Intervention de Gilles Lurton

Séance en hémicycle du 13 mai 2014 à 15h00
Économie sociale et solidaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Lurton :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis une vingtaine d’années se développe au sein de notre société un mouvement affirmant une autre manière de consommer, d’épargner, de travailler et d’entreprendre : l’économie sociale et solidaire.

En préparant cette intervention, en travaillant sur le texte que vous nous présentez aujourd’hui, madame la ministre, en consultant aussi les habitants de ma circonscription sur ce projet, je me suis rendu compte combien l’économie sociale et solidaire reste souvent méconnue dans notre pays ou plutôt combien notre population, tout en connaissant de nombreuses entreprises d’économie sociale et solidaire, ignore tout de ce qui les caractérise.

Il me paraît donc nécessaire, mes chers collègues, de prendre quelques instants pour mieux comprendre ce qu’est l’économie sociale et solidaire.

Elle se caractérise par une vision d’utilité sociale plus que par la recherche d’un gain financier.

La gouvernance d’entreprise responsabilise les individus en s’appuyant sur un principe « une personne égale une voix » et non pas « une action égale une voix ». Dans ce secteur, il n’y a pas d’actionnaire à rémunérer ce qui permet de réinvestir tous les bénéfices dans l’activité.

Ce secteur, souvent considéré comme marginal, s’est développé très vite, et la nécessité d’en sécuriser le cadre juridique a conduit le Gouvernement à adopter le 24 juillet 2013 en conseil des ministres, un projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire. Après Benoît Hamon, votre prédécesseur, vous en avez hérité, madame la ministre.

Dans un premier temps, je veux saluer cette initiative rendue indispensable pour un secteur créateur d’emplois à une période où nous en avons tant besoin.

Des chiffres ont déjà été donnés par les rapporteurs qui se sont succédé. Je retiendrais pour ma part que l’économie sociale et solidaire représente un vivier d’emplois pour les dix prochaines années. On estime en effet que 600 000 emplois devraient être renouvelés dans ce secteur d’ici à 2020. C’est dire son importance dans le contexte de crise que nous connaissons, alors que le nombre de demandeurs d’emploi et de personnes en situation de grande précarité n’a jamais été aussi important.

Favoriser l’essor de ce secteur par le biais d’un ensemble de mesures structurantes conférant à l’économie sociale et solidaire un cadre juridique simple et protecteur, un cadre facilitant aussi l’accès au financement de ses acteurs, constitue à mon avis un enjeu essentiel pour l’emploi et la croissance dans notre pays.

Je vous le confirme, madame la ministre, j’ai également pu mesurer combien étaient grandes les attentes des acteurs de l’économie sociale et solidaire. Ils attendent des mesures de nature à remédier aux rigidités ou aux insuffisances statutaires qu’ils connaissent actuellement.

Je formulerai cependant un certain nombre de réserves quant à la détermination du champ de l’économie sociale et solidaire, à l’article 1er, et des conditions de l’obtention de l’agrément « entreprise solidaire » prévu à l’article 7.

Vous avez fait le choix, au sein de la nomenclature définie à l’article 1er, d’un dispositif particulièrement restrictif, qui écarte la plupart des sociétés commerciales, notamment celles du secteur des services à la personne, comme vient de le rappeler ma collègue Isabelle Le Callennec.

Les dispositions de l’article 1er qui permettent à une entreprise ou à une association d’intégrer l’économie sociale et solidaire sont pourtant primordiales car elles rendent éligibles aux prêts de la Banque publique d’investissement et détermineront ultérieurement l’obtention de l’agrément prévu à l’article 7, celui-là même qui rend éligible aux dispositifs de soutien fiscal dits ISF-PME et Madelin.

Si le dispositif de soutien fiscal rendu possible par l’obtention de l’agrément retient toute mon attention, je ne peux que m’opposer aux conditions d’obtention de cet agrément ainsi qu’aux conditions d’intégration dans l’économie sociale et solidaire.

L’adoption en l’état de votre projet créerait une véritable distorsion de concurrence au détriment des entreprises évoluant dans le secteur des services à la personne. Elles seraient privées du soutien fiscal dont leurs principaux concurrents, associations ou organismes d’insertion, pourront bénéficier.

Je ne partage pas non plus, madame la ministre, votre point de vue sur les conséquences qu’aurait l’adoption des articles 11 et 12 sur le droit d’information des salariés en cas de transmission d’une entreprise ; cela aussi, je l’ai dit à plusieurs reprises. Autant je vous suis sur la nécessité de resserrer ce lien qui doit unir le salarié à son entreprise, autant je pense que de tels articles n’ont rien à faire dans cette loi et risquent une fois encore de compliquer la vie des entreprises, de compliquer la relance de l’emploi dont nous avons tant besoin. L’information selon laquelle le chef d’entreprise quitte la tête de son entreprise peut être un facteur de réelle déstabilisation et fragiliser l’entreprise dans ses relations non seulement avec ses partenaires commerciaux et financiers, mais aussi avec ses concurrents. La confidentialité du processus est un facteur clé du succès de la transmission.

Depuis deux ans, madame la ministre, à chaque fois que nous votons une loi relative au domaine de l’emploi ou plus généralement au domaine social, le Gouvernement s’obstine à introduire des mesures compliquant la vie des entreprises, notamment des plus petites qui n’ont pas forcément les moyens de s’adapter à ces évolutions. Je réserve donc ma position sur ce texte, qui dépendra de votre capacité à écouter nos observations et à accepter nos amendements. Je me permets de vous faire observer que mon attitude est constructive, je veux que l’économie sociale et solidaire puisse se sentir consolidée par un tel projet de loi.

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