Intervention de Dominique Bidou

Réunion du 30 avril 2014 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Dominique Bidou, président du Centre d'information et de documentation sur le bruit, CIDB, consultant en développement durable :

Le bruit coûte cher : il ressort d'études françaises et européennes que celui des transports représente à lui seul un demi-point de PIB. C'est dans les grands centres urbains que la sensibilité au bruit est la plus forte, ce qui explique le départ des citadins vers la périphérie. S'intéresser au problème que pose le bruit en ville est donc une manière de lutter contre l'étalement urbain.

Sur ce dossier, les maires sont en première ligne. Ils peuvent actionner certains leviers, puisqu'ils ont la main sur la vitesse des véhicules, la qualité des revêtements, l'organisation des transports et le plan de déplacements urbains. Pourtant, certains facteurs comme la motorisation des véhicules leur échappent, puisqu'une des conséquences du millefeuille administratif est que tous les pouvoirs ne sont pas concentrés dans les mêmes mains.

L'exemple des livraisons est significatif. Il devrait être d'autant plus facile de les rationaliser qu'elles sont réalisées par des professionnels. Dans les grands centres urbains, le coût du transport tient à la congestion, qui occasionne une perte de temps. Face à ce problème, des expérimentations prometteuses sont actuellement menées pour organiser ces livraisons de nuit.

Depuis vingt ans, le bruit émis par les véhicules à la sortie de l'usine a baissé de 10 dB pour les voitures particulières et de 15 pour les camions ou les transports en commun. Pourquoi ne pas soumettre les fabricants à une pression accrue, de sorte que les deux-roues fassent les mêmes progrès ?

La résorption des points noirs du bruit (PNB) ferroviaire se poursuit, mais soixante à soixante-dix mille logements auraient encore besoin d'être insonorisés. On peut bien installer des écrans ou des isolations de façade, mais il serait plus efficace de moderniser le parc roulant. Je travaille actuellement sur le projet Eole, qui vise à prolonger le RER E à l'ouest de Paris : en substituant des trains de nouvelle génération aux trains Corail, qui ont trente ans, on réduirait les émissions sonores de 10 à 12 dB et l'on réduirait de 10 % le nombre de PNB. Il s'agit certes d'investissements considérables, mais c'est dans ce domaine que le rapport qualité-prix est le plus efficace. N'oublions pas que la durée de vie d'un train, comme celle d'un avion, est d'environ trente ans.

Beaucoup de progrès ont été accomplis avec la direction des routes pour réduire le nombre de PNB routier, bien qu'il reste encore soixante-dix mille logements à isoler. Attention néanmoins au fait qu'on ne parle, en général, que des PNB sur le réseau routier national. Sur le réseau local, qui ne bénéficie pas du même suivi, il y a dix fois plus de logements à insonoriser et l'obligation n'incombe alors plus à l'État, mais aux collectivités locales.

Enfin, quatre-vingt-dix mille logements soumis aux nuisances sonores aériennes restent à insonoriser, selon un calendrier qui varie selon les aéroports. Dans trois à cinq ans, la question sera pratiquement réglée près de ceux de Bâle-Mulhouse, Marseille, Bordeaux et Lyon, mais il faudra attendre vingt à vingt-cinq ans pour arriver au même résultat à proximité de Nice et de Toulouse-Blagnac – et ce malgré l'augmentation très sensible, ces dernières années, de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA). En termes relatifs, c'est sur le bruit des avions que les plus grands progrès ont été réalisés. Les constructeurs ont consenti des efforts considérables, en lien avec le souci d'économiser l'énergie. Un travail effectué sur les trajectoires permet aux appareils d'atterrir de manière moins bruyante.

Beaucoup d'élus souhaitent qu'on assouplisse les règles d'urbanisme, qu'ils jugent trop contraignantes, dans les zones de bruit. Le point fait débat.

Si les plus grands progrès sont intervenus près des aéroports, c'est parce que c'est le seul endroit où l'on dispose d'un instrument financier, la TNSA. Alors que, dans tous les domaines de l'environnement – eau, air, déchets – s'applique le principe pollueur-payeur, on peut parler, en matière de bruit, d'un principe « pollué-payeur », puisque les citoyens consacrent au bruit un demi-point de PIB. Lors du vote de la loi relative à la lutte contre le bruit, en 1992, la ministre avait préféré rechercher d'autres sources de financement que des taxes.

La dernière question que je vous poserai est de nature morale : peut-on intéresser les jeunes à la qualité de l'environnement sonore en appelant leur attention sur le sens de l'écoute ?

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