Intervention de général Denis Mercier

Réunion du 15 avril 2014 à 18h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

général Denis Mercier :

L'organisation territoriale nous satisfait. Elle vient d'être revue en fonction du nouveau format des forces aériennes stratégiques qui disposent aujourd'hui de trois bases sécurisées équipées d'armes nucléaires stockées dans des bâtiments adéquats et susceptibles d'être déployées où que se trouvent nos avions. Nous ne cessons toutefois de réfléchir à des adaptations et à l'évolution du concept d'emploi qui peuvent, le cas échéant, être soumises au Président de la République par l'état-major. La composante aéroportée n'est donc pas figée et c'est une bonne chose.

Je partage vos réflexions sur l'importance du transport aérien qui est aujourd'hui une de nos grandes faiblesses, notamment en ce qui concerne les ravitailleurs pour lesquels je me battais déjà il y a dix ans alors que j'étais chef du bureau plan de l'état-major de l'armée de l'air. Mais c'est bien la dissuasion qui nous a permis de faire valoir qu'il s'agissait d'un élément essentiel, ainsi que cela ressort également de l'observation des théâtres d'opérations.

Je comprends que se tienne un débat philosophique sur la nécessité des forces nucléaires. Mais le choix de la dissuasion relève aussi d'une véritable analyse militaire qui prend en compte des cas d'école et la planification face à l'état des menaces et de leurs évolutions projetées à l'horizon 2030. C'est ce qui en assure la crédibilité. Nos défenses sont performantes et nous anticipons leur évolution : les capacités radar permettront de détecter un missile dans l'espace exoatmosphérique pour exploiter sa vulnérabilité et éventuellement l'arrêter au moment de son apogée, avant qu'il n'atteigne sa vitesse maximale de pénétration. Ne sommes-nous pas capables aujourd'hui de lancer un module ATM qui assure des opérations de ravitaillement et s'arrime seul, à la manière d'un drone, à la station internationale ? Les missiles de croisière sont eux aussi détectables et des recherches sont conduites pour parvenir à les arrêter à grande vitesse. Les deux types de défense se complètent et l'expérience du conventionnel démontre que plus une attaque est diverse plus elle a de chances de succès par saturation. Compte tenu de la différence des technologies mises en oeuvre pour arrêter les missiles de croisière et les missiles balistiques, l'abandon de l'une ou l'autre des composantes représenterait un très grand risque. L'analyse militaire que j'évoquais plus haut conduit donc à mon sens au maintien des deux composantes pour la crédibilité de la dissuasion. Doit-on pour autant ne toucher à rien ? Des voies de réduction de coût existent probablement hors de l'abandon d'une des deux composantes et je rejoins le général Bentégeat en ce qui concerne la simulation ou la permanence, que nous restons capables d'assurer alors que nous sommes en opération extérieure ; quant à la stricte suffisance en matière de têtes de la composante aéroportée, elle a été réalisée lors de la précédente LPM. Il ne servirait à rien de consacrer à la dissuasion des moyens qui resteraient importants, mais tellement prédictibles que les défenses adverses sauraient s'y adapter. Je regrette à ce propos que d'anciens généraux qui évoquent l'une ou l'autre des composantes ne puissent faire cette analyse militaire ; je ne peux hélas la développer ici car elle relève d'une salle de planification et d'un niveau de secret très élevé. Il s'agit de choix exigeants qui peuvent entraîner une perte de capacités qu'il serait impossible de rattraper à un coût et un délai acceptables. Je reste par ailleurs intimement persuadé qu'aucune redistribution en direction du conventionnel ne se produirait. Cela ne signifie bien évidemment pas qu'il ne faut pas investir dans les forces terrestres ainsi que dans le transport, mais je suis convaincu que ces deux sujets ne sont pas liés.

Quant à l'évolution à long terme, les décisions pour chacune des composantes devront être prises autour de 2016 et la dissuasion aéroportée restera dans l'enveloppe des 10 % du budget consacré au nucléaire.

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