Intervention de Patrick Lorcet

Réunion du 6 mai 2014 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Patrick Lorcet, président directeur général de l'usine Gardel au Moule, Guadeloupe :

Pour prolonger la réponse de M. Philippe Labro sur les nouveaux débouchés possibles de la canne à sucre, je dirai que nous ne sommes pas dans la même échelle de temps.

Notre activité s'inscrit dans le concret de la gestion quotidienne et nous avons besoin d'une vision sur plusieurs années pour réaliser des choix techniques et des investissements. Les espoirs de nouvelles productions ou de nouvelles valorisations de la canne n'en sont qu'au stade de la recherche fondamentale et il faudra attendre un certain nombre d'années pour qu'elles parviennent au stade industriel.

Par ailleurs, les relations entre les planteurs et les industriels sont gérées par des conventions pluriannuelles. La dernière, en vigueur depuis 2007, arrivera à échéance à l'issue de la campagne de commercialisation 20152016. Nous devrons alors préparer une nouvelle convention interprofessionnelle à compter du début de la campagne de commercialisation 20162017. Lorsque nous connaîtrons le cadre réglementaire et le niveau du soutien de l'État, nous engagerons une négociation constructive avec les planteurs pour trouver un accord. Mais, pour l'instant, nous ne savons pas ce que sera l'avenir après l'abandon des quotas, le 1er octobre 2017. En l'absence de garantie sur la vente de nos sucres, nous ne savons pas quel prix attribuer à la tonne de canne. Pourrons-nous convaincre les planteurs de négocier une convention interprofessionnelle a minima ou de prolonger l'existante de deux ans, sachant que le prix de la tonne de canne est figé depuis 2007 ? Il est clair que les planteurs chercheront surtout à augmenter le prix de leur matière première. C'est là une problématique immédiate et très sensible. Elle prime sur la recherche de nouveaux produits.

Il nous reste cependant des pistes à explorer dans le domaine des coproduits. Nous avons un projet en cours visant le développement de substances fertilisantes obtenues en mélangeant les écumes et les cendres de bagasse et de vinasse. Une autre piste, qui n'a pas encore été étudiée, consiste à récupérer les pailles restant dans les champs pour les valoriser ou les brûler.

Enfin, la dernière question que je voudrais évoquer est celle de la pérennité des trois unités de production sucrière des Antilles, en particulier celle du Galion en Martinique et celle de Marie-Galante en Guadeloupe. Il s'agit là d'un sujet de réflexion qui est autant politique qu'économique.

Je rappelle que c'est grâce au soutien des collectivités locales que la sucrerie du Galion doit sa survie.

De même, la sucrerie de Marie-Galante est confrontée au coût de la double insularité et au fait que la plupart des décideurs la considèrent comme un outil industriel classique, alors qu'il s'agit, bien autant, d'un outil d'aménagement du territoire. Ainsi, le projet de centrale thermique alimentée par la bagasse, qui représente un investissement de 80 millions d'euros, marque le pas actuellement parce que le coût du kilowatt produit – un coût qui est très élevé – n'a pas été validé par la Commission de régulation de l'énergie.

Nous attendons une prise de conscience des collectivités locales et des responsables politiques. Maintenir ou pas ce type d'unité relève d'un choix politique.

En Guadeloupe, la sucrerie Gardel a anticipé les difficultés éventuelles en procédant à de nouveaux investissements et en développant les sucres de qualité. Mais elle va conserver un handicap structurel important dû à l'impossibilité d'augmenter les tonnages de cannes. Si des aléas climatiques se produisent, au cours des trois ou quatre prochaines années, elle sera confrontée à un problème très réel d'approvisionnement.

Le choix a été fait, en 2006, de maintenir l'activité des sucreries des DOM. La prochaine étape exige un soutien politique si nous voulons pérenniser la filière « canne-sucre-rhum-bagasse » dans les départements d'outre-mer.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion