Intervention de Claudy Lebreton

Réunion du 22 janvier 2014 à 11h30
Mission d'information sur l'écotaxe poids lourds

Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France, ADF :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je vous remercie de m'avoir convié à cette audition au titre de l'Assemblée des départements de France. Comme vous avez pu le remarquer, je ne suis pas venu coiffé d'un bonnet rouge, ce qui est un signe positif s'agissant du président du conseil général des Côtes-d'Armor !

Au cours des travaux des Grenelle 1 et 2, les départements ont adhéré à la quasi-unanimité à cette idée d'écotaxe. Nous avons à gérer 380 000 kilomètres de routes départementales, avec un trafic très variable d'un département à l'autre comme à l'intérieur de chaque département. Entre 2004 et 2007, en application de la loi de décentralisation portée par M. Jean-Pierre Raffarin, le Premier ministre de l'époque, plus de 12 000 kilomètres des 30 000 kilomètres du réseau routier national ont été transférés aux départements.

Notre réseau routier départemental mobilise des moyens financiers conséquents. Ainsi, avant 2008 et la crise financière, ceux-ci atteignaient près de 4,5 milliards d'euros, sur les 17 milliards consacrés par les départements aux investissements, pour l'entretien du réseau départemental et les grandes infrastructures – je vise plus particulièrement les travaux neufs pour la mise à 2x2 voies ou l'aménagement de rocades autour des agglomérations. Les départements ont donc été très sensibles aux débats des Grenelle, dans la mesure où ils espéraient un retour financier sur leur propre investissement, lequel n'était accompagné jusqu'alors, directement ou indirectement, que par la dotation de fonctionnement qui leur était attribuée.

J'ajoute qu'entre 2008 et 2011, dans l'ensemble des départements de France, les investissements routiers ont diminué de 22 %, pour s'établir aujourd'hui à 3,2 milliards d'euros. Et cette baisse drastique a affecté davantage les investissements en travaux neufs que les investissements d'entretien.

Enfin, depuis de nombreuses années, dans le cadre des contrats de projets État-région successifs, les départements participent à l'amélioration du réseau routier national. Il avait pourtant été prévu, dans les lois de décentralisation, que l'État financerait son propre réseau à 100 %, tandis que les départements se préoccuperaient du leur. Mais il n'en a rien été. Quels que soient les gouvernements qui se sont succédé depuis, les intercommunalités, les départements, et même les régions sont fréquemment sollicités.

Ainsi les départements ont-ils adhéré au principe de l'écotaxe qui leur assurerait, en retour, des subsides, au moins pour financer les grandes infrastructures. Nous savons que sur le produit attendu de l'écotaxe, à savoir 1,24 milliard d'euros en 2014, 138 millions d'euros, soit 11 %, auraient été transférés aux budgets départementaux. À l'origine, aucune participation financière directe n'était prévue pour les départements. C'est un amendement soutenu par des parlementaires « bienveillants » à la demande de l'ADF, et auquel le Gouvernement s'est montré favorable, qui a prévu de distraire une partie de l'écotaxe au bénéfice des départements. Au regard du nombre de départements, la somme est d'ailleurs modeste – je précise que 62 départements sont concernés par la taxe poids lourds.

Monsieur le président, vous m'avez interrogé sur le déroulement des négociations entre le ministère – M. Borloo à l'époque – et l'ADF – représentée notamment par M. Yves Krattinger, sénateur et président du conseil général de Haute-Saône. Nous avions proposé que 9 000 kilomètres de routes départementales soient soumis à l'écotaxe alors que l'État, dans un premier temps, s'était fixé un objectif de 2 000 kilomètres. Et nous sommes parvenus à un compromis : 5 400 kilomètres. La volonté de progresser pour définir les axes départementaux éligibles à la mise en oeuvre de cette taxe poids lourds était en effet partagée. Une des raisons de notre adhésion était qu'en vertu d'une clause de revoyure, un nouveau décret pourrait aller un peu plus loin, après évaluation : on vérifierait si les axes qui avaient été retenus au moment de la discussion avec le Gouvernement remplissaient bien les conditions fixées et si d'autres, qui ne l'avaient pas été, pourraient être rendus éligibles. À ce propos, si ma mémoire est bonne, en Bretagne, le réseau départemental n'est pas du tout concerné.

J'observe qu'au niveau local, la discussion s'est déroulée de façon très diverse. Parfois c'est le préfet de région qui a conduit la négociation avec les départements du territoire régional, mais dans d'autres cas la négociation a été menée au niveau du préfet de département. Quant aux propositions faites par les présidents de conseil général et leur assemblée, elles ont parfois été entendues, parfois pas du tout.

Un partenariat existe aujourd'hui entre l'Assemblée des départements de France et la Fédération nationale des travaux publics, qui s'intéresse bien évidemment aux donneurs d'ordre que sont les départements. De nombreuses entreprises de ce secteur font en effet 50 % de leur chiffre d'affaires avec les collectivités territoriales, et donc avec les départements, notamment sur le réseau routier.

Pour terminer, je tiens à dire que les collectivités territoriales ont exprimé leur mécontentement lorsque le Gouvernement a mis en place la mission dirigée par M. Philippe Duron, composée d'inspecteurs de l'administration et des finances et de représentants du Parlement. Une délégation de l'ADF, à laquelle participaient M. Krattinger et M. Bussereau, a alors exprimé vertement sa réprobation à M. Cuvillier. En effet, nous ne comprenions pas que les financeurs des grandes infrastructures, qui sont à plus de 50 % des collectivités territoriales, ne soient pas représentés dans cette mission. Nous avons ensuite été entendus et invités à plusieurs reprises, mais c'était là un véritable manque de considération, alors même qu'une grande partie de l'écotaxe devait alimenter l'Agence de financement des infrastructures de transport en France (AFITF).

Je suis maintenant prêt à répondre aux interrogations des uns et des autres. J'ai remarqué que de nombreux parlementaires bretons, de toutes sensibilités, participaient à cette Mission d'information sur l'écotaxe, et j'imagine qu'ils portent un grand intérêt au sujet. Par ailleurs, je sais que cette audition est publique et doit être très suivie par certains journaux. Je précise donc que je parle ici comme président de l'Assemblée des départements de France. Pour autant, si vous me le demandez, je vous donnerai le point de vue du président du conseil général des Côtes d'Armor…

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