Intervention de Laurence Dumont

Séance en hémicycle du 30 avril 2014 à 15h00
Modification de la loi no 2007-1545 instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Dumont, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Aussi, confirmant implicitement l’autonomie du contrôleur général des lieux de privation de liberté, le texte que nous examinons cet après-midi – et je veux à cette occasion saluer le travail remarquable de la rapporteure au Sénat, Catherine Tasca –, tire les leçons de l’expérience du contrôle au cours de ses six années d’existence.

Les mesures de la proposition de loi, approuvées et enrichies par notre commission, poursuivent cinq objectifs pour renforcer l’efficacité de son action. Ces évolutions étaient souhaitées par le contrôleur et la lecture de son rapport d’activité 2013 confirme leur nécessité.

Premier objectif : la clarification et l’affirmation des pratiques qu’il a mises en oeuvre.

À côté des visites de contrôle, le contrôleur réalise également des enquêtes portant sur des faits particuliers dont il a pu être informé. Dans le silence de la loi de 2007, il a mis en place une procédure pour le traitement de ces saisines comprenant des visites dans les établissements et des entretiens. L’article 1er donne une consécration législative aux pratiques développées par le contrôleur. Il garantit par ailleurs qu’il a les mêmes prérogatives dans le cadre des visites de contrôle et des enquêtes.

Deuxième objectif : l’amélioration des moyens d’investigation et de contrôle pour les enquêtes et les visites.

On élargit le champ des informations susceptibles d’être recueillies et des personnes pouvant être sollicitées par le contrôleur. Ainsi, la proposition de loi donne au contrôleur la possibilité d’entendre toute personne susceptible de l’éclairer et de recueillir toute information qui lui paraît utile. Il est autorisé à collecter des informations auprès d’autres personnes que les autorités responsables du lieu visité.

La proposition de loi lui permet ensuite d’accéder aux procès-verbaux de garde à vue ou de retenue subie dans un local de police, de gendarmerie ou de douane dès lors qu’ils ne portent pas sur des auditions de personnes. Cette extension proposée par la commission des lois permet l’obtention de l’ensemble des procès-verbaux, hors ceux qui sont relatifs aux auditions. Enfin, la proposition de loi prévoit la possibilité pour les contrôleurs ayant la qualité de médecin d’accéder à des données couvertes par le secret médical. Cet accès au secret médical, encadré, constitue, de l’avis du contrôleur général, confirmé par de nombreuses personnes auditionnées, un élément déterminant du contrôle comme le démontre sa recommandation en urgence publiée le 24 avril dernier.

Troisième objectif : l’amélioration des conditions du dialogue entre le contrôleur et les autorités compétentes.

L’article 3 a pour objet d’améliorer les conditions du dialogue s’instaurant après une visite entre le contrôleur et les autorités compétentes. Il prévoit à cet effet que le contrôleur devra tenir compte dans ses observations de l’évolution de la situation depuis sa visite. Cette obligation d’actualisation des constats permettra, dans les cas où le délai entre la visite et la transmission des observations aura été relativement long, que les éléments portés à la connaissance des ministres correspondent à la situation actuelle. La réponse des ministres intéressés aux observations du contrôleur devient une obligation, sauf, bien sûr, dans les cas où celui-ci les en dispenserait, et le contrôleur peut fixer un délai maximal pour la transmission de cette réponse. Enfin, le procureur de la République, lorsqu’il aura été informé par le contrôleur de faits pouvant constituer une infraction pénale, et l’autorité disciplinaire lorsque le contrôleur l’aura saisie de faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires, devront informer le contrôleur des suites données à ses démarches.

L’article 4 rend systématique la publication des avis, recommandations et propositions que formule le contrôleur général des lieux de privation de liberté. Il s’agit ici de consacrer dans la loi la publication systématique mise en oeuvre par l’actuel contrôleur.

Enfin, un amendement de la commission crée la possibilité pour le contrôleur général de formuler des avis sur les projets de construction, de restructuration ou de réhabilitation de tout lieu de privation de liberté. Sa connaissance de ces lieux est en effet de nature à lui permettre d’émettre des recommandations éclairées sur des projets et d’avoir peut-être un rôle de prévention en la matière.

Mes chers collègues, Jean-Marie Delarue a souvent souligné que la coopération des responsables des lieux privatifs de liberté visités et des ministères concernés était globalement très satisfaisante. Néanmoins, certaines situations de refus de communication ont pu apparaître sans qu’il dispose de moyens efficaces pour faire cesser les résistances injustifiées. L’article 5 répond à cette situation en donnant au contrôleur la faculté de mettre en demeure les personnes concernées par un contrôle de répondre à ses demandes de documents, dans un délai qu’il fixera.

L’article 6 crée un délit d’entrave à l’action du contrôleur destiné à dissuader les autorités responsables des lieux visités de faire obstacle au contrôle. La recommandation du contrôleur du 24 avril dernier concernant la maison d’arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone illustre malheureusement les difficultés rencontrées parfois et les entraves qui peuvent exister. Cette mesure de dissuasion nécessaire était initialement punie d’une peine d’emprisonnement et d’une amende de 15 000 euros. La commission propose de ne maintenir que l’amende, la peine d’emprisonnement pouvant apparaître disproportionnée.

Quatrième objectif : la protection des interlocuteurs du contrôleur. On inscrit dans la loi l’interdiction de sanctionner une personne ou de lui faire subir un préjudice du seul fait des liens qu’elle a établis avec le contrôleur.

Cinquième objectif : la mise en conformité de notre droit avec le droit européen –– nous y reviendrons au cours de la discussion des amendements.

Enfin, un amendement de M. Coronado et de M. Molac vient utilement étendre aux députés européens résidant en France la possibilité de saisir le contrôleur. Nous réparons ici un oubli initial du texte.

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