Intervention de René Gamba

Réunion du 30 avril 2014 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

René Gamba, formateur, président du groupe Gamba Acoustique :

Le groupe Gamba est un bureau d'études en acoustique, qui travaille sur tous les bruits, qu'ils surviennent dans les transports, l'habitat ou les salles de spectacle. Il se consacre également à la formation et à la R & D pour accompagner les industriels qui mettent au point des systèmes constructifs innovants.

Depuis quarante ans que je participe à la réflexion sur le bruit, je suis frappé par le fait que nous ne comprenions pas ce phénomène. Pour y voir plus clair, n'hésitons pas à faire une analogie entre l'ouïe et la vue. D'ailleurs, on parle parfois de la « couleur » du bruit, pour évoquer sa tonalité, ou de son « relief », pour caractériser sa répartition spatiale. Il est paradoxal que nous nous sentions démunis pour identifier les sensations sonores, alors nous entendons in utero à partir du quatrième ou du cinquième mois.

Notre système nerveux se développe autour de l'acquisition des informations, de leur mémorisation et des apprentissages, dans lesquels l'aspect acoustique joue un rôle fondamental. Nous ignorons pourtant les effets du bruit sur un individu en cours de développement, de même qu'on ne savait pas, jusqu'à une date récente, que les enfants, qui ventilent deux fois plus que les adultes, souffrent davantage de l'ingestion de produits nocifs.

On rétorque souvent à ceux qui se préoccupent du bruit est que sa perception est subjective. Ce n'est pas faux : le bruit étant ressenti, la vérité scientifique ou métrologique est une erreur et la seule vérité est dans nos têtes ou nos coeurs. On se trompe donc quand on ne valorise pas le vécu. Néanmoins, certains effets du bruit sont bien liés à la quantité totale d'énergie physique reçue, qui est mesurable. En laissant des populations s'exposer au bruit pendant leur travail ou leurs loisirs, on crée des surdités. Même si, dans le débat, on oppose souvent exposition subie et exposition voulue, toutes deux ont les mêmes effets.

Les enfants accusés d'être bruyants réagissent souvent de manière spontanée à un environnement bâti malsain. Ils font du bruit pour s'abstraire d'un espace bruyant ou le dominer. Dans les salles de jeux trop réverbérantes des écoles maternelles, les enfants s'agitent au lieu de jouer. Traitées contre la réverbération, ces mêmes salles occupées par les mêmes enfants deviennent calmes et retrouvent leur rôle.

La mauvaise qualité de l'exposition sonore est cumulative et constitue un facteur d'inégalité sociale : ceux qui font les métiers les plus durs, c'est-à-dire les plus bruyants, sont souvent ceux-là mêmes qui sont logés à proximité des voies ferrées ou des pistes d'aviation.

La réglementation acoustique est mal appliquée. Depuis plus de dix ans, 50 % des logements livrés ne sont pas aux normes, ce qui relève non d'une erreur ou d'un accident, mais d'un abus de confiance systématique et volontaire. On peut même parler de vol quand on trompe un acquéreur en lui vendant plusieurs centaines de milliers d'euros un bien non conforme. Une correction va s'opérer, puisqu'un texte de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages contraint désormais le vendeur à fournir à l'acheteur une attestation acoustique. Ce type de mesure vaut mieux qu'un renforcement de la réglementation. Le fait qu'un acheteur grugé puisse demander réparation fera réagir les constructeurs. En outre, il n'est pas vrai qu'un bien insonorisé soit plus onéreux. Ce qui coûte cher est de ne pas penser aux choses. La qualité de l'air intérieur ou d'une ambiance sonore, comme la stabilité d'une structure, qui ne s'effondrera pas, n'entraîne pas de surcoût pour le consommateur. Il est de notre devoir de veiller à ces aspects, d'y introduire de la clarté et de ne pas favoriser l'enrichissement indu de certains au détriment des consommateurs.

Les professionnels français de l'acoustique figurent en bonne place dans les colloques internationaux. Leurs travaux – innovation, mise au point de procédés, élaboration de systèmes de diffusion ou de sonorisation, méthodes de calcul prévisionnel – sont reconnus. Les produits français comptent parmi les plus performants.

Deux grands chantiers s'ouvrent à nous.

Le premier consiste à faire que le neuf soit correct, malgré le défi que constitue la densification des villes. Une récente enquête de l'institut IPSOS montre que, si les urbains sont contents de l'être, ils se plaignent du bruit et de l'insécurité. On doit prendre ces deux aspects en compte si l'on veut retenir les populations dans les villes.

Le second chantier est la rénovation. Il serait aberrant de ne pas coordonner insonorisations thermique et sonore. Reste le problème du coût, surtout si l'on traite en même temps l'accessibilité ou la qualité de l'air intérieur. Mais, puisque, dans l'existant, on fait des travaux tous les vingt ou trente ans, il importe de ne pas rater certains rendez-vous.

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