bien au besoin de stabilité financière que manifestent régulièrement les associations.

Cela est vrai pour les petites associations, mais également pour les associations plus structurées qui gèrent des établissements sociaux ou médico-sociaux, et qui ont besoin d'une stabilité, d'une visibilité de leurs ressources pour se projeter dans l'avenir, ce que ne permet pas nécessairement le principe d'annualité budgétaire.

On a pu évoquer par le passé des mécanismes de contractualisation des financements pour éviter cet écueil de l'instabilité du contexte financier. Dans ce projet de loi, je ne vois pas de mesure tendant à répondre à cette préoccupation.

En conclusion, le groupe UDI émet un avis favorable sur ce texte, dans l'attente – comme le fait le groupe UMP – des conclusions des autres commissions.

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