Intervention de Bérengère Poletti

Réunion du 30 avril 2014 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBérengère Poletti :

Je tiens tout d'abord à remercier M. Jérôme Guedj pour son travail au sein de la MECSS et de l'Assemblée. Mon propos reprendra en grande partie les réflexions que notre collègue Pierre Morange, qui ne pouvait être présent ce matin et s'en excuse, a exprimées dans une contribution, en tant que coprésident de la MECSS.

Montrée en exemple dans le monde entier, la politique familiale de la France est reconnue comme étant une politique efficace pour le bien des familles et de leurs enfants. Jusqu'à présent, elle permettait une redistribution horizontale des ressources selon la taille des familles qui faisait consensus. Mais ce consensus est en train de voler en éclat.

Et de fait, la situation de notre pays change comme en témoignent l'asphyxie de nos entreprises face au coût du travail et à la complexité du droit, le chômage battant des records historiques, la déshérence de notre tissu industriel et le poids de la dette. Dans ce contexte, le financement de la branche famille doit être renouvelé et réinventé.

Pour mémoire, la part cumulée des prélèvements sur l'activité dans le financement de la branche famille reste très importante, puisqu'elle s'élève à 80 %. De plus, il faut constater « l'effet ciseaux » qui résulte de la croissance importante des charges liée à l'augmentation des prestations et l'évolution modérée des recettes : cette évolution aboutit à une fragilisation du financement de la branche famille, la Cour des comptes évoquant dans son rapport d'étape un « financement brouillé » et la « difficulté de soutenabilité » de la politique familiale.

En clair, les entreprises s'acquittent chaque année de 35 milliards d'euros de cotisations familiales, ce qui représente 62 % du financement de la branche famille, le reste provenant de la contribution sociale généralisée (CSG) et de divers impôts et taxes. Malgré ces ressources, la branche famille affiche un déficit de 2,8 milliards d'euros qui devrait être contenu à 3,2 milliards d'euros en 2014.

Dans ce contexte, le rapport qui nous est aujourd'hui présenté, ne répond pas aux enjeux actuels.

Premièrement, ce rapport ne tranche pas la question de l'affectation d'une recette pérenne et dynamique à la branche famille, pas plus d'ailleurs que le Premier ministre ne l'a fait, lors de sa déclaration de politique générale, alors qu'il a annoncé une baisse importante des cotisations patronales famille.

Si ces annonces sont suivies d'actes : nous disons « chiche » !

Mais considérant les habitudes prises par cette majorité en matière de politique familiale, on ne peut que s'interroger : le ciblage des baisses de charges sur les cotisations famille signe-t-il un nouveau désengagement de l'État envers les familles ?

La réforme des allocations familiales effectuées dans le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2014 représente un effort de 1,5 milliard d'euros pour les familles des classes moyennes.

Le Premier ministre a tenu à rassurer l'Assemblée en assurant que la branche famille se verrait attribuer de nouvelles sources pérennes. Lesquelles ? Comme le reste des baisses de cotisations et impôts, les baisses de cotisations familiales risquent d'être financées par l'emprunt et la dette. Dans ce contexte, le rapport évacue l'attribution d'une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – qui constitue une recette dynamique et durable – à la branche famille, alors que c'est une réforme pertinente et recommandée par plusieurs économistes auditionnés par la MECSS : M. Christian Saint-Étienne, M. Louis Gallois et même la Cour des comptes.

Deuxièmement, ce rapport ne propose pas non plus de pistes de réformes concrètes pour améliorer le rapport coût-efficacité de la branche famille et n'évoque aucune mesure d'économies ou de rationalisation budgétaire.

Pourtant, de nombreux rapports, notamment celui de notre ancien collègue Yves Bur, ont plaidé, pour une rationalisation des dépenses, dans le respect des principes d'universalité et de solidarité des prestations.

En outre, je rappelle que le Premier ministre, M. Manuel Valls, a annoncé que, dans le cadre du plan d'économies de 50 milliards d'euros, la poursuite de la modernisation de la politique familiale devrait permettre de réaliser 0,8 milliard d'euros d'économies et que les caisses de sécurité sociale devraient dégager 1,2 milliard d'euros d'économies, grâce à la dématérialisation et à une meilleure articulation entre les différents organismes.

Dans ce cadre, la MECCS a fait par le passé plusieurs propositions en matière de rationalisation des dépenses touchant aux systèmes d'information ou à la mise en place d'un guichet unique.

Troisièmement, ce rapport ne contient aucune proposition pour améliorer la compétitivité de notre économie, alors même que cette problématique est cruciale aujourd'hui et qu'elle est profondément liée à celle du coût du travail, comme en témoignent les orientations du Gouvernement en matière de baisse du coût du travail.

Clairement, nous avons affaire à un rapport inachevé : pourtant, une réflexion stratégique est aujourd'hui indispensable, à la fois pour améliorer la compétitivité de la France mais aussi pour assurer des sources de financement plus pérennes et plus dynamiques à la branche famille et optimiser et rationaliser ses dépenses.

C'est pourquoi le groupe UMP votera la publication de ce rapport, en précisant que nous sommes contre ses conclusions.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion