Intervention de Jean-Jacques Bridey

Réunion du 31 octobre 2012 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Bridey, Rapporteur pour avis :

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2013 intervient dans un contexte particulier avec la rédaction d'un nouveau Livre blanc et la perspective d'une nouvelle loi de programmation militaire à la fin du premier semestre 2013.

Le PLF pour 2013 est un budget de transition qui s'inscrit dans la continuité de l'exercice 2012. En engagement, le projet de budget est prudent : certains programmes sont réduits ou décalés afin de ne pas préjuger des arbitrages capacitaires qui découleront du nouveau Livre blanc. En crédits de paiement, les commandes seront honorées. Concrètement, le projet de budget affiche une certaine stabilité des crédits de paiement entre 2012 et 2013, tandis que le niveau d'engagement diminue, passant de 11,8 milliards d'euros à près de 10 milliards.

Sur le plan des autorisations d'engagement, des reports de commandes sont intervenus en 2012 et ont également été décidés pour 2013. J'insiste : le Gouvernement a décidé de décaler des commandes et non de les annuler. Dans l'ensemble, ce sont près de 4,5 milliards d'euros de commandes qui auront été décalées au cours de l'ensemble de la programmation.

S'agissant des crédits de paiement, le PLF pour 2013 s'inscrira dans la continuité de l'effort marqué de la Nation pour financer les acquisitions, mais à un niveau moindre que celui inscrit en programmation. En additionnant les exercices 2011, 2012 et 2013, l'écart cumulé entre les crédits de paiement exécuté s'élève à près de 3,7 milliards d'euros.

De ce point de vue, nous sommes bien face à un budget de transition qui poursuit les orientations adoptées au cours des derniers exercices et honore l'essentiel des engagements antérieurs.

La programmation a été compliquée par la difficulté à percevoir les ressources exceptionnelles issues des cessions de fréquences, ainsi que par certaines projections optimistes. Je pense notamment à l'anticipation d'une exportation du Rafale. Comme vous le savez, l'État s'est engagé à assurer une cadence minimale de production de 11 appareils chaque année. La non-réalisation de contrats exports nous a contraints non pas à en commander davantage, mais à revoir le calendrier de nos commandes, en avançant certaines acquisitions que la programmation avait repoussées. Par ailleurs, des difficultés imprévues sont apparues, tel le retard de l'A400M qui a nécessité des mesures palliatives coûteuses.

Au final, nous constatons que la programmation 2009-2014 était très certainement ambitieuse. La crise budgétaire a révélé qu'elle n'était pas tenable au regard de ce que sont nos ressources réelles. Je souhaite donc que le nouveau Livre blanc fixe des ambitions réalistes.

Je me réjouis de la sanctuarisation de notre dissuasion nucléaire. Sa modernisation se poursuit. Les crédits qui lui sont affectés évoluent fortement chaque année en fonction des investissements qu'elle nécessite. Le niveau de consommation des crédits était relativement contenu jusqu'à présent et devrait s'établir à près de 3,5 milliards d'euros au cours des prochaines années. Sur le plan technique, nos capacités de simulation sont certainement les meilleures au monde : capacités de calculs, simulation laser, radiographie. Les retombées technologiques de ces programmes sont considérables. Les investissements bénéficient quasi exclusivement à nos industriels et alimentent un secteur dual dans lequel nous sommes aujourd'hui en tête de peloton.

Je rappelle que notre dissuasion repose sur deux composantes, toutes deux essentielles avec des capacités maintenues à leur stricte suffisance. Nous devons garder à l'esprit tout l'intérêt de disposer d'une composante aéroportée : elle est souple d'emploi, réversible et permet au Président de la République de disposer d'un maximum d'outils diplomatiques et militaires pour sauvegarder nos intérêts vitaux. J'ajouterai que sa suppression ne permettrait d'économiser qu'entre 50 et 100 millions d'euros selon les années alors même que sa modernisation est réalisée : il s'agirait d'un véritable gâchis. Je soutiens donc fermement le Président de la République dans sa volonté de maintenir nos deux composantes.

