Intervention de Paul Molac

Séance en hémicycle du 7 mai 2014 à 15h00
Sociétés d'économie mixte à opération unique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Molac :

…chargée de collecter la taxe poids lourds auprès des entreprises de transport – ont mis en évidence les limites de ces contrats de PPP, parmi lesquelles on peut citer, en particulier, les surcoûts à la charge des collectivités, dus aux frais de procédures, au coût plus élevé des emprunts ou à la rémunération des actionnaires. In fine, ces surcoûts pèsent de manière importante sur les usagers.

Par ailleurs, ces PPP, très opaques, amoindrissent la capacité de gouvernance des élus. Enfin, ils aboutissent à une mise à l’écart des PME et des artisans locaux, relégués, dans le meilleur des cas, au rôle de sous-traitants. Ce sont autant d’éléments qui nous rendent très critiques à l’égard de ces partenariats.

Les sociétés d’économie mixte se sont révélées, quant à elles, un bon compromis, alliant l’expertise du privé pour l’exécution d’un contrat à la gouvernance des élus pour les choix stratégiques et politiques, grâce à l’attribution d’une part majoritaire du capital aux collectivités locales, ainsi qu’à une véritable transparence, permise par les procédures de mise en concurrence.

La SEM à opération unique, objet de cette proposition de loi, est à mi-chemin entre le PPP et la SEM classique ; elle vise à offrir aux collectivités territoriales un outil plus simple et plus souple que la SEM, pour allier la gouvernance publique au savoir-faire du privé. Son unique objet a trait à la réalisation d’une opération de service public, de construction et d’aménagement ou toute opération relevant de la compétence de la collectivité territoriale. Cela pourrait par exemple concerner la construction et la gestion d’une salle de spectacles, la gestion d’un contrat de distribution d’eau, d’assainissement ou encore de traitement des déchets.

La nouveauté au regard de la SEM classique tient au fait que la collectivité territoriale pourrait être minoritaire au capital, le minimum de participation étant fixé à 34 %. Relevons toutefois que la personne publique détiendrait en tout état de cause une minorité de blocage au sein du conseil d’administration ou du conseil de surveillance, et que la présidence des organes dirigeants de la société serait assurée par l’un de ses représentants. Il n’en demeure pas moins que les SEM à opération unique n’autorisent qu’une réappropriation limitée de la gouvernance publique et nous éloignent de l’objectif de retour aux régies, alors que la privatisation, même partielle, de certains de nos services publics a eu pour conséquence de renforcer, au sein d’une grande part de la population, un sentiment d’abandon.

C’est la raison pour laquelle nous sommes très favorables à l’amendement n° 14 du Gouvernement prévoyant l’intervention de l’organe délibérant de la collectivité locale pour se prononcer sur le principe du recours à la société d’économie mixte à opération unique. Il s’agirait d’un garde-fou important, permettant une meilleure prise de conscience des conséquences de cette décision, qui pourrait conduire à une certaine dépossession des moyens d’action de la collectivité locale. Les élus doivent en effet rester maîtres non seulement de l’investissement, mais également des choix techniques. N’étant pas des spécialistes, ils ont trop souvent tendance à se laisser imposer par de grandes entreprises des choix techniques qui se révèlent finalement peu efficaces.

Malgré cela, nous relevons que les durées d’exploitation pourront être très longues. Cela peut être justifié par le coût important de l’investissement initial en équipements, mais cela posera, à terme, un réel problème de démocratie, du fait de la désappropriation de la collectivité en pouvoirs et en moyens, consécutive à des décisions remontant à plusieurs décennies. Bien qu’il existe un garde-fou – la dissolution de la SEM à opération unique intervenant sitôt son objet atteint, ce qui constitue une nouveauté par rapport aux SEM actuelles – nous estimons qu’il faut aller plus loin dans l’encadrement des durées. C’est pourquoi nous défendrons un amendement visant à limiter à vingt-cinq ans la durée maximale de ces sociétés d’économie mixte à opération unique.

Nous notons également avec regret que les engagements à payer seront comptabilisés non comme une dette, mais comme des dépenses de fonctionnement, à l’instar du mécanisme des PPP. Cette dette cachée est d’autant plus problématique que, si les collectivités territoriales sont tenues de faire apparaître au bilan le coût des loyers d’investissement des PPP, ce ne sera pas le cas pour ces SEM. C’est pourquoi nous tenons à ce que les normes comptables s’appliquent à ces sociétés.

De même, la décision de recourir à un PPP doit être justifiée par un critère d’éligibilité – urgence, complexité ou efficience économique – au terme d’une étude préalable comparant la réalisation en maîtrise d’ouvrage publique et en PPP. Mais pour la SEM à opération unique, ce garde-fou disparaît : il ne sera plus besoin de critères d’éligibilité. Là aussi, je défendrai un amendement visant à imposer une procédure d’évaluation préalable, comparable à celle prévue pour les contrats de partenariat public-privé, dès lors que le contrat à exécuter serait supérieur à un seuil que nous avons établi à deux millions d’euros. Cette enquête aurait pour objet d’estimer si la SEM à opération unique constitue la solution la plus avantageuse pour la personne publique.

Relevons enfin qu’à l’instar des PPP, ce type de SEM risque d’exclure les PME. Elles se plaignent d’ailleurs régulièrement de cette situation.

Pour notre part, il nous paraît important d’exclure de ce dispositif les personnes morales condamnées au titre de certaines infractions au code du travail ou à la peine d’exclusion des marchés publics, ainsi que les entreprises en liquidation ou en redressement judiciaires : tel sera l’objet d’un autre de nos amendements, qui a pour objet d’imposer à l’opérateur économique cocontractant les mêmes critères de non-condamnation que ceux prévus pour les entreprises qui souhaitent s’engager dans un contrat de partenariat.

En définitive, mes chers collègues, nous observons avec prudence la création des SEM à opération unique. Elles peuvent certes permettre d’éviter un recours aux PPP, ce qui est plutôt positif, mais nous ne sommes pas convaincus de l’efficacité future de ce nouvel outil. S’il offre une meilleure option que le recours aux partenariats public-privé, nous lui préférons néanmoins les SEM classiques ou les autres entreprises publiques locales, davantage tournées vers une gouvernance maîtrisée par les élus. C’est la raison pour laquelle notre groupe a décidé de s’abstenir sur cette proposition de loi.

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