Intervention de Valérie Fourneyron

Séance en hémicycle du 13 mai 2014 à 15h00
Économie sociale et solidaire — Présentation

Valérie Fourneyron, secrétaire d’état chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire :

Entre secteur privé et secteur public, l’ESS fait oeuvre de créativité pour bâtir un nouveau compromis social entre capital, travail humain et solidarité. Il s’agit en réalité d’un changement de paradigme par lequel l’ESS définit une autre manière de penser les échanges et crée le modèle économique durable de demain. Quel est le sens du projet de loi ? Opposer les entreprises entre elles ? Non ! Adopter une vision binaire des entreprises me semble absurde. Nous ne voulons pas opposer les modèles, nous voulons en reconnaître un, celui d’une économie humaine et humaniste. En donnant la primauté aux êtres humains plutôt qu’au capital et au profit, en se détachant de l’emprise des actionnaires, en refusant le dogmatisme d’un système économique qui a montré ses limites et en ayant pour blason la solidarité collective, l’ESS n’est pas une économie de réparation. Elle constitue un secteur conquérant et résilient prouvant tous les jours que l’économie est fondamentalement et originellement une science humaine.

Depuis le début du quinquennat, l’emploi constitue notre but, notre exigence et notre obsession. L’ESS est précisément l’un des secteurs les plus prometteurs en la matière en raison de son potentiel de création d’emplois non-délocalisables, à propos desquels vous savez, mesdames et messieurs les députés, combien le Gouvernement est vigilant, et en raison de son ancrage dans les territoires et de sa capacité d’innovation. Il s’agit d’un levier essentiel pour remporter la bataille pour l’emploi et soutenir le redressement économique de la France, combat qu’Arnaud Montebourg et Michel Sapin mènent avec pugnacité au sein du ministère de l’économie et des finances. L’économie sociale et solidaire représente 2,4 millions de salariés, soit un emploi privé sur huit, et 10 % du PIB de la France. Concrètement, elle représente 70 % des structures d’accueil pour personnes âgées dépendantes, neuf structures consacrées aux personnes en situation de handicap sur dix, une fois et demie les emplois de la construction et quatre fois et demie ceux de l’agro-alimentaire.

Le secteur connaît même de meilleures performances que d’autres car il est en phase avec les besoins de la société. Au cours des difficiles années 2000, alors que l’emploi dans le secteur privé marchand classique n’augmentait que de 7 % en dix ans, l’emploi dans les entreprises de l’ESS augmentait de 23 %, soit plus du triple ! Il s’agit d’une économie résistante, qui résiste d’autant mieux qu’elle est libérée de l’emprise des capitaux et de l’impatience des impatients. L’économie sociale et solidaire connaît une croissance si formidable car elle est résolument tournée vers l’avenir et située au coeur des enjeux des emplois de demain, ceux de l’intergénérationnel, de la transition énergétique et ceux qui retissent le lien social au coeur du mouvement associatif. L’ESS comptera 600 000 salariés à la retraite en 2020, il s’agit donc d’un secteur qui recrute et continuera de recruter. Il s’agit bien d’un secteur créateur d’emplois.

Par nature, l’ESS est une économie ancrée dans les territoires. C’est une économie de la proximité et de la cohésion qui répond à des besoins sociaux et crée des emplois. Je rappelle que 75 % des coopératives se situent dans les régions et que les élus locaux s’y investissent avec détermination et témérité. Je pense aussi en particulier à l’emploi des jeunes, dont le Président de la République a fait sa priorité. La jeunesse française, nos enfants, mesdames et messieurs les députés, trouveront dans le secteur une formidable occasion d’entreprendre et de découvrir une autre manière d’appréhender les échanges ou d’inventer de nouveaux métiers. Je pense aux associations sportives et culturelles dans nos territoires ruraux et nos quartiers populaires. La moyenne nationale des jeunes de moins de trente ans créant des entreprises est de 33 %, mais elle est de 55 % dans les quartiers populaires.

Vous savez, lorsqu’on est jeune, on a des idéaux qui emplissent d’optimisme, font rêver et confèrent l’enthousiasme de changer le monde. L’ESS prouve à la jeunesse qu’il existe autre chose que le profit et le capital et qu’au-delà du travail il existe un sens, un « faire autrement » et un esprit collectif susceptible, à sa manière, de changer le monde. Il s’agit d’une économie qui bénéficie à tous.

Une telle prise de conscience et une telle volonté d’agir pour un secteur créateur d’emplois et d’innovations, François Hollande en a fait l’un des blasons de sa campagne présidentielle. Au mois de mars 2012, lors d’un discours devant le conseil des entreprises et groupements d’employeurs de l’économie sociale, le CEGES, il prit dix engagements en faveur de l’ESS. Dès l’automne 2012, le ministre de l’économie sociale et solidaire, Benoît Hamon, entama donc un vaste chantier pour préparer un projet de loi.

Aujourd’hui, ce projet de loi comporte les dix engagements pris. Tout au long des étapes législatives, mon collègue Benoît Hamon, à qui je rends un hommage appuyé, a eu à coeur de travailler dans un esprit de co-construction avec l’ensemble des réseaux et des acteurs. Nous avons sollicité les fédérations professionnelles et les instances consultatives, en particulier le conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, et les institutions représentatives du secteur, en particulier le CEGES. Les organisations syndicales ont aussi apporté leur contribution au sujet de la vigueur des principes dans la réalité sociale des entreprises. Par ailleurs, le Conseil économique, social et environnemental a fait l’objet d’une saisine du Gouvernement et son avis est repris de façon assez exhaustive en matière de modernisation du droit coopératif et de territorialisation des politiques de développement de l’économie sociale et solidaire.

« Innovation sociale », « utilité sociale » et « économie sociale et solidaire » ne sont pas des coquilles vides, de la rhétorique d’apparat ni des concepts inventés pour alourdir les dictionnaires et les têtes, mais des mots que nous avons définis tous ensemble pour leur donner un contenu tangible et reconnaître la légitimité de la réalité qu’ils désignent. Telle est bien la méthode du Gouvernement : la réflexion commune et la concertation entre les parties prenantes pour mieux imaginer et créer l’environnement favorable au développement de l’ESS dans le monde de demain. L’avenir de l’ESS, qui concilie la performance économique et l’utilité sociale, est celui d’une économie profondément, indéniablement, irrésistiblement réelle. Au mois d’avril dernier, six commissions de votre assemblée saisies pour avis ont adopté le projet de loi. C’est inhabituel, c’est même le record de la législature !

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