Le milieu terrestre est le plus directement touché par les décalages de commandes. Sur les exercices 2012 et 2013, l'armée de terre supportera à elle seule 40 % des reports ou annulations, alors même qu'elle ne consomme que 20 % des crédits de ce programme. Je relève notamment : le décalage de la commande de missiles moyenne portée, le report d'un an du programme Scorpion, le report de la commande de véhicules légers tactiques ou encore l'annulation de la dernière tranche de petits véhicules protégés. Dans le même temps, je relève un certain nombre de progrès : le ministre a confirmé la commande d'une seconde tranche d'hélicoptères NH 90 et des crédits importants ont été débloqués pour la rénovation d'appareils essentiels aux opérations : COUGAR, AMX 10, VAB etc. Dans l'ensemble, je ne constate donc pas de recul mais plutôt une posture d'attente des conclusions du nouveau Livre blanc. Quelles que soient ses orientations, un effort devra être consenti pour moderniser notre armée de terre au cours de la prochaine LPM. En particulier, le programme Scorpion devra être impérativement lancé en 2014, au risque d'un déclassement de notre armée de terre.

Quelques mots sur le milieu maritime qui est également concerné par les restrictions. Celles-ci portent notamment sur le décalage d'un an de la commande d'un sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) de type Barracuda et de la rénovation des avions Atlantique 2. Néanmoins, je note avec satisfaction que la marine a pu poursuivre sa modernisation, malgré la réduction de commande des frégates multi missions et le remplacement tardif de la flotte logistique. Le projet d'acquisition d'un second porte-avions n'a pas eu d'actualité au cours de cette programmation et il ne s'agira pas d'une priorité pour la nouvelle.

S'agissant de l'armée de l'air, j'ai relevé à la fois d'intéressantes avancées, avec la poursuite de la modernisation de notre flotte de combat. Elle est également touchée par quelques décalages concernant essentiellement, en 2013, le report du traitement d'obsolescences ou de rénovations concernant notamment les C130 et les Mirage 2000D. Celle des Mirage 2000D est indispensable pour atteindre l'objectif actuel de disposer à l'horizon 2020 d'une flotte polyvalente de 300 avions de combats. Là encore, nous devons attendre les conclusions du nouveau Livre blanc pour calibrer le programme de rénovation. Enfin, nous nous réjouissons tous de la décision du ministre d'acquérir une capacité en avions ravitailleurs. Il s'agit d'une commande indispensable, trop longtemps différée.

J'ajoute dans mon rapport pour avis un développement spécifique sur la question des drones MALE, pour souhaiter l'acquisition d'une capacité francisée à court terme et européenne à plus long terme.

Nous pouvons étirer nos capacités actuelles jusqu'en 2017. À long terme, la France prône le développement d'un drone européen. Pour le moment, les tentatives de coopération avec l'Allemagne ont échoué. Les accords de Lancaster House ont initié un projet franco-britannique auquel les Allemands pourraient se joindre. Entre les deux, nous avons besoin d'une solution intermédiaire, qui repose sur un achat sur étagère de plateformes israéliennes Heron TP ou américaines Predator, sous leur version Reaper, que nous équiperions de charges françaises. Si possible, ce drone devrait être armé, même si cette question soulève des difficultés, certains responsables militaires jugeant qu'il ne s'agit pas d'une priorité et les Américains pouvant se montrer extrêmement réticents à en exporter. À ce stade, cette question reste encore ouverte et nous espérons une décision rapide.

J'ai souhaité enfin proposer un développement thématique sur les enjeux technologiques pour la souveraineté nationale. En bref, j'ai constaté la richesse de notre base technologique et industrielle de défense. Parmi les technologies qu'elle a développées et entretenues, il existe aujourd'hui un coeur indispensable à notre souveraineté, ainsi que l'avait d'ailleurs souligné le Livre blanc de 2008. Pour l'avenir, il s'agit de voir comment notre industrie pourra répondre de façon autonome aux besoins des armées. J'ai également souligné la nécessité de nous intéresser aux technologies qui nous permettront de faire face aux nouvelles menaces ; je pense notamment aux cyberattaques

S'agissant des préconisations, je pense qu'il nous faut renforcer le dispositif de contrôle des investissements étrangers et pérenniser nos dispositifs de soutien à la recherche et aux PME de défense.

En conclusion, nous sommes face à un projet de budget équilibré qui, dans un contexte général difficile, nous permet d'assumer nos engagements et d'assurer la transition vers la nouvelle LPM. C'est pourquoi je vous recommande d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 146 « Équipement des forces » de la mission « Défense » pour le projet de loi de finances pour 2013.

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