Intervention de José Cambou

Réunion du 30 avril 2014 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

José Cambou, responsable du réseau santé-environnement de France nature environnement, FNE :

On l'a dit : les sources de bruit sont multiples, mais il faut distinguer le niveau du bruit de fond, dans lequel nous passons nos journées, des bruits qui émergent par instant.

Certains bruits génèrent de réels problèmes chez ceux qui y sont soumis régulièrement. En milieu urbain, les deux-roues, parfois trafiqués, sont particulièrement gênants. Ailleurs, on voit se multiplier les circuits de voitures, de motos ou de karts, qui peuvent être insupportables pour les riverains. Dans certaines vallées de montagne, la première nuisance subie par les populations est le trafic des poids lourds en transit, qui roulent même de nuit.

À l'égard du trafic aérien, l'action de la direction générale de l'aviation civile semble insuffisante. L'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) n'est pas saisie, loin s'en faut, de toutes les infractions. Certains jugent son président, M. Victor Haïm, très favorable au développement du transport aérien : se rend-il compte de ce que vivent les personnes survolées ? N'oublions pas que les effets sanitaires du bruit ne sont pas seulement auditifs.

La France est en retard pour la mise en oeuvre de la directive « bruit ». Or les résultats d'une étude publiée en 2010 par la Commission européenne, concernant la situation de soixante-quinze villes de l'Union, sont édifiants. En réaction à l'affirmation : « Le bruit est un grave problème », la phrase : « Je suis complètement d'accord » a été cochée par 42 % des personnes interrogées à Rennes, 44 % à Bordeaux, 51 % à Strasbourg, 57 % à Lille, 70 % à Marseille et 72 % à Paris. La moyenne de ces métropoles excède évidemment la moyenne nationale.

Nos demandes s'articulent autour des actions nationales et internationales de l'État, des actions de terrain, de l'appui à la recherche et à l'expertise, des actions d'information et de sensibilisation, et du développement de formations initiales et continues.

Nous attendons de l'État qu'il améliore la prise en compte du bruit dans les politiques et les décisions publiques, tant au niveau national qu'à l'échelon européen, en se fixant pour objectif de réduire les émissions et les expositions. La mise en oeuvre de la directive « bruit » suppose qu'on revoie le nombre d'autorités compétentes, qu'on articule leur rôle et qu'on associe les observatoires du bruit, qui devraient être reconnus comme des structures adaptées, à la réalisation de cartes stratégiques du bruit et à la coordination des plans de prévention du bruit dans l'environnement. Il faut aussi réviser les articles 26, 37 et 49 du décret n° 2005-828 du 20 juillet 2005, qui confient à la société Aéroports de Paris (ADP) la mesure, l'évaluation et l'information sur le bruit autour des aéroports. Le fait qu'ADP soit ainsi juge et partie prive les riverains d'une information indépendante. Compte tenu de l'emplacement des aéroports, ces études devraient être réalisées par Bruitparif, observatoire du bruit en Île-de-France, et pendant d'Acoucité pour le Grand Lyon.

Ces observatoires ont été créés sur le modèle des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA), dont la gouvernance est pluraliste, ce qui est gage d'indépendance. Nous souhaitons que leur nombre augmente, comme le prévoit le Grenelle I. Malheureusement, à la différence des AASQA, ces observatoires ne bénéficient pas d'une procédure d'agrément ni d'un financement partiel au titre de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Le Parlement pourrait y remédier. Les observatoires du bruit pourraient aussi être adossés aux AASQA, ce qui faciliterait leur émergence et permettrait certaines économies.

Nous demandons également que l'on maintienne dans la durée le financement des protections anti-bruit pour les riverains des aéroports. Un grand nombre de logements restent non traités. Il serait bon de soumettre les deux-roues motorisés à des contrôles techniques réalisés en pleine puissance. Il faut aussi revoir la réglementation sur le bruit qui s'applique au bâti.

Les actions de terrain doivent être correctives et préventives. Pourquoi ne pas limiter, voire interdire les vols de nuit et l'utilisation nocturne de certaines voiries en vallée de montagne par des poids lourds de transit ? Nul n'ignore, en effet, qu'un sommeil perturbé peut entraîner des accidents de la route ou du travail. Il faut aussi développer observations et simulations. Pour chaque métropole, on doit réaliser une cartographie du bruit et de la pollution de l'air, car la santé est un tout. Sur le terrain, on doit mieux intégrer la question du bruit aux divers arbitrages.

En termes de recherche et d'expertise, les besoins de financement demeurent importants. Ils doivent permettre une continuité autorisant un réel travail des équipes, alors que, pour l'instant, presque tous les financements proviennent de l'Agence nationale de la recherche, ce qui cause de fortes interruptions.

On pourrait améliorer l'efficacité des protections collectives antibruit et prendre en compte simultanément bruit et pollution de l'air. L'information et la sensibilisation du public, notamment des jeunes, sont importantes. Il est indispensable de comprendre si l'on veut agir pour sa propre santé et dans l'intérêt général.

Enfin, il faut mettre en oeuvre une formation initiale et continue, non seulement dans le monde de la santé mais dans bien d'autres domaines, afin que les urbanistes ou les ingénieurs intègrent la réflexion sur le bruit dans leurs réalisations, qu'il s'agisse d'aménagement urbain, d'infrastructure, de matériel ou de processes. Il faut aussi former les politiques et les aménageurs, pour qu'ils prennent davantage le sujet en considération. Le chantier de la formation est immense. C'est le facteur clé qui permettra d'évoluer réellement et à long terme.

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