Intervention de Christian Delom

Réunion du 9 avril 2014 à 9h30
Commission des affaires économiques

Christian Delom, directeur de la stratégie, de l'observation et des nouvelles technologies d'Atout France :

Plus largement encore, nous nous comparons avec des destinations « monomarques ». Or la France regroupe 150 « marques » internationales, dont une cinquantaine sont universellement connues, et la « marque France » n'est pas obligatoirement la plus forte : Paris, Courchevel, Saint-Tropez, Bordeaux ou la Bretagne le sont bien davantage. Toute réflexion sur notre compétitivité en matière touristique doit être une réflexion sur l'ensemble de ces marques.

Le tourisme a connu une évolution marquée. Dans les années 1950, quelque 25 millions de touristes franchissaient une frontière internationale. Ils étaient 500 millions dans les années 1990, la barre du milliard a été franchie en 2012 et, selon les projections de l'Organisation mondiale du tourisme (OMT), ils seront vraisemblablement 1,8 milliard en 2030. Dans les années 1950, les dix premières destinations mondiales captaient 90 % du tourisme international ; elles n'en captent plus que 44 %. C'est dire que, sur tous les continents, d'autres destinations sont venues concurrencer en masse notre offre touristique ; des voyageurs plus nombreux se rendent dans un plus grand nombre de pays.

C'est dans ce contexte que la France, quatrième destination touristique mondiale dans les années 1950, a conquis sa première place en arrivées de touristes internationaux dans les années 1990, rang qu'elle conserve à ce jour. Toutefois, la part des cinq premières destinations touristiques mondiales est passée depuis lors de 71 à 30 %, signalant l'aiguisement de la compétition. Si l'Europe conserve son attrait et capte environ 50 % du tourisme international, elle perd des parts de marché – plus que ne le fait la France, ce qui est d'une certaine manière réconfortant. Il n'empêche : nous avons perdu 3 points de part de marché entre les années 1990 et 2012 et nous devons les reconquérir. L'objectif fixé au cours des Assises nationales du tourisme est que la France retrouve la première place en Europe pour ce qui est de l'excédent du solde du poste « voyages » de la balance des paiements. Cela implique de faire principalement porter l'effort sur l'amélioration des recettes.

Pour ce qui est des touristes internationaux, nous sommes talonnés par la Chine. En effet, si de nouvelles clientèles se créent, les pays d'origine se structurent pour les capter. Ainsi le Gouvernement chinois a-t-il défini une politique touristique à double effet, visant à retenir les touristes chinois sur leur sol et à attirer des touristes internationaux en améliorant l'offre touristique.

Plusieurs facteurs expliquent que nos recettes touristiques soient moindres que ce que nous souhaiterions. Le premier est la situation centrale de la France en Europe occidentale, qui en fait un pays de transit pour 17 millions de voyageurs. Nous ne devons pas nous en désintéresser, car même si leur passage ne se traduit que par une nuitée et un repas, ils laissent une trace économique non négligeable. Ensuite, le tourisme urbain pèse d'un poids croissant dans la structure de notre offre, ce qui se traduit par des séjours multiples mais courts. Faute de statistiques ad hoc, on ne sait pas précisément ce que fait un même groupe familial qui, s'il est venu plusieurs fois, peut avoir laissé une trace économique supérieure à ce que l'on imagine.

Depuis 2010, les recettes touristiques en France ont connu une croissance de 14 %, plus dynamique que dans d'autres pays européens – elles ont augmenté de 12 % au Royaume-Uni, de 10 % en Allemagne et de 6 % en Espagne et en Italie. En d'autres termes, notre performance en matière de recettes a augmenté, mais notre faiblesse tient à ce que notre recette unitaire est loin de celle de nos concurrents européens. Dans les années 2000, selon les statistiques établies par l'OMT, elle était de 427 dollars en France pour près de 1 000 dollars en Allemagne et 640 dollars en Espagne. Depuis lors, nous avons un peu amélioré notre performance, avec une recette par arrivée de 645 dollars en 2012, pour 1 200 dollars dépensés en Allemagne et presque 1 000 dollars en Espagne. La différence avec l'Allemagne s'explique par le poids, là-bas, du tourisme d'affaires – un segment du marché qui rapporte de deux à trois fois plus que le tourisme de loisirs et que nous ne devons pas négliger, puisqu'il représente 43 % de notre performance. Et si le tourisme espagnol « surperforme », c'est que même si les villes de Barcelone, Madrid et Séville attirent un nombre croissant de voyageurs, l'Espagne est plutôt demeuré un pays de tourisme de vacances et donc de long séjour, d'autant que les touristes, parce qu'ils arrivent pour moitié par avion, rentabilisent ainsi leur voyage.

Les chiffres encore provisoires dont nous disposons pour 2013 confirment que la croissance de la fréquentation touristique de notre pays est due aux voyageurs en provenance des pays émergents, et cette augmentation se renforce. Ainsi, pour ce qui est des arrivées hôtelières, la progression du nombre de touristes chinois a été de 50 %, celle des voyageurs venant d'Amérique latine de 9 %, et de 8 % pour les Russes. Mais l'on note aussi une très forte - 15 % - augmentation du nombre de touristes venus des États-Unis ; et en 2013 pour la première fois, la France a été leur première destination, avant le Royaume-Uni.

La compétitivité touristique de la France demeure donc forte, mais nous devons conserver nos parts de marché, notamment pour ce qui concerne notre clientèle de proximité. Aujourd'hui, les touristes britanniques, belges, néerlandais et allemands représentent 50 % de la fréquentation touristique internationale en France et 50 % aussi de nos recettes touristiques internationales. Il nous faut préserver ces parts de ce marché au volume important. Nous devons par ailleurs profiter de la croissance des BRIC – Brésil, Russie, Inde, Chine – mais aussi des marchés émergents d'Asie du Sud-Est, l'Indonésie notamment. Il y a là une forte croissance potentielle pour le secteur du tourisme français.

En résumé, nous devons préserver et accroître notre compétitivité. Des possibilités de croissance existent en proposant une offre par marques, segmentée et offensive. Nous capterons la clientèle en structurant nos marques de destination – d'évidence, Rhône-Alpes est davantage en prise avec la Suisse que le Languedoc-Roussillon, plus en prise avec la Catalogne.

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