Intervention de Aline Mesples

Réunion du 15 janvier 2014 à 17h15
Mission d'information sur l'écotaxe poids lourds

Aline Mesples, présidente de l'OTRE :

La grande différence entre la France et l'Allemagne, c'est que cette dernière a « écotaxé » les routes correspondant à notre réseau autoroutier concédé. Si, en France, les transporteurs sont de plus en plus contraints d'utiliser le réseau autoroutier et donc d'assumer le coût des péages, l'argent qu'ils versent ne vient malheureusement pas abonder le budget de l'État ; il est empoché par des sociétés d'autoroute privées. Le transport routier de marchandises paie déjà pour circuler sur le réseau autoroutier et il lui est maintenant demandé de payer aussi sur les réseaux national et départemental. En d'autres termes, si les coûts kilométriques allemand et français sont presque identiques actuellement, la France est en train d'étendre la liste des routes sur lesquelles le transport routier de marchandises devra payer sa circulation, alors même que les Allemands n'ont installé de péages publics que sur le réseau autoroutier. L'enjeu commercial et l'acceptabilité du système pour le transport routier sont donc tout à fait différents en France et en Allemagne. Il est vrai, par ailleurs, que l'Allemagne a consacré des fonds de soutien à la modernisation de sa flotte lors de l'instauration de sa taxation, ce qui a permis aux transporteurs allemands d'investir dans des véhicules plus propres. En France, en revanche, l'investissement de 10 000 à 12 000 euros qui est nécessaire pour avoir un véhicule conforme à la norme Euro 6 ne peut même pas être compensé par la différence de taxation entre ce type de véhicule et ceux de type Euro 5.

Voilà pourquoi nous proposons de nationaliser les autoroutes. Sachant que l'on a perdu 40 milliards d'euros de recettes depuis leur privatisation, même si le transport routier paie un milliard d'euros par an, il lui faudra quarante ans pour combler le déficit ! L'idée sous-jacente à nos propositions est la suivante : le secteur du transport routier n'a pas les moyens d'apporter au budget de l'État le milliard qui lui est nécessaire. La concurrence déloyale qui sévit sur notre territoire permettra en effet aux chargeurs d'éviter de faire appel aux transporteurs français et de recourir aux véhicules légers ou de faire du cabotage illégal. En effet, l'écotaxe poids lourds ne représente rien dans la balance d'un transporteur étranger circulant avec du personnel rémunéré 400 à 500 euros par mois, et dont les coûts de personnel se situent au maximum à 1000 euros par mois. Par contre, les 5,5 % de taxation supplémentaire sont inacceptables pour un transporteur français dont les coûts de personnel se situent entre 3 000 et 3 500 euros par mois, charges comprises. C'est essentiellement le social qui fera toute la différence : un chargeur aura en effet tout intérêt à faire appel à des véhicules légers roulant sept jours sur sept à 120 kmheure sans compter les heures de route de leur chauffeur – dont les frais sont de surcroît remboursés a minima –, plutôt que de faire appel à des transporteurs poids lourds français.

Pour répondre au besoin de financement de nos infrastructures routières, nous proposons d'instituer une taxation qui puisse se diffuser sur plusieurs secteurs et qui ne repose pas sur le seul transport routier.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion